Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 5 février 2013 à 22h30
Création du contrat de génération — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

De surcroît, pour nous, ce projet de loi n’est qu’une étape et ne devrait être qu’un outil parmi d’autres dans la lutte contre le chômage. La vocation des contrats de génération, qui est de permettre à des salariés expérimentés de transmettre leurs savoirs et leurs compétences à des jeunes, est louable, et aurait même pu être renforcée dans le texte.

Pour autant, si positifs que ces contrats de génération puissent être, ils ne peuvent pas résumer à eux seuls, avec les emplois d’avenir, la réponse du Gouvernement face à la dégradation continue des chiffres de l’emploi.

Les politiques incitatives qui prennent la forme d’aides publiques finissent toujours par montrer des signes de faiblesse et ne vous permettront pas de résoudre durablement la crise de l’emploi que notre pays connaît. Leur empilement – j’ai découvert dans la presse que l’on parlait maintenant d’« emplois francs » – n’est pas gage de succès.

Pour s’attaquer au fléau du chômage des jeunes, il faudra inévitablement reposer la question de l’utilité sociale des richesses créées par le travail.

Le poids du capital ne cesse de croître et détruit l’emploi. Ce sont précisément celles et ceux qui exigent des salariés de consentir des efforts qui obtiennent depuis des années une allocation croissante des richesses créées en direction de la rémunération du capital, au détriment des salaires et de l’investissement. Et à eux, on ne leur demande jamais aucun effort ! Le MEDEF, si prompt à imposer des « plans compétitivité » aux salariés, c'est-à-dire des baisses de salaires, oublie systématiquement de regarder du côté de ses adhérents.

Puisque les actionnaires sont, pour la plupart, incapables de modérer leurs appétits, au groupe CRC, nous continuons à penser, avec de plus en plus de salariés, d’ailleurs, qu’il est grand temps d’interdire les licenciements boursiers pour protéger l’emploi et l’outil industriel. Les entreprises qui versent des dividendes ne doivent plus pouvoir licencier pour motif économique. Comment ces patrons peuvent-ils prétendre connaître des difficultés économiques quand ils rémunèrent les actionnaires, versent des dividendes, rachètent leurs actions ou celles d’autres entreprises, quitte à perdre des sommes colossales ? Nous n’acceptons pas que l’argent aille au capital et non au travail quand il revient in fine à la collectivité de payer les conséquences d’une telle situation.

Enfin, monsieur le ministre, je ne peux pas conclure sans relever avec une certaine solennité que, depuis la conclusion de cet accord national interprofessionnel à l’unanimité des représentants tant patronaux que salariés, le contexte politique et social a changé. Vous avez en effet annoncé l’examen prochain, sans doute en procédure accélérée, d’un projet de loi transposant l’accord signé par le patronat et trois organisations syndicales minoritaires : cela ne peut pas nous satisfaire.

Présenté comme devant sécuriser l’emploi, cet accord nous semble, au contraire, affaiblir les droits des salariés et favoriser leur précarisation.

Il prévoit des dispositions qui sont contraires à l’esprit des contrats de génération, puisqu’elles permettent aux employeurs de recruter des salariés sous des statuts plus précaires que ceux qui existent aujourd’hui, avec la création, par exemple, d’un « CDI intermittent ».

Cet accord permet également, dans son article 15, de faciliter le licenciement, puisque, par exemple, dans le cadre de la mobilité professionnelle, le salarié ne pourra plus refuser le changement de poste ou de lieu de travail, et cela sans limitation géographique. En effet, son opposition entraînera son licenciement pour un motif autre qu’économique, le privant des protections et des compensations financières attachées à ce type de licenciement.

Alors que ces contrats de génération font de la formation du jeune salarié un élément majeur de leur réussite, l’accord minoritaire réduit le congé de reclassement, lequel passerait de douze à neuf mois.

Enfin, et pour ne citer que quelques exemples, cet accord minoritaire sacralise dans la loi le chantage à l’emploi que subissent déjà les salariés ; je pense notamment à ceux de Renault. Il autorisera les entreprises qui se disent en difficulté à conclure un accord majoritaire pour « adapter » le temps de travail et les rémunérations des salariés en exonérant les employeurs des obligations qui auraient résulté de licenciements économiques, cela, naturellement, sans demander aucun effort aux actionnaires.

Permettre aux jeunes – et ce sera ma conclusion – d’accéder à l’emploi tout en autorisant le patronat à le détruire nous semble être pour le moins paradoxal !

Pour l’heure, nous voterons en faveur de ce projet de loi, en espérant qu’il sera complété par nos amendements et en demeurant particulièrement vigilants pour l’avenir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion