La séance, suspendue à vingt heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.
La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création du contrat de génération.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Dominique Watrin.
Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la rapporteur, mes chers collègues, quand on les interroge sur leurs principales préoccupations, nos concitoyens évoquent systématiquement en premier lieu l’emploi.
D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement ? Entre 2011 et 2012, donc sous l’ancienne majorité, ce sont plus de 160 000 emplois industriels qui ont été détruits en France. Et, pour 2012, la situation ne s’est pas améliorée. Notre pays, toutes catégories confondues, a perdu 63 800 postes de travail, dont 28 400 dans l’industrie et 25 600 dans le tertiaire.
Les jeunes sont évidemment les premières victimes d’un système économique qui permet aux entreprises de licencier même lorsqu’elles réalisent d’importants bénéfices. Non seulement ils sont refoulés à l’accès à l’emploi, mais leur projet de vie se trouve brisé pour de nombreuses années. C’est leur droit à l’autonomie qui est bafoué !
Dans un contexte où le taux de chômage des jeunes en Europe est passé de près de 18 % à 22, 5 % entre 2000 et 2012, l’accès à l’emploi, c'est-à-dire au premier emploi puis à l’emploi stable, est devenu particulièrement complexe. Idem pour l’accès à l’autonomie, qui passe d’abord et avant tout par la possibilité d’avoir un logement indépendant. Or la nature précaire des contrats proposés aux jeunes – des contrats qui peuvent parfois sembler se succéder à l’infini – et la faiblesse des salaires rendent l’accès au logement et à l’autonomie quasi impossibles.
La situation est telle que la génération de nos enfants a récemment été qualifiée de « génération sacrifiée » par le Washington Post.
Sourires.
Mes chers collègues, personne ne peut ni l’admettre, ni s’en réjouir, ni s’y résoudre.
C’est dans ce contexte que nous sommes amenés à examiner ce projet de loi.
La question de la lutte contre le chômage est d’autant plus importante que, il faut bien l’admettre, le précédent gouvernement n’a été ni véritablement déterminé ni efficace. Chacun s’en souvient, pour favoriser l’emploi, il a assoupli le recours aux heures supplémentaires et leur non-rémunération. Il a permis, avec la loi Warsmann, la modulation à l’infini, ou presque, des heures supplémentaires. Pour lutter contre le chômage, il a imposé la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, en contraignant les agents à assumer sans formation des missions qui n’étaient pas les leurs auparavant. Il a mis en place un système d’offres d’emploi dites « raisonnables », qui constituent surtout un outil massif de radiation. Enfin, il a favorisé les opérateurs de placement privés, dont tous les rapports indiquent qu’ils sont encore plus coûteux et moins pertinents que Pôle emploi.
Voilà le bilan de la précédente majorité ! Et je ne parle évidemment pas des injonctions adressées par Nicolas Sarkozy lui-même aux dirigeants des grandes entreprises pour qu’ils retardent leurs plans de licenciement, afin de ne pas « plomber » sa campagne présidentielle.
Le projet de loi portant création des contrats de génération est différent, par sa nature, par sa forme et par les publics concernés, de ce qui a été fait les années précédentes, y compris récemment ; je pense, par exemple, aux emplois d’avenir, dont le groupe CRC avait refusé de voter la création. Tandis que ces derniers reposaient sur des exonérations de cotisations patronales, les contrats de génération bénéficieront d’une aide financière directe de l’État et assumée par lui. La mesure ne grèvera donc pas les comptes de la sécurité sociale, qui souffrent déjà lourdement des exonérations générales de cotisations sociales et d’autres mécanismes d’exemption d’assiette.
Les contrats de génération nous paraissent moins précaires que les emplois d’avenir. Seul le recours au contrat à durée indéterminé sera possible, et les contrats ne devraient, théoriquement, être proposés qu’à temps plein.
À l’issue de ses travaux, l’Assemblée nationale a cependant assoupli cette disposition, en proposant que le jeune puisse être employé à temps partiel, en quatre cinquièmes, afin, notamment, de lui permettre de réaliser une action de formation.
Monsieur le ministre, cette formule nous paraît devoir être précisée. Il faut s’assurer que les actions de formations, qui sont réalisées pendant le temps de travail pour l’ensemble des salariés, ne s’effectueront pas en dehors pour les bénéficiaires des contrats de génération. Il ne faudrait pas, et je sais que telle n’est pas votre volonté, que les jeunes concernés puissent se sentir considérés comme des salariés aux droits réduits.
Nous nous réjouissons également que le dispositif prenne des formes différentes en fonction de la taille des entreprises. Nous plaidons depuis des années pour que les mesures incitatives et les politiques d’aides publiques puissent être modulées en fonction de critères différents, comme la politique salariale menée par les entreprises ou leur taille.
S’il est légitime que les salariés de toutes les entreprises aient les mêmes droits et le même niveau de protection, rien ne doit nous interdire de faire varier les politiques de soutien à l’emploi en fonction de la taille des entreprises. Les besoins des très petites entreprises, où il n’y a parfois qu’un seul salarié, voire uniquement le créateur, et ceux des grandes entreprises et des multinationales ne sont évidemment pas les mêmes !
Toutefois, monsieur le ministre, nous souhaiterions savoir comment le dispositif sera appliqué dans les entreprises franchisées. Par exemple, nous savons que certains groupes n’hésitent plus à franchiser les structures pour contourner leurs obligations sociales liées aux effectifs de l’entreprise. Aussi, il nous semble important qu’une réflexion soit menée sur ces sociétés, afin d’éviter qu’elles ne profitent du cadre légal le moins contraignant quand elles devraient théoriquement se voir appliquer la règle prévue pour les entreprises de plus de trois cents salariés en l’absence de franchise.
D’une manière générale, ce projet de loi est conforme aux volontés exprimées à l’unanimité des organisations syndicales représentatives des salariés et des organisations patronales. Cela nous change d’ailleurs considérablement de ce qui se pratiquait sous le gouvernement précédent, dont je rappelle, pour mémoire, qu’il avait profité de la transposition d’un accord national interprofessionnel portant précisément sur la représentativité pour imposer des mesures dérégulant le temps de travail, non négociées et non approuvées par les partenaires sociaux, exception faite du MEDEF…
Le projet de loi, comme d’ailleurs l’accord national interprofessionnel, l’ANI, opère une hiérarchie claire et privilégie les accords négociés aux plans d’action et les plans d’action aux accords de branches étendus. Cet ordonnancement est positif.
C’est la raison pour laquelle notre groupe a déposé un amendement visant à faire en sorte que l’aide financière accordée aux entreprises en contrepartie de la signature d’un contrat de génération soit également modulée en fonction des mesures adoptées par elles pour mettre en œuvre un tel dispositif. L’objectif est clairement d’inciter à la signature d’un accord dans l’entreprise. En effet, nous le savons, les plans d’action, qui sont des mesures unilatérales prises par l’employeur, ne sont pas pleinement satisfaisants. Nous l’avions souligné lors de la réforme des retraites, qui prévoyait que l’employeur pouvait mettre en œuvre un plan d’action en l’absence d’accord sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Un rapport de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, de 2011 sur l’emploi des seniors le confirme.
Il fait une double démonstration. D’une part, les employeurs préfèrent les plans d’action, 70 % des entreprises ayant opté pour un plan d’action, contre 30 % pour un accord collectif. D’autre part, les plans sont généralement moins ambitieux.
Monsieur le ministre, cette crainte, nous l’avons d’autant plus que le projet de loi n’exige pas des plans d’action qu’ils prévoient des mécanismes pour chacun des sept thèmes retenus dans l’ANI en les mentionnant explicitement.
Aussi, afin de ne pas réduire les contrats de génération au seul recrutement d’un jeune au sein d’une entreprise, pour inciter au dialogue social en son sein et faire en sorte que tous les axes de mobilisation retenus dans l’accord national interprofessionnel soient pris en compte, nous proposerons un amendement de modulation de l’aide financière en fonction de la forme retenue pour la mise en œuvre des contrats.
