Avec l’article 7 et l’article 8, lequel concerne la détention du capital social des sociétés d’exercice libéral de biologie médicale, nous sommes au cœur de cette proposition de loi et des inquiétudes qu’elle fait naître chez les professionnels de santé, ainsi que chez certains patients.
Comme vous, nous avons reçu de nombreux messages émanant d’organisations syndicales représentatives d’une partie de la profession, de biologistes non syndiqués, voire de certains de nos concitoyens, qui craignent que le basculement du régime actuel dit de « certification » vers celui d’accréditation n’entraîne la fermeture de nombreux laboratoires de biologie médicale. Non que ces derniers ne soient pas sûrs et n’offrent pas aujourd’hui toutes les garanties nécessaires, mais parce que le coût de l’accréditation serait, pour les plus petits d’entre eux, insurmontable.
D’autres laboratoires pourraient se conformer à la procédure d’accréditation en cédant une partie plus ou moins grande de leur capital social à des structures d’ordre financier, qui profiteraient de cette occasion pour transformer le laboratoire de proximité en un simple centre de prélèvements.
Autant vous le dire, mes chers collègues, nous partageons ces craintes.
À cet égard, je voudrais citer ce que disait M. Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes en 2011 devant le 58e congrès de la Fédération nationale des infirmiers : « La réforme imposée par une accréditation de type industriel, cette demande de concentration en plateaux techniques, a permis de faire entrer des financiers dans la biologie. Sur 4 500 laboratoires en France l’an dernier, nous avons déjà perdu 1 000 structures en un an. »
Cette situation, très bien décrite par M. Blanchecotte, nous interpelle nécessairement, d’autant que tous les professionnels que nous avons rencontrés nous ont dit la même chose : les normes auxquelles il faudra satisfaire demain pour pouvoir être accrédité résultent, en réalité, de la transposition des normes d’autres pays où la pratique de la biologie est différente. Il s’agit de pays où, précisément, les centres de proximité ne sont que des centres de prélèvements et où les examens de biologie sont réalisés au sein de superstructures centralisées dans lesquelles les analyses sont essentiellement rendues par des machines et où les examens sont massifiés. Autrement dit, ces examens sont à la fois très nombreux, puisque des prélèvements réalisés sur des centaines de sites de prélèvements sont regroupés, et leur traitement est essentiellement automatisé.
Dans ce contexte, l’application de règles prudentielles particulières, destinées à encadrer une pratique qui relève plus de l’industrie de soins, peut se comprendre eu égard aux risques inhérents à la massification. Mais cela s’entend nettement moins lorsqu’il s’agit de structures de proximité qui, en raison de leur taille, ne sont pas exposées aux mêmes risques.
Il se pourrait, également, que certains groupes financiers, dont on sait qu’ils sont aux aguets, profitent de la volonté légitime de renforcer la sécurité sanitaire pour organiser la concentration de l’activité en imposant des fermetures, des fusions ou des regroupements. Nous ne sommes pas les seuls à éprouver une telle inquiétude.
Certes, les amendements présentés en commission des affaires sociales par notre rapporteur, qui prévoit un échelonnement dans le temps de la procédure d’accréditation, vont dans le bon sens. Malgré cela, on sait que certaines structures ne pourront se mettre aux normes. Je pense particulièrement aux laboratoires de biologie médicale des centres de santé dont la politique met l’accent sur l’approche globale du patient. Or, si ces laboratoires sont obligés de fermer, ce qui contraindra certaines personnes à se rendre dans d’autres structures pour effectuer leurs prélèvements, il est à craindre que l’équilibre financier des centres de santé ne soit rompu, ce qui mettra leur existence même en péril.
Madame la ministre, pour ces structures, comme pour les plus petits laboratoires, dans des territoires déjà dévastés sur le plan médical, croyez-vous qu’il soit possible de soutenir financièrement les transformations nécessaires à l’obtention de l’accréditation ?