Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je commencerai par rendre hommage à notre excellent président de la commission des finances, auteur de la présente proposition de loi, pour sa ténacité et sa persévérance. Il mène ce combat pour l’équité et la neutralité de la fiscalité numérique, avec Jean Arthuis, depuis plusieurs années, et même si nous avons parfois divergé sur les modalités proposées, il existe aujourd’hui une convergence entre nous sur l’intérêt de faire vivre ce débat.
Mes chers collègues, dans un souci d’équilibre de nos échanges, je débuterai mon intervention par un constat assez simple : l’économie numérique est, bien sûr, notre avenir, mais aussi, d’ores et déjà, notre présent. Son poids dans notre économie est en effet bien plus important que celui de nombreux autres secteurs traditionnels, par exemple ceux des transports et de l’énergie. Elle représente un peu plus de 5 % de notre PIB et a créé, au cours des quinze dernières années, environ 750 000 emplois. Les analyses et études menées dans ce domaine montrent que, en France comme dans les autres pays occidentaux, entre le quart et le tiers de la croissance et de la productivité provient directement de ce secteur.
L’économie numérique fait donc bien partie de notre actualité, de notre présent. Je vous rappelle que la première capitalisation boursière, aujourd’hui, c’est Apple !
Elle est d’ailleurs non pas seulement notre présent, mais aussi notre avenir. Le rapport de MM. Collin et Colin, cité par notre collègue Yvon Collin – décidément ! –, indique ainsi que 80 % de l’économie française seront affectés, demain, par ce secteur.
Aujourd'hui, la présence au banc de la commission de quatre rapporteurs, l’un au fond et trois pour avis, est une preuve de la transversalité absolue du numérique, qui non seulement pèse de tout son poids dans notre économie, mais envahit aussi – au bon sens du terme ! –, progressivement, les autres secteurs.
L’économie numérique est donc notre avenir et notre présent.
Pour vos moments de loisir, je vous conseille, mes chers collègues, la lecture de l’excellent ouvrage, paru l’an dernier, de Jeremy Rifkin. Cet économiste américain, qui s’est parfois trompé dans le passé, notamment en prédisant la fin du travail, défend une thèse très intéressante. Selon lui, tous les grands basculements qui se sont produits au cours de notre histoire ont eu pour origine une conjonction entre l’émergence de nouveaux moyens de communication et celle de nouvelles énergies.
Ce fut le cas en Mésopotamie, où les Sumériens furent les premiers à créer de grands systèmes hydrauliques pour l’agriculture, mais aussi à inventer l’écriture.
Ce fut encore le cas lors de la deuxième révolution industrielle, avec la conjonction de l’apparition d’une nouvelle source d’énergie, l’électricité, et celle de nouveaux moyens de communication, le télégraphe et le téléphone.
Aujourd’hui, nous assistons à une nouvelle conjonction entre, d’une part, l’essor de l’internet et de l’économie numérique, et, d’autre part, celui des énergies renouvelables, qui sont moins centralisées et mieux distribuées, puisqu’on peut les trouver « à la porte » de chacune de nos collectivités et de nos maisons.
L’économie numérique, que nous appréhendons aujourd’hui d’un point de vue fiscal, représente, n’en doutons pas, un enjeu énorme. Je tiens d’ailleurs à rappeler à cette tribune qu’elle est non pas une menace, mais d’abord une chance.
Il nous faut néanmoins prendre garde à deux écueils, qui constituent en quelque sorte deux pôles opposés.
Nous devons éviter, tout d’abord, de céder à la tentation de punir un secteur particulier, au motif qu’il bouscule les anciennes règles et les secteurs de l’économie traditionnelle. Cela n’aurait aucun sens et serait absolument inefficace.
Nous devons éviter, ensuite, d’adopter l’attitude diamétralement opposée, consistant à dire que les tenants du numérique sont d’anciens étudiants philanthropes, qui ne viseraient d’autre objectif que le bien de l’humanité tout entière