Vous l’aurez compris, le groupe communiste, républicain et citoyen votera en faveur de ce projet de loi, en regrettant toutefois qu’il continue de se fonder sur un postulat que nous considérons erroné, celui du coût excessif du travail.
Les tassements des salaires constatés depuis des années conduisent à une forme de « smicardisation » du salariat. Qui peut aujourd’hui prétendre que les salariés qui survivent avec le SMIC ou à peine plus sont trop payés ? Qui peut raisonnablement affirmer aujourd’hui que notre système de protection sociale, qui a permis à la France d’éviter le pire en plein cœur de la crise économique, n’est pas indispensable ? Qui peut, MEDEF excepté, considérer que les salariés doivent encore et toujours consentir à des efforts financiers, des réductions de salaire, à des périodes de chômage partiel, quand les actionnaires qui détiennent les entreprises profitent, eux, d’un taux de rentabilité à deux chiffres et s’enrichissent grâce à leurs dividendes ?
De surcroît, pour nous, ce projet de loi n’est qu’une étape et ne devrait être qu’un outil parmi d’autres dans la lutte contre le chômage. La vocation des contrats de génération, qui est de permettre à des salariés expérimentés de transmettre leurs savoirs et leurs compétences à des jeunes, est louable, et aurait même pu être renforcée dans le texte.
Pour autant, si positifs que ces contrats de génération puissent être, ils ne peuvent pas résumer à eux seuls, avec les emplois d’avenir, la réponse du Gouvernement face à la dégradation continue des chiffres de l’emploi.
Les politiques incitatives qui prennent la forme d’aides publiques finissent toujours par montrer des signes de faiblesse et ne vous permettront pas de résoudre durablement la crise de l’emploi que notre pays connaît. Leur empilement – j’ai découvert dans la presse que l’on parlait maintenant d’« emplois francs » – n’est pas gage de succès.
Pour s’attaquer au fléau du chômage des jeunes, il faudra inévitablement reposer la question de l’utilité sociale des richesses créées par le travail.
Le poids du capital ne cesse de croître et détruit l’emploi. Ce sont précisément celles et ceux qui exigent des salariés de consentir des efforts qui obtiennent depuis des années une allocation croissante des richesses créées en direction de la rémunération du capital, au détriment des salaires et de l’investissement. Et à eux, on ne leur demande jamais aucun effort ! Le MEDEF, si prompt à imposer des « plans compétitivité » aux salariés, c'est-à-dire des baisses de salaires, oublie systématiquement de regarder du côté de ses adhérents.
Puisque les actionnaires sont, pour la plupart, incapables de modérer leurs appétits, au groupe CRC, nous continuons à penser, avec de plus en plus de salariés, d’ailleurs, qu’il est grand temps d’interdire les licenciements boursiers pour protéger l’emploi et l’outil industriel. Les entreprises qui versent des dividendes ne doivent plus pouvoir licencier pour motif économique. Comment ces patrons peuvent-ils prétendre connaître des difficultés économiques quand ils rémunèrent les actionnaires, versent des dividendes, rachètent leurs actions ou celles d’autres entreprises, quitte à perdre des sommes colossales ? Nous n’acceptons pas que l’argent aille au capital et non au travail quand il revient in fine à la collectivité de payer les conséquences d’une telle situation.
Enfin, monsieur le ministre, je ne peux pas conclure sans relever avec une certaine solennité que, depuis la conclusion de cet accord national interprofessionnel à l’unanimité des représentants tant patronaux que salariés, le contexte politique et social a changé. Vous avez en effet annoncé l’examen prochain, sans doute en procédure accélérée, d’un projet de loi transposant l’accord signé par le patronat et trois organisations syndicales minoritaires : cela ne peut pas nous satisfaire.
Présenté comme devant sécuriser l’emploi, cet accord nous semble, au contraire, affaiblir les droits des salariés et favoriser leur précarisation.
Il prévoit des dispositions qui sont contraires à l’esprit des contrats de génération, puisqu’elles permettent aux employeurs de recruter des salariés sous des statuts plus précaires que ceux qui existent aujourd’hui, avec la création, par exemple, d’un « CDI intermittent ».
Cet accord permet également, dans son article 15, de faciliter le licenciement, puisque, par exemple, dans le cadre de la mobilité professionnelle, le salarié ne pourra plus refuser le changement de poste ou de lieu de travail, et cela sans limitation géographique. En effet, son opposition entraînera son licenciement pour un motif autre qu’économique, le privant des protections et des compensations financières attachées à ce type de licenciement.
Alors que ces contrats de génération font de la formation du jeune salarié un élément majeur de leur réussite, l’accord minoritaire réduit le congé de reclassement, lequel passerait de douze à neuf mois.
Enfin, et pour ne citer que quelques exemples, cet accord minoritaire sacralise dans la loi le chantage à l’emploi que subissent déjà les salariés ; je pense notamment à ceux de Renault. Il autorisera les entreprises qui se disent en difficulté à conclure un accord majoritaire pour « adapter » le temps de travail et les rémunérations des salariés en exonérant les employeurs des obligations qui auraient résulté de licenciements économiques, cela, naturellement, sans demander aucun effort aux actionnaires.
Permettre aux jeunes – et ce sera ma conclusion – d’accéder à l’emploi tout en autorisant le patronat à le détruire nous semble être pour le moins paradoxal !
Pour l’heure, nous voterons en faveur de ce projet de loi, en espérant qu’il sera complété par nos amendements et en demeurant particulièrement vigilants pour l’avenir.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il est difficile de s’exprimer sur un sujet aussi compliqué, d’autant qu’en la matière toute posture idéologique est vaine.
Il est vrai que ce débat nous renvoie à deux réalités « de masse », et pas seulement en France d’ailleurs, mais aussi dans de nombreux pays européens, qui touchent et les jeunes et les seniors.
D’abord, grosso modo, un quart des jeunes connaissent le chômage. Alors, certes, on le qualifie de « file d’attente », pour signifier que, finalement, ce n’est pas si grave, mais, en réalité, après la file d’attente, c’est un parcours de précarité de l’ordre de cinq ans en moyenne qui attend les jeunes !
Quant aux seniors victimes du chômage, ils sont confrontés à un phénomène d’exclusion et de relégation sociale, au sens qu’a donné à ces termes Dominique Schnapper.
Est-ce la société que nous souhaitons ? Pouvons-nous nous satisfaire de cette réalité structurelle et durable ? À ces questions d’apparence bien naïves, tout le monde ici répondra sans doute par la négative. Pourtant, nous peinons vraiment à aborder cette question et à y apporter des réponses qui ne soient ni conjoncturelles ni marginales.
Messieurs les ministres, au sein du groupe UDI-UC, nous souscrivons à l’ambition qui sous-tend ce texte et à l’objectif visé, à savoir tenter de faciliter l’insertion des jeunes et aider au maintien dans l’emploi des seniors. Nous arrivons donc avec un a priori positif. Tout ce qui peut en effet donner un « coup de main » aux jeunes et aux seniors doit être soutenu. Nous avons envie de vous croire, de vous suivre et d’être, comme vous, optimistes.
Toutefois, nous avons un sérieux doute sur les mesures pour l’emploi que vous avez prises et sur leur capacité à apporter une réponse durable et massive à la réalité durable et massive que nous connaissons.
Je pense naturellement au crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE, et aux contrats d’avenir.
Sourires.
Nouveaux sourires.
Vous savez ce que c’est d’être ministre !
N’essayez pas de me troubler !
Face à l’ensemble de ces dispositifs, pensons-nous qu’il s’agit de solutions radicalement nouvelles susceptibles de permettre de renverser la situation ?
Sur les emplois d’avenir, nous nous sommes déjà exprimés : ils ressemblent un peu au dispositif emplois-jeunes, même s’ils ont été mieux ciblés.
Les contrats de génération sont-ils si neufs ?
En réalité, pour les seniors, ils ont plutôt vocation à se substituer aux accords de 2009 relatifs à l’emploi des seniors, accords qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité !
