Intervention de Yvon Collin

Réunion du 31 janvier 2013 à 9h00
Fiscalité numérique neutre et équitable — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Yvon CollinYvon Collin, rapporteur :

Quelles données, personnelles ou non, seront concernées par le dispositif ? Comment sera fixée la valeur de ces données ou de leur traitement afin de déterminer l’assiette d’imposition ? Qui seront les redevables ? À partir de quels volumes de données et pour quelles utilisations ? L’objectif d’intérêt général portant sur la protection des données personnelles sera-t-il suffisant au regard du droit communautaire pour justifier d’une dérogation à la libre circulation des biens et services, comme cela a été admis pour l’encadrement législatif des jeux en ligne ?

À ce stade, outre l’avis de la Commission européenne qu’il conviendra que le Gouvernement sollicite, le rapport de la mission d’expertise ne délivre aucun chiffrage et ne précise aucune modalité de recouvrement de cette proposition de taxe incitative. Il faut donc constater, pour l’heure, que les propositions remises au Gouvernement ne constituent pas une solution de rechange opérationnelle à la proposition de loi de Philippe Marini.

Au surplus, on peut considérer que les critiques déjà formulées à l’encontre de la taxation de la publicité en ligne et du commerce électronique peuvent, dans une certaine mesure, être transposées à la taxation de la collecte et l’utilisation des données.

En effet, comme dans le cas de la proposition de taxation de la publicité en ligne ou du commerce électronique, la fiscalisation des données affecterait nécessairement les acteurs français, avec la même incertitude sur l’efficacité de la procédure déclarative applicable aux acteurs étrangers.

D’ailleurs, la mission propose que les entreprises quantifient elles-mêmes, sous le contrôle de l’administration fiscale, le volume de données qu’elles collectent et exploitent. Paradoxalement, cela conforte le principe de la procédure déclaratoire proposée par Philippe Marini.

Au final, je remarque aussi que les arguments utilisés en faveur de la taxation des données, à savoir l’instauration de seuils d’assujettissement et la mise en place d’une phase d’expérimentation, reprennent ceux qui ont déjà été avancés par Philippe Marini. Ainsi, la taxe sur la publicité en ligne prévoit, d’ores et déjà, un barème progressif d’imposition.

Je ne m’engagerai pas plus avant dans l’examen du dispositif, car il me semble prématuré de porter un jugement définitif tant sur les propositions présentées par Philippe Marini que sur celles qui émanent du rapport de la mission d’expertise. Par des voies différentes, ces deux approches ont en commun de promouvoir l’élaboration d’un droit national propre à peser dans les négociations internationales et le rapport de forces avec les entreprises multinationales de l’internet.

Si l’objectif est commun, il se dégage toutefois une différence d’appréciation.

D’une part, la proposition de loi qui nous est présentée se veut concrète et opérationnelle sur le plan législatif, quitte à provoquer le débat sur ses effets économiques.

D’autre part, le rapport de la mission apparaît davantage comme une étude académique et prospective destinée à présenter une solution globale, laquelle reste, à nos yeux, à approfondir et à expertiser pour parvenir à un éventuel dispositif.

Or la date d’examen de la proposition de loi est trop précoce pour que ce travail puisse concrètement aboutir à une solution pleinement opérationnelle et susceptible d’être comparée aux dispositions proposées par Philippe Marini.

Même si, vous l’avez dit et répété, madame la ministre, le Gouvernement semble pleinement convaincu d’agir rapidement au niveau national, sa démarche s’inscrit dans un calendrier que vous nous préciserez peut-être et qui nécessite de prolonger la réflexion : tout d’abord, ont été nommés, le 18 janvier dernier, les trente nouveaux membres du Conseil national du numérique, lequel aura notamment pour vocation de donner un avis sur l’ensemble de ces propositions ; ensuite, le rapport commandé à Pierre Lescure sur les contenus numériques et la politique culturelle à l’ère du numérique sera remis en mars prochain, et ce document ne sera pas sans lien avec les préoccupations qui nous réunissent aujourd’hui ; enfin, il importera également de tenir compte des discussions engagées au niveau international et, en particulier, des décisions qui seront prises par le G20 sur la base du rapport de l’OCDE.

À cet égard, je souhaite que le Gouvernement précise, à l’occasion de cet important débat, ses intentions et ses projets.

C’est pourquoi, à l’issue de la discussion générale, je vous proposerai, mes chers collègues, au nom de la commission des finances, d’adopter une motion de renvoi à la commission de la proposition de loi.

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