Intervention de Alain Milon

Réunion du 31 janvier 2013 à 15h00
Réforme de la biologie médicale — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, presqu’un an, jour pour jour, après l’adoption par l’Assemblée nationale, le 26 janvier 2012, de la proposition de loi de Valérie Boyer et Jean-Luc Préel portant réforme de la biologie médicale, nous sommes réunis pour examiner celle de notre collègue Jacky Le Menn, qui reprend partiellement la précédente.

La biologie médicale représente un enjeu majeur des politiques publiques en termes de santé et de maintien d’une profession de qualité sur notre territoire. Comme il est rappelé dans l’exposé des motifs de la présente proposition de loi, « la biologie médicale est un élément central du parcours de soins des patients, déterminant l’élaboration d’environ 60 % des diagnostics, en ville et à l’hôpital ».

Aussi est-ce pour réaffirmer le caractère médical de la profession de biologiste et permettre des évolutions de structure en cohérence avec l’évolution des connaissances scientifiques et technologiques que le précédent gouvernement avait souhaité entreprendre une nouvelle réforme, la première depuis la loi du 11 juillet 1975 relative aux laboratoires d’analyses de biologie médicale et à leurs directeurs et directeurs adjoints.

Il s’agissait, d’une part, de garantir la qualité des actes et la confiance des professionnels et des patients, et, d’autre part, d’assurer l’efficience des dépenses, nécessité économique et éthique, ainsi qu’une bonne adéquation entre nos exigences nationales et celles de l’Union européenne.

La réflexion sur la nécessité de réformer la biologie médicale a débuté en 2006, trente ans donc après l’entrée en vigueur de la loi de 1975, avec le rapport de l’inspection générale des affaires sociales et celui de Michel Ballereau. Ces deux rapports concluaient à l’urgence de modifier la législation.

Or cette réforme a connu un parcours parlementaire pour le moins chaotique. L’article 69 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », a habilité le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour mettre en œuvre la réforme de la biologie médicale. Dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique, l’Assemblée nationale avait inopinément proposé l’abrogation de l’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale. Quelques mois plus tard, une dizaine d’articles consacrés à cette réforme étaient insérés dans la loi Fourcade, mais censurés par le Conseil constitutionnel, qui les considérait comme des cavaliers législatifs. Enfin, comme je le rappelais au début de mon intervention, la proposition de loi « Boyer-Préel », adoptée par l’Assemblée nationale, n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour du Sénat.

Nous voici donc enfin réunis pour débattre de cette nouvelle proposition de loi, après que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée. Une fois n’est pas coutume, madame la ministre, nous considérons que le recours à cette procédure est légitime puisque, comme je viens de le rappeler, nous avons déjà débattu à maintes reprises de ce sujet. Il est en effet urgent d’en finir !

J’en viens au fond. La proposition de loi s’articule autour de quatre axes : la ratification de l’ordonnance de 2010, le renforcement de la médicalisation de la profession de biologiste médical, l’amélioration de la qualité des examens biomédicaux et, enfin, l’organisation de la biologie médicale.

Sur ces objectifs, monsieur le rapporteur, nous ne pouvons évidemment que nous entendre.

Je rappelle que l’absence de ratification de l’ordonnance crée une insécurité juridique préjudiciable, tant pour les professionnels de santé que pour les pouvoirs publics.

Avant d’évoquer les mesures contenues dans le texte de la commission, je tiens à souligner l’importance de la sauvegarde de la biologie médicale et de son maillage territorial. Quant au caractère de l’acte de biologie, il s’agit bien d’un acte médical ; il est essentiel qu’il soit de qualité et rapide.

La commission, sur proposition de son rapporteur, dont je tiens à saluer le travail, a modifié le texte initial de la proposition de loi. Certaines de ces modifications vont dans le bon sens.

Je pense notamment à la nouvelle rédaction du 2° de l’article 4 qui précise les lieux de prélèvements hors laboratoire. En effet, seuls 5 % des prélèvements sanguins seraient réalisés en dehors des laboratoires ou des établissements de santé, pour répondre à des situations spécifiques, particulièrement en zone rurale, où le patient est parfois éloigné des laboratoires.

Il est cependant important que le reste de la phase pré-analytique soit sous le contrôle du biologiste médical. C’est pourquoi notre groupe souhaite revenir sur cet article avec un amendement qui réintroduit le terme de « prélèvement » en remplacement de celui de « phase pré-analytique ».

À l’article 7, la suppression de la possibilité donnée à l’Ordre des pharmaciens de prononcer une interdiction définitive de pratiquer la biologie médicale permet d’éviter une inégalité entre les professionnels inscrits à cet ordre et ceux qui le sont à l’Ordre des médecins.

