Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 31 janvier 2013 à 15h00
Réforme de la biologie médicale — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Marisol Touraine :

Nous sommes aujourd'hui dans une situation nouvelle, pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas. C’est donc un nouveau texte qui vous est présenté par Jacky Le Menn, au nom de son groupe. Je tiens à saluer le travail effectué en lien avec l’Assemblée nationale pour que nous puissions avancer rapidement sur un sujet qui appelle des décisions.

Si le Gouvernement fait le choix de soutenir très clairement et très fortement cette proposition de loi, c’est parce qu’il nous revient aujourd’hui de tout mettre en œuvre pour permettre à la biologie médicale française de relever le double défi de la qualité et de l’efficience. Je souhaite que ces défis importants donnent lieu à des débats constructifs dans cet hémicycle, afin que nous avancions de manière collective et aussi consensuelle que possible.

La première de nos priorités est d’assurer la qualité des examens en biologie médicale. Nous savons évidemment qu’un résultat fiable est indispensable pour garantir un bon diagnostic et un traitement adapté.

Le développement des connaissances scientifiques a donné à la biologie médicale une place centrale dans le parcours de soins du patient. Le texte que nous examinons aujourd'hui prend la mesure de la diversité de la biologie médicale française. Il faut rappeler que, en ville et à l’hôpital, elle détermine plus de trois diagnostics sur cinq. Les biologistes médicaux jouent un rôle pivot : ils sont quotidiennement au contact de millions de Français et assurent la qualité de leur prise en charge. Ils sont également en relation étroite avec l’ensemble des professionnels de santé.

Or ce secteur connaît une profonde mutation, du fait notamment – mais pas exclusivement – des progrès techniques qui ont, ces dernières années, transformé la pratique de cette profession. La médecine s’est technicisée et la biologie s’est automatisée. Ces évolutions imposent à la fois une formation permanente des professionnels et de lourds investissements financiers, qui ne sont pas sans poser un certain nombre de difficultés.

Dans le même temps, le vieillissement de la population, le développement des maladies chroniques, la complexité des diagnostics médicaux et, il faut bien le dire, le niveau d’exigence croissant des patients – on peut le comprendre –, ont considérablement modifié l’exercice de ce métier.

Pourtant, comme cela a été rappelé, depuis 1975, le secteur n’a connu aucune réforme ambitieuse, lui permettant de faire face à ces nouveaux enjeux. Cela signifie que, pendant presque quarante ans, la profession a été confrontée à des changements importants des techniques et des pratiques médicales – l’évolution s’est même accélérée ces dernières années – sans pour autant être réorganisée. Nous devons donc poursuivre la réorganisation du secteur de la biologie médicale si nous voulons garantir la qualité des soins.

Ces dernières années, plusieurs rapports ont mis en évidence de graves défauts de qualité et insisté sur la nécessité d’une nouvelle structuration du secteur. Un rapport de l’IGAS sur la biologie médicale publié en 2006 indiquait ainsi que la moitié des laboratoires de biologie médicale de notre pays n’étaient pas en mesure de « remplir les conditions de qualité » dues à chaque patient. Certains d’entre eux présenteraient même un fonctionnement à risque.

Nous devons aujourd'hui garantir la qualité des analyses et des examens. C’est un enjeu de sécurité sanitaire, car la qualité, c’est la juste prescription. On voit bien, à suivre les débats qui traversent notre pays, que nos concitoyens sont, à juste titre, particulièrement sensibles à tout ce qui touche à leur sécurité sanitaire.

Il nous faut donc mettre en place un dispositif qui garantisse la sécurité de nos concitoyens : c’est tout le sens de l’accréditation, qui permettra de s’assurer de la fiabilité des résultats, quel que soit l’examen pratiqué et quel que soit le laboratoire qui le pratique.

Vous avez également rappelé, monsieur le rapporteur, que l’accréditation ne devait pas se substituer aux contrôles effectués par les ARS. Je peux vous assurer que je veillerai à la mise en œuvre de cette double démarche.

Le renforcement de la médicalisation de la biologie médicale vise, lui aussi, à garantir le plus haut niveau de qualité des examens. L’ordonnance du 13 janvier 2010 a fait le choix de réserver la pratique de la biologie médicale aux seuls médecins et pharmaciens ayant suivi une formation spécifique au cours de leurs études. Le biologiste médical, médecin ou pharmacien spécialisé en biologie médicale, acquiert ainsi une responsabilité à part entière : il devient le garant de la qualité des résultats.

