Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 31 janvier 2013 à 15h00
Réforme de la biologie médicale — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte sur la biologie médicale est, M. Barbier vient de le rappeler, le cinquième sur ce thème à avoir été inscrit à l’ordre du jour du Sénat en quatre ans.

Le moins que l’on puisse dire est que le sujet suscite un débat assez animé et que la réforme de la biologie médicale suit un parcours législatif plutôt tortueux, avec de multiples rebondissements.

C’est notamment pour cette raison que je souhaite tout d’abord remercier Jacky le Menn, qui n’a pas ménagé sa peine pour susciter la concertation sur cette question quelque peu épineuse.

Son travail, déterminé et minutieux, a permis l’émergence d’un juste compromis entre qualité, accessibilité, proximité et indépendance de la biologie médicale française, en lien avec les deux problématiques fondamentales que sont l’accréditation et la lutte contre la financiarisation.

Sur l’accréditation, la proposition qui nous est faite nous paraît équilibrée. Un quasi-consensus semble d’ailleurs avoir émergé.

Il faut bien l’avouer, l’accréditation est difficile à critiquer sur le fond. Elle permet en effet, si toutefois les conditions de travail sont convenables, d’assurer la permanence des procédures, d’améliorer l’information et la communication interne, donc, globalement, la qualité, la traçabilité et la transparence, évolutions que nous, écologistes, réclamons dans d’autres contextes.

Nous ne sommes pas pour autant naïfs : il ne fait aucun doute que les gros laboratoires ont valorisé au maximum l’accréditation aux yeux des pouvoirs publics, non pas seulement pour des raisons vertueuses, mais parce qu’ils savaient pouvoir l’assumer plus facilement que d’autres.

Quoi qu’il en soit, il est vrai que l’accréditation des laboratoires a, dans un premier temps, soulevé le mécontentement et l’inquiétude de certains biologistes, car elle est onéreuse, chronophage et qu’elle les éloigne de leur cœur de métier quand ils ne sont pas en situation de déléguer cette tâche à un nouveau salarié, mais force est de constater que le processus est aujourd’hui enclenché. Elle a, en effet, déjà été obtenue ou est en cours d’obtention par un grand nombre d’établissements.

Je rejoins le constat fait par M. le rapporteur : le problème est, non pas l’accréditation en elle-même, mais le rythme et les modalités de sa mise en œuvre.

Concernant le rythme de l’accréditation, d’une part, je soutiens la proposition faite à l’article 7 de la proposition de loi de mettre en place des paliers, en l’occurrence un minimum de 50 % exigé en 2016, puis de 80 % en 2018.

S’agissant des modalités de l’accréditation, d’autre part, je partage les doutes et inquiétudes dont ont fait part plusieurs de mes collègues, lors de l’examen du texte en commission, à l’égard du COFRAC, organisme chargé d’une mission de service public et disposant d’un monopole national pour son action.

Cet organisme pose en effet un problème, tant en raison de son manque d’indépendance, car les experts biologiques censés délivrer l’accréditation sont souvent issus des grands laboratoires, qu’en raison des tarifs élevés qu’il applique. Sur cette question, je soutiendrai les amendements déposés par plusieurs de nos collègues.

La financiarisation est le second enjeu important de la réforme de la biologie médicale que nous engageons aujourd’hui au Sénat avec l’examen de cette proposition de loi.

L’objectif est clairement établi par l’auteur dès les premières pages de son rapport : « limiter la possibilité pour des investisseurs légitimement motivés au premier titre par le taux de retour sur leur capital de contrôler cette activité ».

Le fait que des fonds de pension ou d’autres investisseurs spéculent ainsi sur des établissements à vocation sanitaire est en effet choquant – dans le domaine de la biologie médicale comme dans d’autres spécialités, soit dit en passant.

L’exposé des motifs de l’article 8, qui précise qu’il « vise à freiner la financiarisation du secteur, en rétablissant le principe d’une détention majoritaire du capital des sociétés d’exercice libéral par les biologistes exerçants au sein de cette société », marque donc, selon nous, une avancée substantielle.

Cependant, nous estimons qu’en l’état le dispositif prévu pourrait malheureusement ne pas suffire et être assez facilement contourné par certaines structures, notamment au moyen de clauses extrastatutaires, lesquelles ne sont actuellement visées par aucun texte.

Nous ne sommes pas les seuls à éprouver cette inquiétude : plusieurs organisations représentatives du secteur nous ont alertés à ce sujet et les débats de la commission des affaires sociales ont montré que plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, y étaient également sensibles. Aussi, je compte sur votre soutien aux deux amendements déposés sur ce point par le groupe écologiste.

Partant du constat que l’indépendance des biologistes de laboratoire est mieux garantie par la possibilité pour eux d’acquérir une fraction, voire la totalité, du laboratoire dans lequel ils travaillent, notre premier amendement vise à faire passer de « plus de la moitié » à « plus de 60 % » la part du capital et des droits de vote d’un laboratoire de biologie médicale devant obligatoirement être détenue par des biologistes en exercice au sein de la société.

Quant au second amendement, il tend à permettre que soient rendus publics, à la demande de l’un des détenteurs de capital, l’ensemble des contrats et des conventions signées dans le cadre des sociétés d’exercice libéral.

Justifiés par des motifs de santé publique, ces deux amendements ne nous semblent pas susceptibles d’être considérés par le juge communautaire comme des entraves déguisées au droit commercial.

En conclusion, le groupe écologiste votera cette proposition de loi, parce qu’il partage l’espoir formulé par Jacky Le Menn, dans l’introduction de son rapport, de voir ce texte « apporter une solution sinon définitive, du moins durable » aux problèmes de la biologie médicale, mais aussi parce que cette spécialité est devenue un élément central du parcours de soins des patients, déterminant pour l’élaboration d’environ 60 % des diagnostics. La biologie médicale ne doit donc plus souffrir de la crispation et des turpitudes dans lesquels elle est plongée depuis maintenant plusieurs années. §

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