Ces chiffres ne sont pas surprenants lorsqu’on connaît la stratégie d’optimisation fiscale de cette entreprise, qui commence à Dublin pour se terminer aux Bermudes. M. Arthuis a exposé ce mécanisme avec grand soin et je l’en remercie.
Si l’on retrouve, en examinant la situation de ces entreprises, des pratiques classiques d’évasion et d’optimisation fiscales, communes à d’autres secteurs de l’économie, les enjeux et les difficultés sont démultipliés dans le cas de l’économie numérique, notamment à cause de la dématérialisation.
Notre droit fiscal doit donc développer d’urgence de nouveaux instruments pour appréhender l’économie numérique, qui lui échappe totalement à l’heure actuelle. C’est tout l’enjeu de la proposition de loi de Philippe Marini. Je le répète, ce texte a le mérite d’exister. Toutefois, comme l’a souligné Yvon Collin, il risque de ne pas atteindre son objectif. Il pourrait même, dans certains cas, avoir des effets contraires aux buts visés.
Ainsi, les deux impositions que la proposition de loi tend à créer – la taxe sur la publicité en ligne et la taxe sur les services de commerce électronique, la TASCOE –, plutôt que de renforcer la neutralité de la taxation par rapport à la technologie et l’équité fiscale entre opérateurs français et étrangers, risqueraient de peser essentiellement sur les acteurs nationaux et, partant, de les pénaliser.
Quant au volet non fiscal de la proposition de loi – l’obligation de déclaration d’activité par les entreprises de services en ligne au-delà de certains seuils d’activité –, il pose des difficultés pratiques de mise en œuvre, également soulignées par les différents rapporteurs.
Enfin, Mme la ministre l’a annoncé, le Gouvernement explore actuellement différentes pistes pour adapter notre système fiscal à l’économie numérique et parvenir à rétablir la justice en faisant contribuer les grandes entreprises de ce marché que sont les GAFA sans pénaliser les petits acteurs français ou européens, qui ont besoin de se développer. Je la remercie, à cet égard, des propos équilibrés et prospectifs qu’elle a tenus.
Bien sûr, la globalisation, associée à la dématérialisation – caractéristique de l’économie numérique –, rend nécessaires des solutions à l’échelle européenne et internationale. Nous pouvons d’ailleurs espérer des avancées en ce sens avec la saisine récente de l’OCDE par l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France sur le projet BEPS, pour lutter contre l’érosion des bases d’imposition et les transferts de bénéfices. La préparation de propositions sur ce sujet, dans la perspective du prochain G20, va également dans ce sens.
Toutefois, les possibles avancées au niveau international n’empêcheront pas, comme pour la taxe sur les transactions financières, la France d’être éventuellement conduite à mettre en place, dans un premier temps au niveau national, un certain nombre de mesures qui serviront ensuite d’exemple et de base pour une réflexion internationale sur la fiscalité numérique.
Dans cette perspective, le groupe du RDSE souscrit à l’analyse du rapporteur et votera donc la motion de renvoi à la commission qu’il a déposée, afin de permettre au Gouvernement de présenter prochainement des propositions concrètes qui viendront, je n’en doute pas, enrichir, améliorer et compléter celles de notre collègue Philippe Marini. §