Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 31 janvier 2013 à 15h00
Réforme de la biologie médicale — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, d’emblée, je dois saluer Jacky Le Menn : il a le mérite d’avoir déposé cette proposition de loi qui vise à mettre un terme à une situation confuse et à un fiasco législatif suscitant l’amertume de toute la profession.

En proposant la ratification de l’ordonnance du 13 janvier 2010, il a aussi apporté des modifications substantielles, qui, je l’espère, subsisteront, pour « remédicaliser » une frange importante du parcours de soins laissée à la merci de puissants groupes financiers ayant trouvé là matière à profit.

Cependant, je regrette une certaine retenue sur des points essentiels, retenue qui risque d’empêcher le texte d’atteindre complètement son objectif, lequel est, à mon sens, de rendre à la profession de biologiste médical la maîtrise de sa pratique dans l’intérêt du patient, et de lui seul.

Depuis le rapport Ballereau de 2008, qui préconisait une réforme de la biologie médicale, cette question est revenue pas moins de cinq fois dans les débats législatifs. Elle a en effet été abordée lors de l’examen de la loi HPST ; de la loi relative à la bioéthique, à l’occasion de laquelle certains ont tenté d’abroger l’ordonnance prise par le gouvernement d’alors ; de la loi relative aux activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur, lorsqu’il a été question de permettre aux personnels enseignants et hospitaliers des CHU non titulaires de la formation qualifiante d’exercer dans ces centres comme biologistes médicaux et d’assumer la responsabilité des pôles de laboratoires ; de la loi Fourcade, partiellement annulée par le Conseil constitutionnel ; enfin, de la loi Boyer, adoptée à l’Assemblée nationale en janvier 2012.

Il n’est pas superflu de mettre un terme à ces tribulations, car il y a urgence ! Trente-huit ans après la réforme de la loi du 11 juillet 1975 et près de vingt ans après l’instauration des sociétés d’exercice libéral, la biologie médicale a, en effet, considérablement évolué, en ce qui concerne tant son rôle dans le parcours de soins que sa pratique, transformée par l’automatisation et l’informatisation.

Malheureusement, ces changements ayant nécessité de gros investissements de la part des laboratoires, elle a aussi vu l’arrivée de groupes financiers, plus intéressés par la rentabilité d’une nomenclature des actes peu évolutive.

L’enjeu de ce texte devrait être la réaffirmation de l’indépendance des professionnels par rapport aux pratiques, la préservation d’un maillage territorial qui s’est considérablement restreint depuis quelques années, du fait de regroupements sous la mainmise de groupes financiers opérant à coup d’offres de rachat à des biologistes en fin de carrière désirant, très légitimement, rentabiliser leurs investissements.

Sur ce point, je dois dire que les craintes que l’on peut avoir pour l’avenir ne concernent pas les seuls laboratoires de biologie, mais l’ensemble du secteur de la santé. Il n’est qu’à voir ce qui se passe pour les cliniques, les maisons de retraite, les maisons de santé, les cabinets dentaires, les officines, détenus par des puissances financières, qu’elles soient privées, spéculatives ou non, ou mutualistes.

Pour les uns et les autres, les soucis de rentabilité ou, simplement, d’équilibre budgétaire conduisent à des mesures qui ne prennent pas toujours en considération l’intérêt du patient. Dans le domaine de la biologie médicale, cela se traduit par des fermetures le week-end, des résultats d’examens différés, le regroupement des prélèvements, etc.

Les professionnels de santé ayant fait le choix consenti de l’exercice libéral – avec ses obligations, ses contraintes, ses emplois du temps surchargés, mais aussi ses satisfactions résultant du contrat singulier entre le malade et le soignant, qui fait la grandeur et la qualité de la médecine française – se voient dépouillés de ce que certains ont appelé leur toute-puissance et se trouvent aujourd’hui soumis à des contraintes qui ne riment pas forcément avec qualité et écoute du malade. C’est en particulier le cas pour les jeunes biologistes sous contrat précaire et licenciables à merci.

Je crains que notre texte ne puisse empêcher cette évolution, qui, si l’on n’y prend garde, conduira à la disparition des laboratoires indépendants et de proximité – là où ils existent encore… –, au profit d’une concentration de l’activité sur des plateaux techniques éloignés des territoires ruraux.

La proposition de loi vise à remédier au problème des biologistes médicaux en situation ultra-minoritaire dans les sociétés d’exercice libéral, mais je doute, au vu du dernier amendement déposé par Mme la ministre, voilà quelques heures, qu’elle y parvienne…

Il s’agirait pourtant d’une importante avancée, même si le texte présentait quelques failles, notamment pour assurer la transmission intergénérationnelle, très aléatoire en l’état.

S’agissant de l’accréditation, à laquelle je suis bien évidemment favorable, il faut, à mon sens, éviter une marche forcée, coûteuse, qui risque de placer les laboratoires indépendants dans l’obligation de renoncer. Nombreux sont les cas qui nous sont signalés de biologistes qui, à l’évidence, vont baisser les bras !

De même, vouloir à tout prix une accréditation à 100 % est bien irréaliste face à l’évolution perpétuelle des techniques. Comment cet organisme qu’est le COFRAC, le Comité français d’accréditation, pourra-t-il, à une date donnée, délivrer une telle accréditation à l’ensemble des laboratoires français ?

Cette proposition de loi a pourtant le mérite, même si elle est encore perfectible, d’avoir pour objet de redonner à la profession de biologiste médical ses prérogatives et la maîtrise de ses actes, de donner aussi un peu d’espoir aux jeunes générations, ce qui pourrait nous éviter de connaître les déboires liés au manque cruel de professionnels que nous connaissons dans d’autres secteurs de la santé. Le domaine de la santé doit absolument rester une prérogative nationale par le jeu de la subsidiarité.

Le groupe RDSE souhaite donc que la discussion qui va s’engager aboutisse à des améliorations. Sous cette réserve, il soutiendra la proposition de loi. §

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