Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, n’en déplaise à notre collègue du groupe UMP, la proposition de loi qui tend à autoriser le cumul des ressources issues d’une reprise d’activité professionnelle et l’allocation de solidarité aux personnes âgées est, pour nous, l’exemple même d’une mauvaise réponse à une vraie question.
Que l’on partage ou non l’objet de cette proposition de loi, le sujet qui s’impose est celui de la paupérisation des retraités et des personnes âgées.
Nous rencontrons de plus en plus fréquemment des retraités qui vivent dans une plus ou moins grande fragilité sociale. Comment ne pas rappeler que la retraite médiane se situe autour de 1 100 euros par mois et que, selon l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, sous l’effet conjugué de la précarité croissante qui touche les salariés et de la baisse du taux de remplacement, le niveau moyen des pensions pour les nouveaux retraités devrait passer, en 2020, à 850 euros nets mensuels ! Cet effondrement des pensions est l’une des conséquences des réformes initiées depuis 1993 en matière de retraites.
Par ailleurs, le rapport de Mme Debré le rappelle, nous sommes confrontés à une importante hausse des bénéficiaires de l’ASPA, preuve, là encore, de cette paupérisation qui frappe, faut-il le rappeler, principalement les femmes, victimes des temps partiels et des inégalités salariales. Pour autant, bien que nos vues puissent converger sur certains éléments du constat, nous ne partageons pas la solution formulée dans cette proposition de loi.
Les travaux de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale interrogent clairement le Gouvernement sur les mesures qu’il lui incombe de prendre pour rompre avec la spirale de la précarité dans laquelle de plus en plus de nos concitoyens sont enfermés. Celle-ci atteste de l’urgence qu’il y a à revaloriser les minima sociaux, afin qu’aucun d’entre eux ne soit inférieur au seuil de pauvreté.
Ainsi, s’agissant de cette proposition de loi, nous ne considérons pas que, pour renforcer le pouvoir d’achat des bénéficiaires de l’ASPA – d’une partie seulement d’entre eux en réalité –, il n’y aurait qu’une piste possible : la reprise de l’activité professionnelle. Cette solution, apparemment simple, voire simpliste, méconnaît les situations personnelles dramatiques dans lesquelles peuvent se trouver certains bénéficiaires. En effet, on voit mal comment un bénéficiaire de l’ASPA reconnu définitivement inapte au travail pourrait reprendre une activité professionnelle.
Certains à droite – nous l’avons vu lors des travaux en commission – considèrent que cette inégalité est naturelle. C’est méconnaître le fait que, dans la majorité des cas, cette inaptitude est la conséquence directe de l’activité professionnelle précédente. Il y aurait donc, d’un côté, des travailleurs détruits par le travail, qui devraient survivre avec l’ASPA, et, de l’autre, des bénéficiaires en meilleure santé, à qui l’on ne préconiserait rien d’autre que de continuer à s’user au travail…
Qui plus est, la proposition de loi, en faisant explicitement référence au cumul emploi-retraite, ignore le « portrait social » des bénéficiaires de l’ASPA. Si les retraités qui cumulent pension et activité sont d’abord et avant tout des cadres, avec des revenus et des pensions élevés, ce n’est évidemment pas le cas des bénéficiaires de l’ASPA. Il s’agit, par définition, de publics fragilisés, pour qui la reprise d’une activité professionnelle relèverait plus d’une question de survie que de la volonté de rester actif.