Pour les jeunes, j’ai bien noté les circonlocutions de notre ministre, Thierry Repentin.
M. Michel Sapin, ministre. Si je vous gêne, je peux m’en aller !
Sourires.
Je dis « notre », parce que M. Repentin est issu du Sénat, monsieur le ministre !
Vous dites que ce n’est pas un contrat aidé, mais il n’en reste pas moins vrai que, dans les entreprises de moins de trois cents salariés, le contrat de génération donnera bien lieu au versement d’une aide. Par conséquent, si ce n’est pas de l’emploi aidé, cela y ressemble, à moins que vous ne reconnaissiez la trop grande importance du coût du travail des jeunes, ce dont nous pourrons alors discuter !
Mais je vous taquine…
Cela dit, j’ai compris que je n’étais pas la seule, sur ces travées, à considérer qu’il y avait, derrière ce dispositif, un problème de coût du travail des jeunes !
Messieurs les ministres, au-delà de ce problème de fond, demeure une question pratique très simple pour laquelle nous n’avons toujours pas obtenu de réponse.
Nous savons que l’aide ou la réduction du coût de travail sera de 4 000 euros annuels par contrat de génération. Mais s’agira-t-il de 4 000 euros nets ou bien l’aide sera-t-elle fiscalisée ? Ce n’est pas encore très clair dans notre esprit, mais vous ne manquerez pas de nous éclairer !
Sur le plan quantitatif, ces contrats vont-ils permettre de répondre au problème ?
On sait que les contrats d’avenir…
Quatre euros !
On sait que les emplois d’avenir concerneront 150 000 jeunes dans un premier temps et 300 000 à la fin. On sait aussi que nombre de jeunes ne sont pas inscrits et ne figurent pas dans les statistiques de Pôle emploi.
Qu’en sera-t-il des contrats de génération ? À vrai dire, nous n’en savons rien. Certes, l’étude d’impact est fondée sur une hypothèse de 100 000 embauches annuelles éligibles en année pleine. Mais, en off, les partenaires sociaux considèrent que ces chiffres sont quelque peu optimistes.
Notre rapporteur, Christiane Demontès, pourtant peu suspecte d’antigouvernementalisme, …
… admet que « ces évaluations doivent être bien évidemment maniées avec prudence, car elles dépendent du taux de croissance de l’économie, du taux de substitution avec les CDD, et de la simplicité des démarches administratives pour obtenir les aides. »
Au-delà de la seule question du nombre, c’est aussi celle de la pérennité de ces emplois qui se pose. Ces contrats permettront-ils d’apporter une réponse durable ? Cela aurait pu être le cas s’ils avaient été mieux ciblés. Nous nous sommes déjà exprimés sur les emplois d’avenir qui, selon nous, auraient dû être uniquement ciblés sur les jeunes les plus éloignés de l’emploi.
Ils le sont, mais il y a eu des ouvertures.
Quant aux contrats de génération, ils bénéficieront à tous les jeunes de moins de vingt-six ans, sans distinction de niveau d’études. Et, compte tenu de cette option, l’impératif de formation est explicitement écarté par le Gouvernement, qui « tient à ce que le contrat de génération ne soit pas un contrat de formation en alternance ». Or, dans son dernier rapport, la Cour des comptes montre que les contrats de formation en alternance comme les contrats d’apprentissage sont tout de même la meilleure garantie pour une insertion rapide et durable dans le marché du travail.
Cet impératif de formation sera-t-il assuré dans l’entreprise – ce serait tout de même le génie du dispositif intergénérationnel ! – par un senior qui transmettra ainsi son savoir ? Il y a eu des avancées à l’Assemblée nationale, grâce d’ailleurs à des amendements de l’UDI.
Mais nous souhaiterions que le lien intergénérationnel soit beaucoup plus clair, afin que soit précisé qui accueillera le jeune, qui le formera, et que les rôles de chacun soient établis. Nous défendrons des amendements sur ce point. Nous vous le disons très clairement, ce seront pour nous des points « durs » dans la discussion !
Concernant la question du ciblage des employeurs – je vais, là encore, revenir sur une position assez classique au sein de notre groupe –, nous aurions souhaité que tous les dispositifs soient ouverts à l’ensemble des secteurs, notamment au secteur marchand. Ce n’est pas le cas, puisque vous avez ciblé les « emplois » d’avenir. Je fais attention maintenant : c’est que j’en suis déjà à quatre euros !
Les emplois d’avenir, donc, sont réservés au secteur non marchand, qui serait seul apte à accueillir des jeunes non qualifiés. Cela laisserait entendre que le secteur marchand ne peut pas aider à leur insertion, ce qui est faux. En effet, des entreprises d’insertion fonctionnent extrêmement bien et la Cour des comptes le montre assez clairement ; je n’y reviens donc pas.
Ils sont ouverts aux entreprises d’insertion !
Pas complètement ! On peut en discuter, j’avais déjà déposé des amendements sur ce sujet.
Quant aux contrats de génération, ils sont réservés au secteur marchand, mais bien évidemment dans une enveloppe extrêmement contrainte. Ce qui est un peu gênant, en tout cas pour les grandes entreprises, c’est ce dispositif assez lourd de contrôle a priori qui éloigne beaucoup la formule d’un contrat de confiance qui serait passé entre les pouvoirs publics et les entreprises. Nous déposerons donc aussi des amendements pour alléger ce dispositif et passer plutôt à des contrôles a posteriori.
Vous aurez du mal, je le sais, à revenir sur les fondements politiques de ce dispositif. C’est dommage, car les emplois d’avenir et les contrats de génération, orientés vers le secteur marchand, auraient vraiment pu être complémentaires.
Les premiers correspondent bien aux besoins des petites et moyennes entreprises, tandis que les seconds, au contraire, semblent mieux calibrés pour les grands groupes ou, à l’opposé, pour les très petites entreprises, notamment dans le cadre de ces transmissions d’activité qui se passent souvent si mal dans notre pays.
En allant plus loin, n’aurait-il pas été plus intéressant et plus productif de cibler spécifiquement les secteurs d’activité exposés à une perte de compétence, comme le recommande le Conseil économique, social et environnemental ?
En résumé, pour que les deux dispositifs en question produisent des effets vertueux, il faudrait, selon nous, que soient réunies trois conditions : qu’ils bénéficient prioritairement aux jeunes les plus éloignés de l’emploi ; qu’ils garantissent une formation diplômante et qualifiante – je rappelle que nous défendrons des amendements en ce sens ! – et qu’ils leur ouvrent les portes du secteur productif.
Cela me conduit, de manière plus succincte, à ma seconde critique de votre politique de l’emploi : vous conservez une vision malthusienne de l’emploi et une approche conjoncturelle du chômage.
Il faut tout de même que nous nous posions la question : pourquoi une entreprise ne crée-t-elle pas d’emploi ? Pour la simple raison qu’elle n’a pas de commande et donc pas nécessairement la certitude qu’elle pourra durablement assumer le coût de ce salarié !
Une politique de l’emploi ne partage pas le travail, elle cherche à le créer.
S’agissant du coût du travail, vous connaissez le discours, mais j’y reviens quand même, car cela fait du bien !
Sourires.
Messieurs les ministres, vous vous êtes privés des réductions de charges et de la « TVA compétitivité ». C’est dommage, nous en avions déjà assumé l’impopularité !
Même si elles étaient insuffisantes, ces deux mesures étaient nécessaires pour alléger la fiscalité pesant sur le travail et réformer le financement de la protection sociale. Vous avez dû, in fine, créer le CICE, qui est très limité et trop tardif dans le temps, puisqu’il ne s’appliquera pleinement qu’en 2014.
Surtout, vous affirmez votre volonté de financer ce nouveau dispositif des contrats de génération par le CICE. Or, à l’origine, ce crédit d’impôt devait servir à favoriser la recherche, l’investissement, la compétitivité et donc l’emploi à long terme.
