Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 5 février 2013 à 14h30
Réforme de la biologie médicale — Article 8, amendements 33 34 35

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Monsieur le président, si vous me le permettez, je défendrai conjointement les amendements n° 33, 34 et 35, qui visent tous à lutter contre la financiarisation de la biologie médicale.

Il me semble utile de commencer par rappeler que les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui résultent de la loi de 1990, qui a permis la création de sociétés d’exercice libéral, y compris dans les secteurs relevant de la santé. Pour éviter la financiarisation, sans doute eût-il été pertinent, au nom du respect impérieux des enjeux de santé publique, de créer ex nihilo une forme de société spécifique dans les domaines sanitaires.

Cela n’ayant pas été fait, nous sommes aujourd’hui dans la situation suivante : des groupes financiers, souvent européens, ayant obtenu dans leur pays d’origine la qualité de personne morale exerçant la profession de biologiste médical, trustent les parts sociales des SEL françaises.

Le cadre juridique actuel, qui prévoit qu’une même personne extérieure à la société d’exercice libéral ne peut détenir plus de 25 % du capital de cette société, n’est pas suffisant pour empêcher que des groupes financiers accaparent la totalité ou tout au moins la majorité du capital social et des droits de vote.

Je note d’ailleurs qu’Éric Souêtre, fondateur et président du conseil d’administration de Labco, qui est à l’origine de la plainte devant la Cour de justice de l’Union européenne, bien que débouté par celle-ci, ne s’est pas particulièrement inquiété de cette décision. Je le cite : « La flexibilité des réglementations européennes permet la détention de 100 % du capital d’un laboratoire français par un laboratoire européen dès lors qu’il est considéré en droit européen comme une personnalité morale biologiste ».

La règle des 25 % constitue en réalité une bien faible protection pour au moins une raison, comme le démontre ce financier : quatre personnes morales, quatre filiales d’un même groupe financier peuvent chacune détenir 25 % du capital.

L’enjeu de la lutte contre la financiarisation, qui est d’ailleurs le corollaire de la lutte en faveur d’une biologie éthique, réside donc dans la nature des détenteurs du capital social et des droits de vote des sociétés d’exercice libéral.

Si l’on veut que les choix effectués par les biologistes en matière d’organisation et de présence, par exemple, restent guidés par des principes éthiques, qu’ils s’inscrivent dans une logique sanitaire et non financière, il faut s’assurer que ceux qui décident sont ceux qui pratiquent effectivement la biologie médicale.

Telles sont les raisons pour lesquelles il nous paraît essentiel d’adopter ces amendements, qui visent à limiter à 49 % la part totale du capital social et des droits de vote d’une société d’exercice libéral de biologie médicale pouvant être détenue par une personne morale. Cette solution, qui autorisait malgré tout la détention par des sociétés financières d’une part non négligeable du capital, présenterait le double avantage de ne pas encourir le risque de sanction de la part de la Cour de justice de l’Union européenne, puisqu’il ne s’agit pas d’un empêchement total, tout en permettant aux biologistes réellement en exercice, c’est-à-dire à des femmes et à des hommes, d’être majoritaires et donc d’effectuer les choix stratégiques du laboratoire.

Je précise d’ailleurs que cette rédaction est conforme à l’arrêt rendu par la Cour de justice, qui avait considéré comme non justifiée la restriction à la liberté d’établissement selon laquelle une personne physique ou morale ne pouvait pas participer au capital de plus de deux sociétés constituées en vue de l’exploitation en commun d’un ou de plusieurs laboratoires.

Il nous semble donc que rien ne fait obstacle à l’adoption de ces amendements.

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