Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le coût du travail en France est au centre de nos préoccupations, car il pénalise toutes les activités qui font appel à une main-d’œuvre importante. Dans le monde agricole, tel est plus particulièrement le cas des exploitations maraîchères.
Le coût du travail crée une distorsion de concurrence, y compris et surtout vis-à-vis de nos voisins européens. En France, le coût horaire d’un travailleur saisonnier pour un maraîcher est supérieur de 80 % à celui qui est observé en Allemagne ; cet écart passe à 39 % dans le cas de l’Espagne et à 46 % dans le cas de la Belgique.
Pour faire en sorte de rattraper ces écarts avec nos concurrents européens, des mesures avaient été prises : l’allègement des charges salariales, mais aussi la création d’une taxe sur les sodas et d’une autre sur les carburants utilisés par les agriculteurs. Le produit de ces deux taxes devait financer l’allègement des charges patronales, à hauteur d’un euro par heure travaillée, pour les salariés permanents.
La loi de finances pour 2013 a modifié à la baisse les allégements de charges et la redistribution aux maraîchers des taxes actuellement prélevées n’est toujours pas intervenue. J’ajoute que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ne compensera que très partiellement la perte subie par nos maraîchers.
Les entreprises de production de légumes emploient près de 200 000 salariés en France et offrent des emplois à du personnel peu qualifié ou en difficulté d’insertion. Un hectare de serres, par exemple, donne du travail à huit salariés.
Le recul de la production légumière est déjà largement amorcé dans notre pays. Au cours des quinze dernières années, les surfaces cultivées en légumes ont diminué de 30 % en France, alors que, au cours de la même période, elles ont progressé de 30 % en Allemagne et aux Pays-Bas.
Le maraîchage est une activité essentielle du bassin nantais. En Loire-Atlantique, le département dont je suis l’élu, 4 000 emplois directs sont concernés. Le non-versement des mesures promises et financées par la taxe sur les sodas, auquel s’ajoute la remise en cause des allégements de charges par la loi de finance pour 2013, va se traduire, rien que pour les maraîchers de mon département, par un manque à gagner évalué à 10 millions d’euros, soit 20 % de leur masse salariale.
Les maraîchers nantais se sont organisés pour former du personnel saisonnier, à l’origine non qualifié, issu pour l’essentiel de milieux urbains défavorisés. Des conventions avec tous les partenaires institutionnels locaux ont été établies en ce sens. Les emplois occasionnels, devenus qualifiés, ont été revalorisés et la diversité de production des entreprises regroupées a permis de donner à ces salariés du travail quasiment toute l’année. Le souhait de la profession est de fidéliser et de pérenniser ces emplois. Tous les partenaires trouvent leur intérêt dans cette démarche.
Ce rôle social, reconnu régionalement, est aujourd’hui découragé par des mesures qui incitent à ne pas renouveler ces contrats correctement valorisés et à leur substituer des emplois précaires, moins rémunérés mais davantage aidés.
Tout un projet, à la fois économique et social, va être déstabilisé parce que sa spécificité n’est pas prise en compte. Ce projet a été soutenu, depuis plusieurs années, par des entreprises dynamiques, innovantes, qui ont su organiser leur filière et valoriser leurs produits.
Les maraîchers nantais, malgré tous les efforts accomplis, sont très inquiets aujourd’hui. La perte de compétitivité n’est pas le fait d’un manque d’investissement, c’est même exactement le contraire : que faire lorsque la récolte de la mâche, mécanisée en France, se révèle plus coûteuse qu’en Allemagne, où elle est entièrement manuelle et réalisée par une main-d’œuvre peu chère, pour l’essentiel étrangère et rurale ?
Tout le problème réside dans la distorsion de concurrence liée au coût du travail, notamment du travail saisonnier, que subissent les producteurs français. Plutôt que d’aggraver encore la situation, il est nécessaire d’agir de manière ciblée, maintenant, pour éviter de créer dans quelques années un nouveau ministère du redressement productif, agricole cette fois, et dont les plans de sauvetage seront beaucoup plus coûteux que les mesures à prendre aujourd’hui. Quelles mesures envisagez-vous d’adopter, monsieur le ministre, pour permettre aux exploitants français d’être immédiatement, et surtout durablement, compétitifs au niveau européen ?