À la limite, nous aurions été extrêmement satisfaits que vous envisagiez un deuxième plan d’investissements d’avenir ou que vous fixiez un objectif à terme contraignant de dépenses d’investissement et de recherche pour les acteurs publics, notamment les collectivités. Mais ces critiques-là, vous les connaissez. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles.
En conclusion, nous sommes réservés sur les fondements de votre politique de l’emploi. Mais il n’est pas question de nous opposer par principe à un dispositif destiné à aider les jeunes et les salariés les plus en difficulté. Aussi, pour déterminer son vote, le groupe UDI-UC attendra-t-il l’issue des débats, notamment s’agissant du sort qui sera réservé à ses amendements sur la formation.
Faute d’une amélioration dans ce sens et d’un meilleur ciblage du dispositif, nous craignons que les contrats de génération ne constituent pas une réponse durable à une difficulté qui, elle, l’est !
Je voulais terminer sur ce point. Je n’ai pas épuisé tout mon temps de parole, mais sans doute ai-je épuisé votre attention…
Les jeunes n’ont que faire des vieilles postures idéologiques sur le partage du travail, des oppositions stériles entre public et privé, entre néoclassiques et néokeynésiens. Comme les seniors, ils nous demandent de faire preuve d’un peu de pragmatisme, d’éviter de nous envoyer à la figure, comme cela se fait dans d’autres hémicycles, des mots définitifs et des certitudes péremptoires. Ce sont les valeurs que notre groupe UDI-UC défendra au cours de cette discussion.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’occasion de la présentation de ses vœux aux Français, le Président de la République, sans occulter les difficultés rencontrées par notre pays et par nos concitoyens, a souhaité insister sur les priorités qui guideront l’action du Gouvernement en 2013.
« Voilà, le cap est fixé : tout pour l’emploi, la compétitivité et la croissance. » Et il ajoutait : « Ce cap sera tenu. Contre vents et marées. Je n’en dévierai pas. Non par obstination, mais par conviction. C’est l’intérêt de la France. »
Depuis son entrée en fonction, le Gouvernement a fait du combat pour l’emploi sa priorité. C’est dans cette perspective que doivent être appréhendés les textes que le Parlement a déjà votés : loi portant création des emplois d’avenir et loi de finances rectificative pour 2012, qui crée le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
Avant d’entrer dans l’examen au fond des principales dispositions de ce projet de loi, permettez-moi de revenir sur la méthode qui a prévalu à son élaboration. Elle constitue selon moi une avancée majeure, qu’il faut souligner.
Sans retracer la genèse du contrat de génération, je rappellerai néanmoins qu’elle est née de la volonté de François Hollande, qui la défendit dès la campagne des primaires citoyennes, avant de l’intégrer logiquement dans son programme présidentiel.
Mes chers collègues, le texte dont nous débattons ce soir est en outre le fruit d’un processus entamé lors de la grande conférence sociale qui s’est tenue les 9 et 10 juillet 2012. Cette dernière a marqué le début de négociations entre les partenaires sociaux, qui, sous l’égide du Gouvernement et, en particulier, de Michel Sapin, sont parvenus à un accord national interprofessionnel le 19 octobre dernier, et ce – j’insiste sur ce point – à l’unanimité des organisations représentatives.
Cet accord n’est évidemment pas le premier, mais il illustre la volonté de l’exécutif d’associer les partenaires sociaux à l’élaboration des grands chantiers du quinquennat, le texte initial du Gouvernement reprenant très largement les termes de l’accord.
C’est la même méthode qui a été utilisée s’agissant de la sécurisation des parcours professionnels : elle a abouti le 11 janvier 2013 à un autre accord national interprofessionnel, qui donnera lieu à un texte de loi dont nous débattrons prochainement.
Reconnaissez-le, mes chers collègues, cette approche constitue une indubitable rupture par rapport à celle qui fut privilégiée par le précédent exécutif.
Loin de penser que cette façon de procéder rogne sur les prérogatives des assemblées, j’estime au contraire qu’une telle démarche enrichit notre travail, dans la mesure où notre institution conserve la possibilité d’améliorer le texte, dans l’esprit de l’accord.
Venons-en au diagnostic ayant présidé à la création de ce dispositif. Il repose sur le double constat mis en lumière par l’étude des statistiques relatives à l’emploi, qui montrent une nette inflexion de la courbe du taux d’activité chez les 15-24 ans et les 55-64 ans.
Ce constat, connu de longue date, est partagé sur l’ensemble des travées de notre assemblée. Le phénomène s’est même amplifié en ces années de crises, avec son lot de retraites anticipées pour les uns et de chômage ou de contrats précaires pour les autres.
Les chiffres sont éloquents : atteignant selon l’INSEE 25 % au troisième trimestre 2012, soit un jeune sur quatre, le taux de chômage des 15-24 ans est 2, 5 fois supérieur à celui de l’ensemble de la population.
L’emploi des jeunes est, depuis au moins une trentaine d’années, une inquiétude pour les gouvernements successifs, qui ont multiplié les dispositifs en sa faveur.
Nous le savons, les difficultés rencontrées par les jeunes pour s’insérer dans le marché du travail, outre leurs aspects économiques et sociaux, ont une dimension symbolique. Elles interrogent notre société sur sa capacité à offrir à ses enfants un avenir meilleur que celui de leurs parents.
C’est ainsi que, dès 1977, Raymond Barre, alors Premier ministre, prit les premières mesures en faveur du travail des jeunes. S’ensuivit une succession de sigles et autres acronymes derrières lesquels se cachaient autant de dispositifs qui connurent plus ou moins de succès : les TUC, les CIE ou les CPE...
Par ailleurs, à l’autre bout du monde du travail, les travailleurs âgés sont également confrontés, à partir de cinquante-sept ans, à une baisse de leur taux d’activité. D’où la nécessité de mener une politique de l’emploi spécifique à destination des salariés âgés, afin de faire disparaître les périodes d’inactivité forcée auxquelles ils peuvent être confrontés dans les dernières années de leur vie professionnelle et de relever, dans la lignée des orientations établies au niveau européen, leur taux d’emploi.
Longtemps, les politiques de l’emploi ont appréhendé de manière distincte ces formes de chômage et ces faibles taux d’activité. Il a même parfois été considéré que les travailleurs âgés devaient laisser leur place et leur travail aux jeunes. Une des innovations majeures de votre texte, monsieur le ministre, est d’associer les deux extrémités de la pyramide des âges du monde du travail, là où on se contentait auparavant de les opposer.
Outre la méthodologie, l’autre nouveauté introduite par ce projet de loi est en effet le postulat selon lequel le maintien dans l’emploi des travailleurs âgés n’est pas un frein à l’entrée des jeunes dans le monde du travail.
Mieux, le texte du projet de loi lie les deux générations par le biais de la transmission des savoirs et des compétences.
En octobre 2010, lors de l’examen par notre assemblée du texte portant réforme des retraites, notre groupe avait déposé un amendement qui préfigurait une telle alliance des générations. Nous avions en effet proposé l’introduction d’un article visant à inciter le développement de la fonction de tuteur, exercée par des salariés de cinquante-cinq ans ou plus, pour participer à la formation de jeunes embauchés en contrat de professionnalisation. Le dispositif ainsi proposé différait quelque peu du contrat de génération, car, avec le contrat de professionnalisation, il concernait un contrat aidé – ce que n’est pas le contrat de génération –, mais l’idée de retisser le lien entre les générations autour d’une transmission d’expérience était déjà bien là.
Nous fondant sur les conclusions du rapport très complet de notre collègue Christiane Demontès, nous pouvons dire qu’une telle articulation sera une première en Europe.
Mes chers collègues, l’un des enjeux des contrats de génération a concerné la définition des publics éligibles. S’agissant du versant « jeunes », la limite d’âge a été fixée à vingt-six ans. À la différence des emplois d’avenir, aucune limite en termes de diplômes n’est fixée, ce qui correspond aux différents publics visés par ces deux mécanismes. Nous avons tiré les enseignements des emplois jeunes : pensés initialement pour les jeunes peu ou pas diplômés, ils furent largement mobilisés pour l’embauche de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur.
