Intervention de Michel Le Scouarnec

Réunion du 31 janvier 2013 à 9h00
Fiscalité numérique neutre et équitable — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Michel Le ScouarnecMichel Le Scouarnec :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, l’optimisation fiscale est au cœur de la stratégie de développement des grandes entreprises du Net, Google, Amazon, Facebook, etc.

Leur activité dématérialisée leur permet de développer des pratiques scandaleuses, notamment en s’installant dans des pays à fiscalité très allégée comme le Luxembourg, l’Irlande ou les Bermudes. Ces entreprises élaborent alors des montages fiscaux complexes pour échapper définitivement à tout impôt.

Il existe donc une véritable fuite des recettes fiscales liées à l’impôt sur les sociétés. Quand on sait que l’évasion fiscale annuelle a été évaluée, pour la France, à 50 milliards d’euros, il est temps de s’emparer de cette question.

Le Conseil national du numérique estime ainsi que les revenus des quatre grands acteurs du numérique oscillent entre 2, 5 milliards et 3 milliards d’euros par an. Or ceux-ci s’acquittent seulement de 4 millions d’euros par an d’impôt sur les sociétés, alors que, au regard du régime français, ils seraient redevables de 500 millions d’euros, soit 125 fois plus. Il est rare de pouvoir appliquer un tel coefficient multiplicateur !

La fiscalité se heurte donc à la révolution numérique. Dès lors, l’évolution technologique suscite des interrogations sur la territorialité des bénéfices et sur l’érosion des bases fiscales, fondée sur un plan international et européen.

À services égaux, les sociétés numériques échappent à l’impôt sur les sociétés, mais aussi à la TVA. Techniquement différentes, elles remplissent une même fonction, ce qui remet doublement en cause l’équité fiscale.

La publicité est taxée sur les médias télévisuels et radiophoniques, mais pas sur internet. Les surfaces commerciales sont soumises à la TASCOM, mais le commerce en ligne n’est assujetti à aucune taxe équivalente.

La perte concernant la TVA est évaluée à 300 millions d’euros pour 2008 en France, mais elle serait, selon une étude du cabinet Greenwich consulting, de 600 millions d’euros en 2014.

Une réflexion a donc été engagée concernant la TVA sur les services électroniques et de télécommunication en Europe. Elle est actuellement perçue en fonction du lieu où le prestataire est établi. À partir de 2015, en Europe, elle sera due au pays du consommateur final, même si, entre 2015 et 2019, un régime transitoire permettra au pays du prestataire de continuer à en percevoir une part.

Forte de ces constats, la présente proposition de loi entend lutter contre l’évasion fiscale des principaux géants d’internet, objectif auquel nous souscrivons pleinement. À cette fin, elle avance des pistes intéressantes.

Elle tend à créer un régime d’obligation de déclaration d’activité des acteurs de services en ligne qui ne sont pas établis en France. Ce régime s’appliquerait aux revenus de la publicité en ligne, du commerce électronique et de la vidéo à la demande.

Ce régime de déclaration sert à asseoir des taxes visant à rétablir l’équité fiscale : c’est bien notre objectif commun.

À cette fin, diverses impositions sont prévues : taxe sur la publicité en ligne assise sur les sommes payées par les annonceurs aux régies, pour les services dont l’audience est établie en France, quel que soit leur pays d’implantation ; taxe sur les services de commerce électronique due par les vendeurs qui effectuent une vente à destination d’un particulier établi en France dans le cas où le chiffre d’affaires est au moins égal à 460 000 euros ; extension de la taxe sur la fourniture de vidéogrammes à la demande, la VOD, aux entreprises établies hors de France.

Si nous soutenons ces impositions dans leur principe, nous nous interrogeons quant à leur montant. À nos yeux, le rendement de ces taxes est en effet insuffisant. Il est estimé à 20 millions d’euros au maximum pour la publicité et à 32 millions d’euros pour la VOD. Seul le produit de la taxe sur le commerce en ligne pourrait atteindre 100 millions d’euros en 2013 et 175 millions d’euros en 2015. Néanmoins, nous restons loin des 500 millions d’euros qu’évoque le Conseil national du numérique !

Comment ces taxes ont-elles été calibrées ? Selon quels critères ? Le taux et l’assiette méritent débat. Sur ce sujet également, il convient de choisir le bon coefficient multiplicateur. Yves Rome a insisté sur les besoins de la France en matière de haut débit, …

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