Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 31 janvier 2013 à 15h00
Réforme de la biologie médicale — Article 5

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

La biologie médicale et ses acteurs de terrain participent pleinement à l’excellence de notre système de santé. Comme celui-ci, la biologie médicale connaît de profondes modifications, parmi lesquelles celle qu’il est convenu d’appeler la médicalisation.

Ce mouvement, que nous appelons de nos vœux, tend à resituer le biologiste dans un contexte de santé publique : il ne doit plus être considéré comme un technicien de la santé – lequel est par ailleurs respectable –, mais comme un véritable conseiller médical capable, en même temps qu’il informe les patients, d’échanger avec les autres professionnels de santé et même, le cas échéant, de conseiller les médecins. Je ne parle pas de conseils portant sur les thérapeutiques les plus adaptées, mais sur la nécessité de réaliser des examens complémentaires ou des investigations plus poussées afin d’aider le prescripteur à élaborer le meilleur diagnostic possible.

Nous souscrivons pleinement à cette médicalisation, qui doit théoriquement profiter aux patients. Toutefois, elle ne doit pas servir de prétexte à la transformation d’une biologie médicale assise sur le colloque singulier entre professionnels et patients en une biologie médicale de type industriel. Je dois dire qu’en la matière nous avons quelques craintes.

Il n’en demeure pas moins qu’en actant la médicalisation de la profession, il était nécessaire de rompre avec certaines pratiques passées. Comme M. le Menn le rappelle à raison dans son rapport, celles-ci sont très mal vécues par la profession, qui les interprète comme « une négation de la médicalisation de la biologie médicale ».

En effet, personne n’accepterait d’une autre profession médicale qu’elle puisse négocier les tarifs qu’elle applique à un établissement de santé, en raison de son intervention dans celui-ci. Encore moins si cette négociation a pour effet de réduire les tarifs appliqués, au point qu’ils puissent se trouver inférieurs aux tarifs figurant dans la nomenclature.

Cette pratique dite des ristournes, qui renvoyait la biologie médicale à un acte technique, ne doit plus avoir cours. C’est la raison pour laquelle les sénateurs du groupe CRC voteront en faveur de l’article 5 de la proposition de loi.

Les ristournes avaient tendance, de manière incidente, à rouvrir le débat sur la nature de la biologie médicale. En effet, si les professionnels de ce secteur pouvaient pratiquer des tarifs inférieurs à ceux fixés par la nomenclature, c’est qu’ils ne procédaient pas à un acte médical à proprement parler, mais à une simple prestation de service. Dès lors, comment la France pouvait-elle justifier au plan européen son refus d’appliquer à ce secteur les principes de libre concurrence imposés par les directives sur les services ?

Pour autant, la suppression des ristournes ne réglera pas toutes les difficultés que rencontrent les professionnels de santé, dont la médicalisation exigera qu’ils assurent des missions nouvelles : les biologistes médicaux devront interpréter plus et mieux les analyses médicales, au risque de voir leur responsabilité civile professionnelle engagée, et consacrer davantage de temps à un travail d’interprétation non rémunéré alors même que, depuis des années, leurs tarifs n’ont cessé d’être réduits.

Par ailleurs, personne ne peut ignorer que le renforcement du rôle du biologiste médical dans l’interprétation des résultats rend nécessaire la rencontre entre le professionnel et le patient, afin que le premier puisse réaliser, à l’image des médecins, un véritable interrogatoire du second. Seulement, ces rencontres seront d’autant moins possibles que la nature multisites des laboratoires tendra progressivement à éloigner les biologistes des patients.

Malgré leurs réserves, les sénateurs du groupe CRC voteront en faveur de l’article 5, qui permettra de mettre un terme à la concurrence par les prix pratiquée par certains laboratoires. C’est d’autant plus nécessaire que, lorsqu’elles sont consenties aux établissements de santé privés commerciaux, les baisses de tarifs ne profitent qu’à ces derniers, lesquels baissent leurs coûts de revient sans réduire les tarifs imposés aux patients.

C’est pourquoi, tout en restant vigilants, nous approuvons l’article 5 de la proposition de loi.

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