Outre le fait de donner un « coup de pouce » à l’embauche d’un jeune, le principal atout du dispositif est de permettre que les moins de vingt-six ans, plutôt habitués aux contrats courts, stages et autres contrats à durée déterminée, CDD, puissent être embauchés en contrats à durée indéterminée, CDI. C’est un réel progrès, alors même que les jeunes constituent la tranche d’âge la plus touchée par les emplois précaires.
Le groupe radical avait souhaité déposer un amendement visant à étendre l’âge limite du dispositif au profit des jeunes diplômés ayant obtenu un doctorat. Ces derniers, parce qu’ils ont mené des études approfondies, entrent plus tardivement sur le marché du travail. De surcroît, en dépit du niveau de leurs études, ils peuvent éprouver des difficultés pour s’insérer. C’est la raison pour laquelle nous proposions qu’ils puissent être éligibles aux contrats de génération jusqu’à la veille de leurs trente ans. Je regrette que ledit amendement ait été frappé d’irrecevabilité.
Les travailleurs âgés, eux, pourront être concernés par les contrats de génération à partir de cinquante-sept ans, âge à partir duquel le taux d’activité chute. Il s’agit d’un outil important pour le maintien dans l’emploi. Nous connaissons en effet les grandes difficultés rencontrées par ces personnes, qui sont dans la quasi-impossibilité de retrouver un emploi après un licenciement.
Comme le Gouvernement en a pris l’habitude, un volet du projet de loi concerne plus spécifiquement les personnes handicapées, qui peuvent bénéficier des contrats de génération jusqu’à trente ans et à partir de cinquante-cinq ans.
En étudiant les dispositifs mis en place en direction des entreprises, on constate qu’il existe non pas un mais plusieurs contrats de génération.
Pour les entreprises de moins de cinquante salariés et celles qui comptent entre cinquante et trois cents salariés, la prime de 4 000 euros par an – 2 000 euros pour l’emploi d’un jeune et autant pour le maintien d’un senior – constitue une véritable aide à l’embauche.
Pour les entreprises moyennes, cette aide sera subordonnée à un accord « intergénérationnel » dans l’entreprise ou dans la branche. Elle ne permettra évidemment pas à elle seule de justifier une embauche, mais elle aidera les petites et moyennes entreprises qui hésitent à recruter à franchir le pas, de surcroît en offrant un CDI, puisqu’elle permet une baisse d’environ 20 % du coût du travail pour un salarié rémunéré au SMIC.
Par ailleurs, il faut souligner le dispositif plus spécifique des contrats de génération destinés à la transmission d’entreprise, notamment des TPE ou des entreprises artisanales. On sait en effet que la période de la transmission est souvent source de turbulences et d’incertitudes. Un chiffre interpelle : 63 % des sociétés artisanales ne sont pas reprises lors d’un départ à la retraite. Avec le contrat de génération, on permet donc un accompagnement et une transmission en douceur.
Pour les entreprises plus grandes, de plus de trois cents salariés, les partenaires sociaux en sont tombés d’accord, les contrats de génération n’ouvriront pas droit à une aide. Ils devront faire l’objet d’un accord collectif d’entreprise ou d’un plan d’action. Ainsi, le dialogue social, mis à contribution pour l’élaboration de la loi, le sera également lors de sa mise en œuvre. En cas d’absence d’accord collectif ou de plan d’action, une pénalité pourra s’appliquer.
Ce faisant, le coût des contrats de génération sera contenu. Il est néanmoins estimé à 880 millions d’euros, à vitesse de croisière, à l’horizon 2016, pour un nombre de contrats d’environ 500 000. Leur financement sera intégré au pacte de compétitivité, mais n’entamera pas l’enveloppe allouée au CICE.
Eu égard au caractère novateur du dispositif et à la nécessité de procéder à son évaluation, l’Assemblée, nationale a amendé le texte du Gouvernement, y ajoutant un article 6. Celui-ci prévoit que, chaque année, à compter du 30 juin 2014, le Gouvernement déposera un rapport au Parlement sur la mise en œuvre du contrat de génération.
Cet article tend à imposer un suivi de l’état d’application et de l’efficacité des dispositifs du projet de loi, ainsi que du nombre d’emplois créés. Notre rapporteur a fait adopter, lors de l’examen du texte en commission, un amendement visant à étendre cette analyse aux bornes d’âge.
Des modalités de modification de la loi sont également prévues trois ans après l’entrée en vigueur du présent texte. Nous aurons, à ce moment-là, l’occasion de revenir sur son ratio coût-efficacité.
Disons-le clairement, mes chers collègues, les contrats de génération, à eux seuls, ne permettront pas de faire baisser tendanciellement le chômage dans notre pays, mais nous devons considérer qu’ils s’inscrivent dans un ensemble de dispositifs de lutte pour la compétitivité, la croissance et l’emploi.
Le futur débat sur la traduction législative de l’accord du 11 janvier dernier sera la prochaine étape de cette « bataille pour l’emploi », pour reprendre le vocable du ministre lui-même.
Mais d’autres chantiers ont été lancés ou s’ouvriront dans les prochains mois. Je pense notamment à une véritable réforme de la formation professionnelle.
Au cours de l’examen du présent texte en commission, M. Repentin, ministre délégué à la formation professionnelle, a précisé que le contrat de génération prenant la forme d’un CDI ouvrirait l’accès au plan de formation de l’entreprise. Ce secteur, toutefois, ne pourra pas faire l’économie d’une vaste remise en question.
Je pense enfin au pacte pour l’artisanat, présenté en conseil des ministres le 23 janvier dernier. « Sept enjeux stratégiques » y sont mis en avant. Nous pouvons citer les deux premiers, qui entrent en résonance avec les thématiques dont nous débattons aujourd’hui : il s’agit, d’une part, de faciliter la reprise d’entreprise et la transmission des savoir-faire et, d’autre part, d’inciter les jeunes à s’orienter vers les filières de l’artisanat et de renforcer l’attractivité de ces métiers parfois méconnus ou confrontés à des pénuries de main-d’œuvre.
Mes chers collègues, au cours de la discussion des articles, notamment de l’article 1er, le groupe du RDSE vous proposera d’apporter quelques améliorations au texte transmis par la commission. Mais, à ce stade, nous ne pouvons que constater que ce projet de loi porte la marque du pragmatisme et du bon sens. L’idée d’allier les générations était séduisante ; sa mise en œuvre, qui associe l’ensemble des partenaires sociaux, est adaptée en fonction des différentes tailles des entreprises, afin d’éviter au maximum les effets d’aubaine.
Pour ces raisons, les sénateurs radicaux de gauche et la majorité du groupe RDSE apporteront naturellement leur appui à ce texte. Ils soutiendront aussi, et de manière forte, le Gouvernement dans son combat pour la compétitivité, la croissance et l’emploi.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, ce soir, nous débattons du projet de loi portant création du contrat de génération, c'est-à-dire du trente-troisième engagement du candidat François Hollande, devenu Président de la République.
Afin de faire plaisir au groupe UMP, …
… permettez-moi de rappeler les termes de cet engagement : « Je proposerai un contrat de génération pour permettre l’embauche par les entreprises, en contrat à durée indéterminée, de jeunes, accompagnés par un salarié plus expérimenté, qui sera ainsi maintenu dans l’emploi jusqu’à son départ à la retraite. Ce “tutorat” permettra de préserver des savoir-faire et d’intégrer durablement les jeunes dans la vie professionnelle. »
Lors de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, le Président de la République a proposé aux partenaires sociaux, dans son discours inaugural, de négocier sur ce type de contrat.
De fait, ce texte s’inscrit dans la bataille pour l’emploi que mène le Gouvernement depuis mai 2012.
Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, c’est une belle idée, n’en déplaise à Mme Debré, car il vient en appui de l’alternance et de l’apprentissage, dont il est le complément.
La situation de l’emploi est, en effet, particulièrement préoccupante. Le chômage atteint un niveau historiquement élevé. La réalité est cruelle : la barre des trois millions de chômeurs a été dépassée, soit près de 10 % de la population active.
