Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 31 janvier 2013 à 9h00
Cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

… puisqu’elle tend à faire croire que chacun serait libre de reprendre une activité, c’est-à-dire responsable pour lui-même. Tout cela sans que soit jamais abordée la question de la responsabilité sociale des entreprises, qu’il s’agisse du maintien des seniors dans l’emploi, de l’émiettement des temps de travail, de la précarisation des contrats et des rémunérations ou encore de la dégradation des conditions de travail.

C’est en réalité une mesure corsetée, qui ne tient compte ni de la précarité sociale, sanitaire et physique des bénéficiaires de l’ASPA, qui les enferme dans la pauvreté, ni de la réalité même de ce qu’on appelle le « marché du travail ».

Si j’en crois l’esprit de la proposition de loi, il suffirait que les bénéficiaires de l’ASPA souhaitent reprendre une activité professionnelle pour qu’ils puissent le faire. Or les chiffres montrent le contraire : le taux d’emploi des seniors est en France particulièrement bas. Je vous fais grâce des statistiques, mes chers collègues, mais sachez, à titre d’exemple, que le taux d’activité des 55-64 ans en France est inférieur de plus de 7 points au taux d’activité moyen dans l’Union européenne.

Prétendre que les bénéficiaires de l’ASPA pourraient reprendre une activité professionnelle constitue donc, selon nous, une analyse erronée du marché du travail. Au contraire, les employeurs sont de plus en plus enclins à se séparer des salariés les plus âgés, qu’ils considèrent comme étant peu productifs et trop chers. En outre, 23 % des ruptures conventionnelles concernent les plus de 58 ans. De plus en plus de salariés âgés, classés dans la catégorie des actifs, sont en réalité inscrits à Pôle emploi.

Pour conclure, je voudrais que nous nous interrogions toutes et tous sur le projet de société que nous voulons léguer à nos enfants. Voulons-nous, comme c’est le cas dans de très nombreux pays – j’en ai visité certains –, que des retraités, déjà usés par le travail, soient contraints, en raison de leur pauvreté, de tenter de reprendre une activité, qui s’apparente le plus souvent à un sous-travail ou à un mal-travail ? Voulons-nous obliger des retraités issus de la fraction la plus pauvre des salariés à reprendre une activité professionnelle, alors que leur activité passée a déjà réduit leur espérance de vie de sept ans en moyenne ?

Pour notre part, nous ne voulons pas de cette société et nous appelons le Gouvernement à répondre à l’urgence sociale que cette proposition de loi a le mérite de souligner en mettant en œuvre, dans les meilleurs délais, une revalorisation des minima sociaux de sorte qu’aucun d’entre eux ne soit inférieur au seuil de pauvreté.

Serait-ce un défi trop ambitieux à l’heure où le Gouvernement sait trouver 20 milliards d’euros de crédit d’impôt pour les entreprises ? Nous ne le pensons pas. Nous invitons au contraire chacun, à partir de ce constat partagé de paupérisation d’une part non négligeable des retraités, à prendre en compte cette donnée essentielle lors du prochain rendez-vous des retraites.

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