Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 31 janvier 2013 à 9h00
Fiscalité numérique neutre et équitable — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau, rapporteur pour avis :

Pour parler plus sérieusement, je considère que les auteurs de ce rapport ont parfaitement décrypté le fonctionnement de l’économie numérique. C’est donc une excellente base de départ.

Certes, leur proposition sera complexe à mettre en œuvre, car ils visent deux objectifs quelque peu contradictoires.

Le premier objectif, partagé par Philippe Marini, est de rapatrier les assiettes fiscales. Le second est de créer des comportements vertueux et d’assigner à l’impôt un objectif de liberté publique. Concilier les deux se révélera complexe, d’autant que cette seconde proposition, si j’ai bien lu le rapport, aboutirait à une intensification de l’utilisation des données. Il y a là en quelque sorte un paradoxe, qu’il faudra résoudre.

Nous pouvons retenir de cette proposition, me semble-t-il, une nouvelle définition de la notion d’établissement stable virtuel, qui ne manquera pas d’être utile lors des discussions du G20.

Le rapport quelque peu intellectuel de MM. Collin et Colin, qui s’apparente parfois à une usine à gaz, fournit donc aussi un décryptage de l’économie numérique, ainsi que certains éléments concrets dont nous pourrions tirer profit.

Toutefois, les solutions que nous apporterons au niveau national seront parfaitement inopérantes, s’agissant notamment du problème de l’extraterritorialité, si nous ne menons pas, de façon conjointe, une action résolue auprès de la Commission européenne et du G20.

À l'échelle européenne, la directive sur les services électroniques devait s’appliquer en 2015, mais, pour partie grâce ou à cause de l’action du Luxembourg – je rappelle au passage que le chef de gouvernement de ce pays n’était pas le dernier à nous donner de bons conseils, d’ailleurs, de gestion de nos finances publiques ! –, elle s’est progressivement vidée de sa substance, une période transitoire ayant été négociée jusqu’en 2019 pour son entrée en vigueur !

Madame la ministre, il faut rapprocher ces deux échéances de 2015 et de 2019 et obtenir un glissement vers 2014 plutôt que 2015 pour une application, peut-être en sifflet, mais sur une durée plus réduite pour la collecte de la TVA. C’est important pour nos entreprises et pour l’équité fiscale chère à Philippe Marini !

S’agissant maintenant du G20 et de l’OCDE, on constate pour la première fois une convergence – Philippe Marini parlait tout à l’heure d’alignement des astres ou des planètes ! – qui est extraordinairement importante et qu’il nous faut saisir. Elle résulte d’une prise de conscience des grands pays occidentaux, notamment des États-Unis. En effet, on parle souvent, à propos de Google, du « sandwich irlandais » et d’une société aux Pays-Bas. Toutefois, il faut aller au bout du système ! Le transfert des bénéfices ne s’arrête pas aux États-Unis. Il se fait jusqu’aux Bermudes !

Ceux qui connaissent mieux la fiscalité que moi le savent, le système fiscal américain a un aspect extrêmement intéressant s’agissant d’optimisation fiscale. En effet, ce sont aujourd’hui près de 1 400 milliards de dollars qui sont bloqués dans des paradis fiscaux ! Aussi, les États-Unis veulent désormais mener une action extrêmement volontaire et ils seront nos alliés, tout comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne et beaucoup d’autres pays.

Heureuse conjonction, si j’ose dire, à l’ouest, heureuse conjonction aussi à l’est et au sud, puisque les BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – seront aussi nos alliés. En effet, ces grands pays émergents, s’ils reçoivent des capitaux, voient les dividendes ou les bénéfices leur échapper pour ces mêmes raisons d’optimisation fiscale.

Selon moi, le rapport de l’OCDE est fondamental. L’idée qui consiste à oublier les actifs, en tout cas à changer notre perception pour avoir une autre vision et à requalifier l’activité, pas seulement en fonction des biens matériels, des actifs corporels et des données d’ailleurs, comme le suggèrent Pierre Collin et Nicolas Colin, est une piste sérieuse. Elle pourrait enfin voir le jour, peut-être même par le biais de conventions multilatérales – la France en a déjà signé plus de 150 ! –, ce qui nous permettrait d’être plus efficaces et beaucoup plus rapides.

Nous devons vraiment faire preuve d’imagination et avoir une vision d’autant plus anticipatrice qu’il n’est pas possible de calquer sur la nouvelle économie les règles de l’ancienne !

Je terminerai comme j’ai commencé, en soulignant la pertinence de la proposition de loi de M. Philippe Marini. Rendons à César ce qui est à César et à Philippe Marini ce qui lui appartient : saluons sa persévérance, son côté précurseur et sa ténacité !

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