La responsabilité politique de l’actuelle opposition est écrasante.
Ce sont toujours les mêmes catégories sociales, les mêmes classes d’âges et, souvent, les mêmes territoires qui sont touchés.
Le texte dont nous débattons fait suite au projet de loi sur les emplois d’avenir, qui permet de remettre le pied à l’étrier à des jeunes avec peu ou pas de qualification.
Le principe du dispositif est simple : inciter, à travers une aide publique, les entreprises à embaucher un jeune tout en maintenant un senior dans l’emploi.
Sa force réside dans le fait qu’il est issu du dialogue social, remis à l’ordre du jour par notre gouvernement, messieurs les ministres.
En seulement un mois de discussions, syndicats et patronat sont parvenus à un accord sur la mise en œuvre des contrats de génération. Le Gouvernement avait fixé le cahier des charges et les partenaires sociaux ont précisé le dispositif.
La chose est suffisamment rare pour être soulignée : le projet de loi est la transcription d’un accord national signé par les cinq confédérations syndicales de salariés et les organisations d’employeurs.
Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.
Cette méthode mérite d’être saluée et encouragée, car elle est exemplaire. Elle reste porteuse d’avenir !
Le projet de loi apporte une réponse forte à ce qui est l’une des plaies récurrentes de notre marché du travail depuis de trop nombreuses années : le chômage excessif des jeunes et des seniors.
Son originalité, sa spécificité réside en effet dans le fait qu’il allie les âges : les jeunes et les seniors. Ce sont eux les premières victimes de la crise que nous traversons et de la précarisation accrue du marché du travail.
Aux deux extrémités de la pyramide des âges, l’accès à l’emploi est parsemé de multiples obstacles que, jusqu’à présent, les dispositifs imaginés ne sont pas parvenus à lever.
Dans les deux cas, c’est bien la question de l’utilité sociale qui se pose. Comment se sentir utile à notre société ? Comment avoir le sentiment d’en être un véritable acteur ?
Mes chers collègues, nous le savons tous, le fait d’avoir un emploi conditionne toute une vie : la capacité à acquérir un logement, à fonder une famille, à participer aux frais de scolarité ou d’études de ses enfants.
Avoir un emploi conditionne aussi le regard que les autres, en particulier les proches, portent sur votre situation.
C’est en ce sens aussi que le contrat de génération propose un changement de regard.
Les réponses pour relever le défi du chômage, mes chers collègues, ne peuvent provenir que de la politique de l’emploi et de la politique économique générale.
J’évoquais précédemment les emplois d’avenir. Lors du débat, à cette tribune, j’avais formulé le regret que ces emplois ne soient pas comptabilisés dans les effectifs de l’entreprise. Leur prise en compte aurait sans doute contribué à une meilleure insertion des jeunes dans le monde du travail et de l’entreprise.
Aussi, je me réjouis qu’il n’en soit pas de même pour les contrats de génération, en raison de la nature même de ces contrats, qui sont des CDI.
Lors de la discussion sur les emplois d’avenir, nous avons tous fait le même constat : l’emploi des jeunes est particulièrement préoccupant et la situation de ces derniers est alarmante.
Songez, mes chers collègues, qu’un jeune actif sur quatre est au chômage et que près de 120 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme !
Il s’agissait donc d’offrir une première expérience professionnelle réussie à une jeunesse souffrant d’un manque de formation.
Pour autant – et je l’ai souligné lors d’un récent débat –, il ne faut pas oublier les difficultés spécifiques rencontrées par un certain nombre de jeunes diplômés.
Selon l’Association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, l’AFIJ, près d’un tiers de ces jeunes diplômés de l’année 2011 n’ont occupé aucun poste depuis la fin de leurs études.
De plus, il convient de noter que 42 % de ceux qui étaient employés l’étaient au titre d’un contrat précaire, c’est-à-dire au titre d’un contrat à durée déterminée ou d’une mission d’intérim de moins de six mois.
Nous constatons ici la précarisation des jeunes, diplômés ou non, qui oscillent entre des périodes de chômage et d’emploi, des emplois qu’ils qualifient eux-mêmes d’« alimentaires ».
La moitié des salariés embauchés en contrat à durée déterminée, en stage ou en apprentissage, ont moins de vingt-neuf ans. En outre, les jeunes servent régulièrement de variable d’ajustement des effectifs en périodes de crise.
Dans ce domaine comme dans d’autres, le précédent gouvernement a failli. Aussi fallait-il renouer le dialogue avec les partenaires sociaux, les régions, élaborer des stratégies de confiance pour redonner à la jeunesse une vision plus positive et moins sombre de l’avenir, de son avenir.
La situation n’était plus admissible, car ce sont les jeunes, avec les seniors, qui grossissent les cohortes de chômeurs.
Venons-en maintenant à la seconde problématique, l’emploi des seniors.
En France, leur taux d’activité, environ 40 %, est l’un des plus faibles d’Europe, contre 70 % en Suède et 57 % au Royaume-Uni. Nous restons très en deçà de l’objectif des 50 % qui avait été fixé par la stratégie de Lisbonne pour 2010.
Mal aimés des entreprises, les seniors sont souvent écartés des plans d’évolution de carrière, voire poussés vers la sortie. Jean Desessard l’a très bien démontré tout à l’heure.
Pourtant, l’emploi des seniors est crucial, car de moins en moins de salariés ont suffisamment cotisé pour prendre leur retraite à l’âge légal.
Il n’en demeure pas moins que, d’après une récente étude de France Retraite et d’Add’if, qu’a citée Isabelle Debré, près de la moitié des directeurs de ressources humaines ont pour priorité l’emploi de seniors.
Mes chers collègues, nous ne pouvons que nous réjouir de cette prise de conscience. Encore faut-il, me direz-vous, la traduire en actes. Le contrat de génération constitue une réponse adaptée qui favorisera, chers collègues de l’opposition, le maintien des seniors au sein de leur entreprise.
Paul Bourget écrivait ceci : « Vérité sociale profonde : il n’y a d’accroissement de la force d’un pays, que si les efforts des générations s’additionnent ».
Les politiques publiques en faveur de l’emploi des seniors se sont, au fil des années, accumulées, avec plus ou moins de succès, il faut le reconnaître. L’une des dernières en date, à savoir les « accords seniors », initiés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, instituait l’obligation de négocier un accord d’entreprise ou de branche sur l’emploi des seniors sous peine de se voir infliger une pénalité représentant 1 % de la masse salariale.
Si les 34 200 plans d’action et accords d’entreprise et les 90 accords de branche semblent attester la réussite du dispositif, en réalité, le bilan, sur le fond, est plus beaucoup plus contrasté. Ces accords n’ont, en effet, que rarement pris en compte la gestion des âges au sein de l’entreprise.
Le texte qui nous est proposé répond à un double objectif : encourager l’emploi de la jeunesse, dont le taux de chômage atteint presque 25 % et pour laquelle trois quarts des embauches sont précaires, sans pour autant marginaliser les seniors, qui se voient parfois licencier aux portes de leur retraite et sans espoir de retour à l’emploi.
Dans ses modalités, il prévoit que toute entreprise qui signe un contrat de ce type avec un jeune de moins de vingt-six ans, ou de trente ans s’il est en situation de handicap, et s’engage à maintenir dans l’emploi un salarié de plus de cinquante-cinq ans bénéficiera en contrepartie d’une aide financière.
De ce fait, et vous serez tous d’accord avec moi, mes chers collègues, les enjeux et les défis ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit d’une petite entreprise familiale, d’une PME ou d’une grande entreprise. C’est pourquoi le dispositif prévoit des modulations en fonction de la taille des entreprises.
Le contrat de génération est porteur d’une innovation pour la transmission des petites entreprises et le maintien du tissu économique. Le principe est qu’un contrat pourra être conclu par un chef d’entreprise de cinquante-sept ans et plus, embauchant un jeune en CDI en vue de lui transmettre son entreprise.
