Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente discussion nous honore, car elle montre que nous abordons de vraies questions sans dogmatisme et tout en étant proches de la réalité. Après ce débat, on ne pourra plus dire que les élus, les parlementaires, méconnaissent les problèmes de la société ou en sont éloignés. Ils en ont pleinement conscience. Vous en avez d’ailleurs donné des exemples très concrets au cours de vos interventions.
Je suis frappée par la place laissée dans toutes les interventions aux interrogations – je pense en particulier aux propos de Mme Deroche et M. Teulade –, au pragmatisme – vous l’avez vous-même souligné, madame Debré –, voire à l’inquiétude. Il s’agit là en effet d’une question majeure pour notre société, et je reviendrai ultérieurement sur ce point.
Il est vrai que des questions peuvent être soulevées, et c’est d’ailleurs ce qu’a fait M. Watrin. L’âge moyen des allocataires du minimum vieillesse est de 75 ans. Nous devons avoir comme préoccupation de ne pas nuire à leur santé. Mais, dans le même temps, avec la même honnêteté, la même bonne foi, force est de reconnaître que le meilleur gage de santé, ce sont des revenus décents. Nous devons souhaiter que les travaux accomplis par les personnes âgées – en particulier les travaux au noir, car cela existe, et j’ai personnellement rencontré sur les marchés des personnes travaillant dans de telles conditions – ne soient pas pénibles. Or tel est souvent le cas des travaux présentiels.
M. Kerdraon a évoqué une espèce de paradoxe apparent, à savoir les aides aux personnes âgées dispensées par d’autres personnes âgées. Aujourd’hui, vous le savez – et pour ma part je m’en félicite –, l’espérance de vie est très élevée. La solidarité peut alors être intragénérationnelle.
Dans les différents exemples exposés, on peut trouver le meilleur, comme le moins bon. J’ai été très frappée par l’illustration donnée par M. Kerdraon : oui, les allocataires du minimum vieillesse sont majoritairement des femmes ; oui, notre cœur saigne lorsque nous constatons qu’un grand nombre d’entre elles – 15 % – doivent faire appel à des associations de solidarité alors qu’elles ont été confrontées, au cours du XXe siècle, aux guerres et aux restrictions – ne l’oublions jamais – et qu’elles les ont vécues dans la dignité.
M. Desessard, quant à lui, a donné deux exemples particulièrement éloquents et qui ébranlent le débat : pourquoi l’un pourrait-il cumuler sans pénalité pension de retraite et salaire contrairement à l’autre qui semble pourtant avoir davantage besoin d’un revenu supplémentaire ?
Monsieur Plancade, il faut bien évidemment protéger le travail, et ce ne sont pas les socialistes qui diront qu’ils sont favorables au travail au noir.
Vous avez déclaré qu’il fallait élargir le débat. C’est une évidence, et tout mon ministère se consacre à cet élargissement du débat, c'est-à-dire à la réflexion sur la place des personnes âgées dans notre société. Les personnes âgées représenteront bientôt 30 % de la population. Aujourd'hui déjà, la retraite dure souvent une trentaine d’années. C'est pourquoi nous devons poser la question de la place des personnes âgées dans notre société. Le projet de loi que nous vous présenterons prochainement constituera, j’ose le dire, un premier pas dans cette direction. Il couvrira tout le champ de l’âge, et nous placerons ceux qui ont le moins de moyens au cœur de nos préoccupations.
Nous venons d’avoir un débat de qualité, mais il reste des incertitudes. Les inquiétudes et les interrogations sont légitimes. Les questions posées sont bonnes, mais les réponses ne sont pas aussi simples qu’on pourrait l’espérer. Il y a une marge d’inquiétude pour nous tous, quelles que soient nos opinions politiques. C’est dans le respect de cette marge d’inquiétude que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cette proposition de loi. §