Intervention de Jean Desessard

Réunion du 5 février 2013 à 14h30
Création du contrat de génération — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission.

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Les représentations sociales négatives à l’égard des salariés âgés ont la vie dure. Le Centre d’études et de recherche sur les qualifications publiait en 2011 les travaux d’Isabelle Faurie sur le vieillissement et l’emploi. Que nous apprenaient les enquêtes menées auprès des recruteurs ?

Il y a tout d’abord le discours officiel : « Sur les treize entreprises interrogées, toutes exposent un discours d’égalité des chances et se gardent d’une quelconque mise à l’écart des seniors à l’embauche. »

Il y a ensuite le discours tenu pendant les entretiens. « Ce n’est pas un critère euh qu’on retient ou qu’on écarte de nos recrutements » (entreprise P, secteur transport). « On n’est pas fermé sur les seniors... les seniors ne nous dérangent pas » (entreprise S, secteur construction). On voit le ton !

« On n’a aucune euh… on ne refuse pas du tout les seniors. On n’a pas du tout une politique avec des tranches d’âge à sélectionner. C’est vrai qu’il y a beaucoup plus de jeunes qui se présentent...» (entreprise I, secteur finance et assurances). On voit très bien où se situe le problème.

Et les actes ?

« Cependant, toutes [les entreprises] constatent que, dans les faits, la très grande majorité des recrutements concerne des salariés de moins de 50 ans. L’embauche d’un senior fait […] figure d’exception ».

Voici d’autres extraits des entretiens : « Je crois qu’il nous est arrivé d’embaucher un chauffeur qui avait 50 ans » (entreprise C, secteur transport). « J’ai recruté il y a deux ans un senior, euh, je dirais, de manière provocatrice, qu’il fait un peu “tâche”... il faudrait qu’on en recrute plus » (entreprise O, secteur finance et assurances).

Toujours dans l’enquête de Mme Faurie, voici ce qu’on peut également lire : « À quelques mois de l’obligation de signer un accord, rares sont les engagements chiffrés sur l’augmentation de la part des plus de 50 ans dans les recrutements. Une seule entreprise (entreprise O, secteur finance et assurance) a fixé un accord chiffré sur le recrutement des seniors et signé une charte contre l’exclusion. »

Voilà qui devrait tempérer la confiance de Mme Debré dans les entreprises !

Les seniors ont pourtant un rôle essentiel dans la transmission des savoirs, qu’il s’agisse de savoirs pratiques ou de savoir-être. Tout au long de leur carrière, ils ont acquis de l’expérience et ont appris à repérer les enjeux stratégiques leur permettant d’éviter les erreurs et les « pièges ».

M. le ministre de l’emploi se souvient sans doute de l’exemple donné par ma collègue Mme Blandin lors de son audition par le groupe écologiste : il concernait les anciens agents de la SNCF aujourd’hui à la retraite que l’on sollicite, à partir des archives des registres du personnel, pour venir apprendre à leurs successeurs comment réparer les ponts SNCF à cause d’une visserie spécifique.

Pour employer les termes usités par le « milieu » des ressources humaines, une gestion active des âges au travail est toujours nécessaire.

En privilégiant le transfert de compétences, le contrat de génération participe à relever ce défi essentiel pour l’entreprise, celui de sa pérennisation.

Le contrat de génération est également une opportunité pour l’entreprise de « penser » son avenir, sa stratégie de développement, ses besoins en ressources humaines, des notions qui doivent parler aux entrepreneurs.

L’obligation donnée de traduire dans un accord ou un plan d’action l’anticipation des évolutions de métiers, le renouvellement générationnel et la présence de toutes les générations dans l’entreprise est donc un gage de pérennisation – et non pas une contrainte, je le dis à Mme Debré – et inscrit l’entreprise dans une perspective de long terme où l’on pense moins rentabilité immédiate que pérennité.

L’ouverture du dispositif aux entrepreneurs individuels, dans un souci de transmission des entreprises est, à cet égard, intéressante et peut aider les TPE de l’artisanat ou du commerce ayant du personnel et les PME ayant moins de cinquante salariés, celles qui ont le plus de difficulté à transmettre du fait des compétences variées requises pour le repreneur.

Si, avec le contrat de génération, le senior ne doit plus être un poids, qu’en est-il du jeune adulte ?

Le contrat de génération se présente comme perspective d’emploi stable et d’intégration à l’entreprise pour les jeunes adultes. En affichant des objectifs d’embauche en CDI – j’y insiste tant cela est devenu rare – et sur du temps plein – j’y insiste également –, …

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