Cette possibilité est particulièrement adaptée aux petits artisans qui n’ont pas d’héritier ni de repreneur. Elle répond à un vrai besoin économique. Je peux en témoigner, plusieurs artisans costarmoricains m’ayant fait part de leur intérêt pour cette disposition.
Vous le voyez, madame Debré, la majorité n’est pas hostile aux entreprises !
Oui, mes chers collègues, nous devons enfin parvenir à inverser la courbe du chômage, car le parcours d’un salarié est rythmé par toute une série de difficultés qu’il se doit de contourner : multiplier les petits emplois avant de décrocher un emploi stable, connaître des périodes de chômage, le rallongement de l’âge de la retraite, les baisses de rémunérations, etc.
Les répercussions sur le plan social de ces parcours, de ces vies actives plus que chaotiques, sont souvent dramatiques.
Bien sûr, nous en sommes tous persuadés, la politique de lutte contre le chômage ne pourra se résumer au seul contrat de génération. D’autres dispositifs devront venir se greffer pour enrichir et consolider notre action déterminée dans la bataille de l’emploi.
Cette politique de lutte contre le chômage relève aussi de la mobilisation de chacun et nécessite l’activation de multiples leviers.
En ce domaine comme dans bien d’autres, il ne faut jamais renoncer, jamais se priver d’imagination. Et, en la matière, le contrat de génération est un outil innovant et pertinent.
Ce pacte intergénérationnel constitue un dispositif ambitieux, indispensable, qui doit amener les entreprises à mettre en place une véritable dynamique de gestion active des âges.
Dans la panoplie des moyens disponibles pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes, le contrat de génération tiendra donc une place de choix aux côtés des emplois d’avenir.
Notre pays se prive trop souvent de compétences et de ressources en maintenant les jeunes et les seniors à l’écart de l’emploi. Le contrat de génération a une vocation résolument transgénérationnelle en incitant à l’emploi des jeunes dans les entreprises.
Comme le disait Marcel Aymé, « Peut-être le décalage entre générations est-il beaucoup plus dans la forme que dans le fond »…
Le contrat de génération s’adaptera à la situation de chaque entreprise en faisant une large place au dialogue social dans sa mise en œuvre.
Des modalités adaptées à la taille des entreprises sont ainsi prévues. Les entreprises de trois cents salariés et plus devront négocier des engagements portant sur l’embauche et l’intégration des jeunes dans l’entreprise, l’emploi des seniors et la transmission des compétences, sous peine d’être soumises à une pénalité.
Les entreprises de moins de trois cents salariés pourront par ailleurs bénéficier d’une aide lorsqu’elles embaucheront en contrat à durée indéterminée un jeune de moins de vingt-six ans et maintiendront dans l’emploi un senior de cinquante-sept ans et plus.
Pour les entreprises dont l’effectif est compris entre cinquante et trois cents salariés, qui se trouvent dans une situation intermédiaire, le bénéfice de l’aide sera subordonné à la recherche d’un accord collectif.
On le voit, le contrat de génération allie le soutien à la compétitivité et le développement des compétences à la nécessaire inclusion des jeunes et des seniors dans l’emploi.
La transmission des savoirs et des compétences dans l’entreprise peut recouvrir des modalités diverses selon les caractéristiques propres de l’entreprise. Citons parmi celles-ci le binôme d’échange de compétences entre salariés, la mise en place d’un référent et des conditions d’accueil du jeune par celui-ci, l’organisation de la pluralité des âges au sein des équipes de travail et l’organisation de la charge de travail du référent.
Le contrat de génération vise à changer le regard sur les âges, à infléchir les pratiques des entreprises et à refaire enfin du contrat à durée indéterminée la norme.
Il est à noter, mes chers collègues, une réalité, une aberration. En effet, plus la taille de l’entreprise augmente et plus la proportion d’embauches de jeunes en CDI diminue.
Le contrat de génération propose un pacte entre les générations afin de maintenir dans l’emploi les cinq millions de salariés dits « âgés » qui partiront à la retraite d’ici à 2020 et de faciliter l’entrée dans la vie active de six millions de jeunes.
Après une montée en charge progressive la première année, environ 100 000 contrats de génération pourraient faire l’objet d’une aide chaque année, soit 500 000 en cinq ans.
Ce dispositif sera financé par des crédits budgétaires, dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Le coût total est estimé à 900 millions d’euros sur trois ans et plus de 400 millions d’euros seront consacrés aux petites entreprises.
Contrairement aux emplois d’avenir, ce contrat de génération s’adresse à tous les jeunes et à toutes les entreprises.
Je dirai un mot de l’article 5 bis de ce projet de loi, qui prévoit d’augmenter le nombre des inspecteurs du travail. En effet, 15 % des contrôleurs pourront devenir inspecteurs. Or certains syndicats redoutent l’extinction du corps des contrôleurs du travail alors qu’ils réclament une vraie reconnaissance de ce corps et non son extinction.
Cet article, inséré par l’Assemblée nationale, semble susciter quelques inquiétudes. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser vos réflexions pour adapter l’inspection du travail au nouveau contexte économique et social auquel elle est confrontée ?
Nous sommes tous d’accord pour déplorer le véritable gâchis en termes d’emploi que nous connaissons aujourd’hui. Alors, oui, messieurs les ministres, il était urgent de prendre la question de l’emploi des jeunes et des seniors à bras-le-corps.
Mes chers collègues, c’est à cette tâche que le Gouvernement s’est attelé et c’est avec enthousiasme que le groupe socialiste lui apportera son entier soutien.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le ministre, je reviens quelques semaines en arrière lorsque, à l’occasion du débat sur les fameux emplois d’avenir, le groupe UMP vous avait demandé d’ouvrir ce dispositif au secteur marchand. Vous nous aviez alors répondu : attendez la discussion du projet de loi portant création du contrat de génération, vous aurez la réponse et vous ne serez pas déçus !
Il est bien évident que toute mesure qui peut contribuer à lutter contre le fléau du chômage, surtout si elle concerne les deux extrémités de la pyramide des âges, ne peut qu’être intéressante et doit être encouragée, si elle est efficace.
Malheureusement, force est de constater que l’espoir que vous aviez fait naître dans nos esprits est aujourd’hui déçu. Pour ma part, comme de nombreux collègues de mon groupe, je considère que ce dispositif est fragmentaire, compliqué et coûteux.
Plutôt que de paraphraser les propos d’Isabelle Debré, je centrerai mon propos sur deux des griefs principaux que l’on peut formuler contre ce texte.
En premier lieu, contrairement à ce que le titre d’appel pourrait laisser croire, le projet de loi ne vise pas à instituer un tutorat direct. Tout à l’heure, un de nos collègues a cité les propos que le Président de la République a tenus au cours de la campagne électorale, mais il a oublié de préciser que le candidat avait alors déclaré que le senior devrait consacrer entre un tiers et un quart de son temps aux plus jeunes. Or, dans le contrat qui nous est proposé, s’il y a bien une corrélation entre la création quantitative d’un emploi jeune et d’un emploi senior, il n’y a pas de lien direct de tutorat pour transmettre le savoir.
En second lieu, il suffit d’écouter les interventions des uns et des autres ou de lire les amendements qui ont été déposés par la majorité pour constater que le dispositif est assorti de contraintes administratives et financières considérables : il n’est question que d’interdiction, de pénalité, d’évaluation, de contrôle, ce contrôle qu’exerceront bientôt les contrôleurs du travail qui seront devenus inspecteurs. D’un côté, on ouvre un certain nombre de dispositifs aux entreprises mais, dans le même temps, tout est fait pour leur mettre des bâtons dans les roues, parce que malheureusement, il faut bien le constater, il semblerait que, dans vos esprits, toute entreprise, tout entrepreneur soient a priori suspects.
Non, monsieur le ministre, je suis parfaitement lucide, c’est ce que je ressens à l’écoute de vos propos ! Je n’ai pas voulu compter le nombre de fois où le mot « pénalité » a été prononcé, mais le résultat aurait sans doute été intéressant. Les amendements du groupe UMP auront notamment pour objet de corriger un peu le tir.