Garantir cette qualité, c’est aussi s’assurer que chaque patient a accès à ses résultats dans des délais raisonnables, et le plus rapidement possible en cas d’urgence. C’est pourquoi la loi prévoit déjà que les résultats doivent être rendus au prescripteur et au patient « dans un délai compatible avec l’état de l’art ». Ils doivent être fiables et interprétés biologiquement en des termes compréhensibles et clairs.

Le second défi que nous devons relever est celui de l’efficience du secteur de la biologie médicale. Ses modèles économique et juridique constituent aujourd’hui un frein au progrès.

Il nous revient donc de préparer l’avenir en offrant aux laboratoires les moyens de se réorganiser, de diminuer leurs coûts et d’investir. Nous devons tout mettre en œuvre pour ne prendre aucun retard technologique et pour assurer la qualité des examens.

La modernisation de notre système de soins commence par sa réorganisation, laquelle permettra aux laboratoires d’investir dans des outils de haut niveau, donc de gagner en efficience, de dégager des économies et, aussi, de maîtriser, il faut le dire, les dépenses de santé.

Je le répète, ce n’est pas parce que nous dépenserons plus que la qualité des soins s’en trouvera améliorée. Quels que soient le niveau et l’évolution des dépenses en matière de santé, nous devons évidemment faire en sorte que celles-ci soient justes et appropriées, et que leur correspondent des soins de qualité pour nos concitoyens.

Ce texte a pour objet d’accompagner un mouvement qui a déjà été engagé. En effet, si cette proposition de loi est adoptée, les laboratoires de biologie médicale gagneront en souplesse d’organisation. Ainsi, ils pourront être « multisites » et se réorganiser sans heurt. La nouvelle réglementation a déjà largement contribué à soulager les budgets hospitaliers.

Les objectifs visés par la réorganisation de la biologie médicale sont donc l’amélioration de l’efficience du système et celle de la qualité du service rendu aux cliniciens, donc aux patients.

Enfin, nous devons garantir le maintien d’une offre en biologie médicale dans tous nos territoires. Telle est bien l’ambition de ce texte, qui vise notamment à préserver la biologie médicale des abus de la financiarisation et à empêcher la constitution de monopoles.

Le maillage de notre territoire est aujourd’hui bien assuré par l’existence de nombreux établissements de proximité. Il s’agit d’un atout, auquel les citoyens français sont attachés, comme ils le sont à une offre de soins de proximité. Nous devons donc préserver ce maillage, car c’est le seul moyen de garantir l’accès aux examens biologiques à l’ensemble de la population, quel que soit son lieu d’habitation.

À travers les schémas régionaux d’organisation des soins, les SROS, les agences régionales de santé, les ARS, s’attachent à répondre aux besoins de santé de nos concitoyens. Elles auront pour mission de maintenir une offre adaptée en biologie médicale dans chaque territoire. Il s’agit d’un point important, qui doit être explicitement intégré dans les SROS, car c’est précisément à l’échelle des territoires que nous pouvons lutter efficacement contre les inégalités sociales et territoriales de santé, lesquelles, nous le savons bien, sont intimement liées.

Ce qui est vrai pour l’offre de soins en termes médicaux doit l’être aussi pour la biologie médicale. En effet, on ne peut pas concevoir une offre de soins complète dans un territoire sans accès à une biologie de qualité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la volonté de ratifier l’ordonnance de 2010 est aujourd’hui quasi unanime et dépasse largement les clivages politiques et partisans. Nous devons envoyer un message fort pour mettre un terme à toute forme d’insécurité juridique et garantir la qualité et l’efficience de la biologie médicale française.

C’est pourquoi je vous appelle tous à un débat constructif, dans l’intérêt des patients. Je souhaite que, par-delà les clivages partisans, nous aboutissions, comme cela avait été le cas à l’Assemblée nationale sous la précédente législature, à un texte commun. Il y va de la sécurité sanitaire de nos concitoyens et de leur égalité face à l’offre de soins dans toute sa diversité.

Je remercie M. le rapporteur et les membres de la commission des affaires sociales, mais aussi tous ceux d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui se sont fortement impliqués. J’espère que nous pourrons, collectivement, faire œuvre utile. §

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