Je ne partage pas l’enthousiasme de notre collègue Jacques Blanc, mais nous aurons l’occasion d’y revenir…
L’article 1er a pour objet d’instaurer un régime fiscal et social particulièrement avantageux pour les travailleurs indépendants dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas un montant de 80 000 euros pour les activités commerciales et de 32 000 euros pour les activités de services.
Depuis le gaspillage en pure perte de 15 milliards d’euros d’argent public en 2007, nous avons l’habitude des cadeaux fiscaux. Mais lorsque les Français s’inquiètent de leur pouvoir d’achat, on leur répond sans vergogne que les caisses sont vides. Ce sont là en tout cas les propos du Président de la République !
Depuis la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, nous avons l’habitude des « usines à gaz » censées permettre aux salariés de rattraper un peu de leur pouvoir d’achat perdu. Cependant le nombre d’heures supplémentaires n’augmente pas. Ce dispositif n’est qu’un autre cadeau, un effet d’aubaine pour les employeurs qui faisaient déjà effectuer des heures supplémentaires. Le gain, calculé par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, s’élève glorieusement à 10 euros par mois pour les salariés ! Quant à la défiscalisation, il convient de souligner que les salariés qui effectuent des heures supplémentaires pour améliorer leur situation ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, à l’instar de la moitié des foyers français.
On nous a ensuite présenté, dans une loi dont l’intitulé se référait, ce qui ne manque pas d’humour, à des « mesures en faveur du pouvoir d’achat », le rachat des RTT. Or les employeurs n’en veulent pas, parce que cela déstabilise leurs comptes et remet en cause des accords sur le temps de travail qui ont fonctionné de manière satisfaisante. Seulement 7 % des entreprises mettent en œuvre ce dispositif complexe, qui, selon les dernières statistiques, n’a pas convaincu les salariés.
N’oublions pas la prime défiscalisée de 1 000 euros pour tous les salariés des entreprises qui en comptent moins de cinquante, que 89 000 d’entre celles-ci, soit 6 % des entreprises potentiellement concernées, ont choisi d’accorder.
Voici donc aujourd’hui un autre « bricolage » : le statut fiscal et social simplifié pour les petits entrepreneurs, en vertu duquel ces derniers pourront s’acquitter d’un versement libératoire fiscal et social unique sur une base trimestrielle ou mensuelle, au taux réduit de 13 % du chiffre d’affaires pour les activités de commerce et de 23 % pour les activités de services. Le coût de ce dispositif pour les finances publiques s’élèverait à 70 millions d’euros en 2010.
Il s’agit, selon le Gouvernement, d’encourager la création d’entreprise. Mes chers collègues, nous y voyons plutôt un encouragement à la pluriactivité sans limite pour compenser la faiblesse des salaires et des pensions de retraite.
Cet article pose deux problèmes majeurs.
En premier lieu, comment justifiez-vous qu’un même revenu, selon qu’il est issu, pour la même personne, d’un travail salarié ou d’un travail d’auto-entrepreneur, sera soumis soit à un prélèvement libératoire de 1 %, soit à des prélèvements sociaux de 20 % et à un impôt sur le revenu dont le barème commence à 5, 5 % ?
Cela apparaît difficile, à moins que vous n’ayez pour projet politique à long terme de faire disparaître le statut de salarié au profit d’une multitude de petites activités indépendantes où chacun devra assumer seul non seulement son revenu, mais aussi sa protection sociale, à moins que vous n’ayez pour projet de diminuer les retraites à un point tel que leurs bénéficiaires soient obligés d’exercer un petit boulot pour les compléter et arriver à survivre.
Ce projet politique s’inspire clairement de ce qui se pratique dans d’autres pays, mais ce n’est pas, selon nous, un exemple à suivre.
En second lieu, l’application de ce dispositif va entraîner des distorsions de concurrence dans les secteurs du commerce et de l’artisanat.
Comment une même personne, salariée aux heures ouvrables, pourra-t-elle se muer en artisan le soir, voire le week-end ? Il est évident qu’elle ne pourra que faire concurrence à son employeur. Par conséquent, cette mesure aboutira à déstabiliser les petites entreprises, sans pour autant augmenter le pouvoir d’achat des auto-entrepreneurs, qui feront du dumping, ni accroître la charge de travail disponible, qui est actuellement très faible.
En un mot, il faut bien le dire, tout cela n’aboutit qu’à légaliser du travail au noir.
Vous prenez délibérément le risque de casser un peu plus notre structure économique, déjà fragile, pour accomplir votre projet fondamental de destruction de nos structures de solidarité.
L’ensemble de ce projet est mis en œuvre aux frais du contribuable, au détriment du tissu commercial et artisanal. Ne sortiront gagnants que les grandes enseignes et les acteurs du leverage buy-out, le LBO. C’est une véritable publicité mensongère sur le thème du pouvoir d’achat !
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous demandons de supprimer cet article 1er. Nous reviendrons d’ailleurs à la charge lors de l’examen de l’article 3, afin de tempérer l’enthousiasme que j’ai cru déceler aujourd’hui dans les propos de notre collègue Jacques Blanc. Les artisans et les petits entrepreneurs sauront faire la part des choses s’agissant de ce projet de loi !