L’accréditation à 100 % au 1er novembre 2020 avait été insérée par la commission. En tant que rapporteur de la loi Fourcade, j’avais considéré que limiter à 80 % les accréditations ne satisfaisait pas les objectifs majeurs de la loi HPST et de la réforme de la biologie médicale, à savoir « la qualité prouvée par l’accréditation ». Rendre obligatoire l’accréditation des laboratoires est la seule modalité envisageable pour prouver la qualité des examens de biologie médicale. Cette discipline médicale sera ainsi la seule soumise à une accréditation.

En revanche, certaines dispositions du texte de la commission ne nous satisfont pas. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la défense de nos amendements, mais je souhaite d’ores et déjà évoquer certains points.

Nous parlons souvent de l’importance du maillage territorial, mais certains départements ne disposent pas de laboratoire public de biologie médicale et leurs hôpitaux sont trop éloignés d’autres établissements équipés d’un laboratoire. Or il pourrait être envisagé de mettre en place une dérogation permettant aux hôpitaux de continuer à bénéficier de « ristournes », comme le propose notre collègue Jean-François Mayet.

Cela étant, sur le fond, nous soutenons l’objectif de l’article 5, à savoir la suppression de ces « ristournes » qui dévalorisent le travail des biologistes médicaux.

L’article 6 tend à permettre le recrutement, par les centres hospitaliers universitaires et les établissements qui leur sont liés par convention, soit de professeurs des universités-praticiens hospitalier, soit de maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers non titulaires du diplôme d’études spécialisées de biologie médicale, diplôme créé en 1984.

Il ne s’agit pas là de trouver une solution pour quelques cas exceptionnels pendant une période transitoire. En réalité, cet article tend à organiser une filière parallèle et pérenne de recrutement de responsables hospitaliers auxquels il serait seulement demandé de justifier d’un service de trois ans dans un laboratoire de biologie.

En même temps qu’elle décourage les étudiants en biologie médicale d’envisager une carrière hospitalière, cette perspective crée un sentiment d’injustice et de dévalorisation de leur formation. Le Sénat a déjà rejeté, en 2011, une disposition analogue, à laquelle s’opposaient l’ensemble de la profession et les ordres concernés ; ils s’y opposent toujours et il n’y a pas plus de raisons d’accepter cette dérogation aujourd’hui qu’il n’y en avait en 2011.

L’article 7 ter, qui prévoit la suppression de l’article L. 6211-9 du code de la santé publique, ne nous paraît pas justifié. En effet, un des objets de la réforme de la biologie médicale est de permettre au biologiste médical de participer à la prescription des examens, de proposer les plus utiles pour éclairer le médecin et de rendre la prescription la plus efficace et la plus pertinente possible. Il sera ainsi possible d’éviter des examens inutiles ou redondants, mais l’objectif principal est d’obtenir la réponse la plus claire aux questions que l’on se pose et qui justifient le recours à l’examen de biologie médicale. Il s’agit donc de tirer le meilleur parti des compétences du biologiste médical.

Enfin, l’organisation de la biologie médicale, visée aux articles 8 et 9, est au cœur de l’inquiétude des jeunes biologistes, mais aussi de ceux qui veulent préserver une biologie médicale de proximité et non financiarisée.

Avec la législation actuelle, cet objectif est hors de portée : les jeunes sont de fait interdits d’accès à la profession. Il est donc nécessaire de les associer au capital des sociétés et de prévoir des dispositions qui empêchent la financiarisation de cette filière.

Le renforcement du rôle des agences régionales de santé, à l’article 9, leur permettra de réguler l’offre de biologie médicale sur les territoires. Il s’agit de garantir le maintien d’une biologie médicale de proximité, puisque le directeur d’une ARS peut s’opposer à une fusion ou acquisition de laboratoire si la part d’activité réalisée par l’entité issue de l’opération dépasse le seuil de 25 % du total des examens sur le territoire.

Cet article 9 va donc dans le sens du rapport Ballereau, puisque ce dernier préconisait de conserver le principe de liberté d’installation, tout en mettant en place une régulation. Celle-ci doit permettre à la fois de protéger la proximité territoriale et de favoriser les restructurations nécessaires aux laboratoires pour qu’ils atteignent une taille critique et puissent ainsi faire face aux enjeux économiques et techniques de l’avenir.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, comme les autres groupes, celui de l’UMP est particulièrement attaché à la préservation et au renforcement d’une médecine de qualité sur l’ensemble du territoire.

C’est pourquoi, tout en soutenant ce texte dans ses finalités, nous présenterons différents amendements afin de l’améliorer en espérant aboutir à l’adoption rapide d’une loi satisfaisante.

Mes chers collègues, je souhaite que nous arrivions à trouver un compromis. Nous sommes, en effet, convaincus que l’absence de loi produirait des effets pervers, notamment sur l’étendue de la financiarisation de la biologie médicale. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion