Intervention de Philippe Marini

Réunion du 31 janvier 2013 à 9h00
Fiscalité numérique neutre et équitable — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini :

Les problématiques rencontrées ne connaissent pas de frontières et concernent tout aussi bien les États européens que les États-Unis, notamment dans le domaine de la taxation du commerce électronique.

Aussi, je me réjouis que ce sujet, sur lequel je travaille au sein de la commission des finances depuis plus de trois ans, soit devenu une véritable question de société, à savoir la territorialité, ou l’absence de territorialité, de l’économie numérique. Je remercie donc mes collègues du groupe UMP d’avoir bien voulu demandé l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour réservé à notre groupe.

Ce sujet, dont le caractère est transversal et – je pense que nos débats le montreront – trans-partisan, a intéressé trois commissions, qui se sont saisies pour avis de ce texte. Je salue leurs rapporteurs pour avis, qui sont groupés solidairement au banc des commissions : Claude Domeizel, Yves Rome et Bruno Retailleau. Je me félicite de leur contribution à l’enrichissement du débat et de leur soutien à ma démarche d’ensemble.

Au demeurant, le Sénat avait également traité de ce sujet en 2012, dans le cadre des travaux de la commission d’enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, dont notre collègue Éric Bocquet était rapporteur.

Pour ma part, j’ai effectué plusieurs déplacements en Italie, en Grande-Bretagne et en Allemagne, lesquels m’ont permis d’identifier des points d’intérêt communs aux différents États européens.

Comme en France, ces grands pays de consommation ont entamé des procédures à l’encontre de Google, d’Amazon et d’Apple dans le domaine du contrôle fiscal. Il s’agit d’affaires en cours, sur lesquelles je ne dispose pas d’éléments de première main, mais les informations publiques disponibles font état de montants très importants de « dilution » de la matière fiscale. En outre, mes chers collègues, nous savons bien que ces schémas ne sont pas l’apanage de la seule industrie numérique.

Par ailleurs, parallèlement au volet fiscal, nos voisins allemands se sont focalisés sur la question de la captation de valeur publicitaire des moteurs de recherche sur les contenus éditoriaux offerts par les sites de presse. Il en résulte une voie, que je considère comme très intéressante, consistant à accorder aux éditeurs de presse un droit voisin aux droits d’auteurs. Cette approche, reprise selon des variantes par les presses française et italienne, me semble tout à fait complémentaire du volet fiscal.

Pour ma part, je me suis efforcé d’entrer dans un travail prospectif sur ce que devrait appréhender à l’avenir le droit fiscal au regard des nouveaux modes numériques de création de richesses. À mes yeux, le cœur de réacteur de la nouvelle économie numérique est la publicité, laquelle permet la fourniture de services gratuits, du moins apparemment, et favorise le commerce électronique comme nouveau mode de consommation.

Mes chers collègues, la voie que je défends au travers de cette proposition de loi n’est pas exclusive des autres approches. Elle se conjugue avec le contrôle fiscal, l’utilisation, en particulier, de la notion d’abus de droit en droit fiscal français, ainsi qu’avec la préoccupation d’une juste rétribution des auteurs.

Naturellement, ce texte ne prétend pas résoudre l’ensemble du problème. Je ne réclame aucun copyright et n’ai aucun amour-propre d’auteur. §Je souhaite simplement que les choses avancent et que l’on fasse du concret !

À cet égard, la presse, plus tardivement en France qu’aux États-Unis et en Grande-Bretagne, a maintenant, me semble-t-il, après des débuts un peu difficiles, pleinement pris la mesure du problème.

Ainsi, dans une parution récente du magazine Challenge, j’ai pu lire ceci : « Partout, des idées émergent pour créer un impôt adapté à l’économie du XXIe siècle, dématérialisée et sans frontières, donc peu concernée par les outils anciens (TVA, impôt sur les sociétés, etc.). »

Mes chers collègues, le défi que nous impose l’économie numérique est d’œuvrer pour la création d’une fiscalité du XXIe siècle : à nouvelles assiettes, nouveaux impôts !

Ma proposition de loi, dont je ne reprendrai pas le détail, dévoile une dynamique, un ensemble d’initiatives, dont le dispositif purement juridique n’est que le premier terme, le premier étage, en quelque sorte.

Les enjeux politiques s’appellent « compétitivité », « croissance des marchés », « impact sur l’industrie européenne ». Pour s’orienter de manière opérationnelle, il me semble que trois termes doivent à mon avis être distingués.

Il y a le court terme, qui correspond à l’échelon national, où prend place cette proposition de loi prévoyant un dispositif de déclaration fiscale applicable aux acteurs étrangers pour une série de taxations destinées à rétablir la neutralité et l’équité fiscale.

Ensuite vient le moyen terme, qui correspond à l’échelon communautaire, où prend place l’enjeu du raccourcissement du délai de basculement de la TVA sur les services électroniques vers l’État de consommation, dont il convient de pratiquer le taux.

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