Intervention de Francis Delattre

Réunion du 31 janvier 2013 à 9h00
Fiscalité numérique neutre et équitable — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre :

La taxation de ces bénéfices pourrait rapporter près d’un demi-milliard d’euros au budget de la France, ce qui n’est pas anodin !

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui entend ouvrir des pistes qui permettraient d’assujettir fiscalement les GAFA en France.

Sous l’impulsion du président de la commission des finances, un amendement avait déjà été adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2011. Cette disposition instaurait un dispositif dit « taxe Google », visant simplement à taxer la publicité en ligne. La taxe Google, qui devait entrer en vigueur le 1er juillet 2011, a été abrogée dans le collectif budgétaire discuté au mois de juin de la même année, car elle semblait mal calibrée pour atteindre sa cible. Faute de seuil, elle aurait du reste touché quelques PME françaises.

Un second amendement de Philippe Marini fut adopté par la commission des finances dans le projet de loi de finances pour 2011. Il proposait une taxe sur l’achat des services de commerce électronique, dite TASCOE, s’inspirant de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM. Il s’agissait d’un prélèvement de 0, 5 % sur le montant des dépenses engagées pour l’achat de biens ou services effectué au moyen d’une communication électronique.

Cet amendement fut retiré en séance à la suite de l’engagement du gouvernement de l’époque d’engager une réflexion globale. Nous y sommes !

C’est dans un contexte où étaient dépassées les frontières partisanes que le nouveau gouvernement a confié à un conseiller d’État et à un inspecteur des finances une mission d’expertise sur la fiscalité numérique ; leur rapport a été publié le 18 janvier dernier.

Ce rapport cerne parfaitement les enjeux du numérique et indique que nous ne sommes qu’au début d’une véritable révolution, qui sera facteur de transformation de toute l’économie. Il préconise donc une fiscalité neutre et équitable. À cette fin, il ouvre de nouvelles pistes de fiscalisation, notamment par une taxation qui serait fonction du comportement des acteurs numériques, plus précisément de leur manière de collecter les données et de les utiliser. C’est ce que les économistes et vous-même, cher Bruno Retailleau, appelez l’« externalité positive ».

Dans cette optique d’avancée de la réflexion sur la fiscalité numérique, Philippe Marini a déposé sa proposition de loi suggérant la mise en place d’une taxe s’inspirant notamment des dispositifs de taxation de la publicité en ligne, mais bénéficiant d’un meilleur calibrage.

Cette nouvelle taxe sur la publicité en ligne viserait ainsi désormais non plus les annonceurs mais les régies de publicité, établies en France comme à l’étranger, et introduirait un dispositif de seuils : un taux de 0, 5 % s’appliquerait à partir de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires, taux qui passerait à 1 % au-delà de 250 millions d’euros.

Cette taxe pourrait ainsi s’appliquer au milliard d’euros de chiffre d’affaires dégagé sur le marché français par Google, dont les commerciaux distribuant la publicité dans notre pays sont basés en Irlande.

La TASCOE, quant à elle, s’appliquerait au vendeur professionnel au consommateur final et non plus, comme le prévoyait le dispositif envisagé dans le projet de loi de finances pour 2011, aux activités de commerce électronique entre professionnels.

S’il apparaît que le rendement de la taxe sur la publicité devrait être symbolique, se situant autour de 20 millions d’euros, la TASCOE pourrait procurer 200 millions d’euros de recettes en 2013 et 300 millions en 2015.

Dans les deux cas, les redevables de ces taxes, qu’ils soient basés en France ou à l’étranger, seraient soumis à une obligation de déclaration d’activité. Il s’agit de s’inspirer du modèle procédural de l’agrément accordé aux sites de paris en ligne, tout en respectant les principes de non-discrimination et de proportionnalité.

La proposition de loi prévoit également d’étendre aux acteurs étrangers de l’internet établis en France et à l’étranger la taxe actuelle sur la fourniture de vidéogrammes à la demande, afin de rétablir une forme d’équité fiscale.

Sur proposition de son excellent rapporteur, Yvon Collin, la commission des finances a voté à l’unanimité, le 23 janvier dernier, une motion de renvoi en commission. Le groupe UMP se rallie à cette position et votera cette motion afin de permettre à la proposition de loi de notre collègue de prospérer. Nous comptons sur tous les acteurs ici présents pour que les différentes inspirations qui ont guidé sa démarche figurent dans le texte final.

Madame la ministre, vous vous êtes engagée devant la commission des finances à ce que vos services poursuivent ce chantier, de manière à aboutir cet été à un texte inscrivant la démarche de la France dans le cadre des travaux mis en œuvre actuellement par l’OCDE et l’Union européenne.

À titre personnel, je crois beaucoup à l’instrument mis en place par l’OCDE. Lors des auditions menées dans le cadre de la commission d’enquête sur l’évaporation fiscale, ou plus exactement sur l’évasion des capitaux, nos interlocuteurs de l’OCDE nous sont apparus parfaitement au fait des sujets qui nous préoccupent. L’OCDE a déjà obtenu d’une trentaine de pays, dont les plus importants, qu’ils procèdent entre eux, sous son contrôle, à des échanges d’informations fiscales. C’est par ces échanges d’informations, plutôt que par des conventions, que nous pourrons régler le problème, au moins en partie.

Le prochain G20 sera également l’occasion d’avancer sur ce dossier.

Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour respecter les engagements que vous avez pris.

S’agissant de l’assujettissement des GAFA à la TVA, nous partageons l’avis de notre collègue Jean Arthuis, qui y voit le socle principal de la fiscalité à leur appliquer, mais cela ne vaudra qu’à partir de 2015, c'est-à-dire quand la TVA, au sein de l’Union européenne, sera facturée dans le pays du consommateur.

Le groupe UMP soutient donc la démarche de la présente proposition de loi, non seulement parce que les recettes fiscales escomptées seront particulièrement bienvenues au regard de la situation de nos finances publiques, mais aussi au nom du principe de neutralité et d’équité fiscale.

Ce type de débats fait honneur à la Haute Assemblée. La seule réserve que nous pouvons exprimer concerne le ciblage de la future taxe, qu’il faudra préciser afin de ne pas pénaliser les PME françaises.

Nous considérons cette proposition de loi comme un rendez-vous d’étape avant des décisions concrètes. §

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