J’en viens à l’aspect financier, qui a été évoqué tout à l’heure. Je commencerai par une question, monsieur le ministre. Peut-être ai-je mal entendu, mais vous avez évalué à 500 000 le nombre d’emplois concernés. J’ai cru entendre que le coût serait de un milliard d’euros tous les ans, mais je crois comprendre qu’il sera de un milliard d’euros sur cinq ans, si je me fie à un calcul simple : 500 000 emplois pour un coût de 2 000 euros par emploi. J’attends que vous me répondiez sur ce point.
M. Michel Sapin, ministre. Nous ferons une règle de trois tous les deux !
Sourires.
M. Jean-Noël Cardoux. Vous m’expliquerez, parce que j’ai souvent du mal à compter.
Nouveaux sourires.
Mme Jouanno a abordé tout à l’heure le problème de la fiscalité. Nous vous avions demandé, monsieur le ministre, si la somme allouée aux entreprises serait comprise dans la base imposable au titre de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu. Vous n’avez pas répondu.
Vous nous la donnerez. Pour ma part, j’ai tendance à répondre par l’affirmative. En effet, le code général des impôts est très explicite. Tout produit exceptionnel – c’est le cas ici – doit être compris dans la base imposable, sauf si une disposition expresse l’en dispense. Là encore, j’attends votre réponse avec impatience.
Je me livrerai maintenant à un petit calcul. Supposons que le taux soit de 30 %, les 2 000 euros ne font plus alors que 1 400 euros ! Si l’on fait une comparaison avec à un salaire normal, soit environ 1 500 euros par mois pour un jeune qui débute, on se rend compte que l’avantage pour nos entreprises serait compris entre 8 % et 10 % du salaire, et même plutôt 8 %. Et la mesure va coûter un milliard d’euros à l’État !
Je considère pour ma part que d’autres solutions pouvaient s’intégrer dans un système centré sur le développement de la compétitivité des entreprises. L’une d’elles a été évoquée tout à l’heure, mais j’y reviens, car c’est mon cheval de bataille : il s’agit de la fameuse « TVA compétitivité », que vous avez abrogée il y a peu, mais que vous réintroduisez timidement en loi de finances pour des questions d’équilibre budgétaire.
Un jour ou l’autre, il faudra sauter le pas, car cette taxe permettrait de financer des exonérations, des réductions de charges sur les salaires comprises entre 5 % et 6 % selon les taux retenus, sans que cela coûte un sou à l’État.
On nous oppose souvent l’argument que cette taxe freinerait la consommation et pénaliserait les consommateurs. Je réponds, comme je l’ai déjà fait, par la négative, car il est possible de pratiquer des taux sélectifs : des taux bas pour les produits de consommation courante et de première nécessité, des taux élevés, pouvant aller jusqu’à 25 %, pour les produits haut de gamme ou de luxe, voire pour les produits que l’on voudrait retirer du marché du fait, par exemple, de leur effet négatif sur l’environnement.
Cette taxe est la seule solution. Certains d’entre vous l’ont d’ailleurs admis. Quelques pays l’ont appliquée. Je sais que toute référence à l’ancien gouvernement fait pousser des hurlements aux membres de la majorité, néanmoins, je considère que c’est la seule solution possible.
Je souhaite que l’on remette un jour la TVA-compétitivité sur le tapis. Si vous le faisiez, nous serions prêts à vous soutenir, vous ou vos successeurs. C’est le seul moyen à notre disposition pour infléchir de manière importante le coût du travail dans notre pays.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, avec la discussion du projet de loi instaurant le contrat de génération nous sommes, j’en suis convaincue, à un moment important de la présente mandature.
On a trop souvent tendance, dans notre pays, à opposer les générations entre elles. Voilà un texte qui a pour ambition de faciliter l’insertion des jeunes en s’appuyant sur l’expérience des seniors qui, par le biais d’une vraie mission de passage de témoin, pourront quitter progressivement le monde professionnel.
J’ai été déléguée syndicale et je reste au plus profond de moi-même une syndicaliste convaincue de la nécessité et de la primauté du dialogue social.
Comment ne pas se réjouir que le texte qui nous est soumis résulte d’un accord social, conclu sous l’impulsion du Gouvernement? Les partenaires sociaux, à la suite de la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, ont en effet signé à l’unanimité l’accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012 relatif au contrat de génération. Le projet de loi en reprend l’essentiel et fait une très large place à la négociation d’entreprise et de branche.
Je verrai aussi comme élément de satisfaction le fait que ce texte a fait l’objet, à l’Assemblée nationale, d’un débat riche et constructif, débouchant sur un soutien qui va au-delà de la majorité parlementaire. J’espère qu’il en sera de même ici, au sein de la Haute Assemblée. Un tel sujet ne devrait-il pas nous rassembler, comme il a rassemblé les partenaires sociaux ?
Ce texte, qui a été un engagement emblématique du candidat à la présidence de la République François Hollande pendant la récente campagne, constitue à l’évidence une urgence et je me réjouis de le voir inscrit dès à présent dans le calendrier parlementaire.
Oui, c’est une urgence au regard de la situation économique et sociale et de la cause qui devrait et doit nous rassembler, celle de l’emploi, à un moment où le nombre de demandeurs d’emplois retrouve les tristes records des années quatre-vingt-dix. Or les deux cibles de ce texte, les jeunes et les seniors, sont particulièrement touchées : le taux de chômage des jeunes atteint aujourd’hui le niveau inquiétant de 24 % et le phénomène concerne de plus en plus de jeunes diplômés. Moins d’un jeune sur deux de moins de vingt-six ans est employé en CDI, la majorité subissant des contrats précaires, voire des successions de stages.
Parallèlement, les seniors ont un taux d’activité particulièrement faible, notamment par rapport aux autres pays européens, de 41 % pour les 55-64 ans en 2011. Or, dans le même temps, on ne cesse de constater, pour s’en réjouir, que l’espérance de vie progresse.
On nous dit aussi que, malgré la réforme de 2010, le financement de nos régimes de retraite n’est pas garanti et que seraient inévitables, à nouveau, l’allongement de la durée des cotisations, le report de l’âge du départ à la retraite ou encore la baisse du niveau des pensions.
Dans le même temps, le taux d’activité des plus de cinquante ans ne cesse de diminuer. Quelle contradiction ! Dans le monde du travail, on est considéré comme senior dès cinquante ans et on est alors bien trop souvent la première cible des plans de suppressions d’emplois. Il s’agit d’un drame social, car la brutalité de ces situations est ressentie comme un couperet qui tombe et conduit bien souvent à une exclusion durable. Il en résulte des détresses individuelles et familiales, un sentiment d’abandon, de déclassement, qui ont souvent des conséquences destructrices pour les personnes.
Au-delà des drames que nous rencontrons tous sur nos territoires, quel immense gâchis social et humain, pour toute notre société, pour les entreprises concernées. Oui, c’est une perte de substance et de compétitivité pour la France !
C’est bien à une double exclusion du marché du travail, celle des jeunes et celle des seniors, que vise à répondre le projet de loi. Le contrat de génération propose un pacte entre les générations afin de maintenir dans l’emploi les 5 millions de salariés « âgés » qui partiront à la retraite d’ici à 2020, et de faciliter l’entrée dans la vie active de 6 millions de jeunes. Le Gouvernement en espère 500 000 embauches de jeunes en cinq ans dans les entreprises de moins de trois cents salariés. Pour 2013, 85 000 contrats sont attendus pour un coût de 200 millions d’euros.
Dans les entreprises de plus de trois cents salariés, le Gouvernement estime à 800 000 le nombre de jeunes de moins de vingt-six ans déjà en CDI, auxquels s’ajouteront « plusieurs dizaines de milliers d’embauches » et 400 000 seniors de cinquante-sept ans et plus.
La réussite d’un dispositif aussi ambitieux est essentielle pour notre pacte républicain et pour la pérennité d’un modèle de société qui repose sur la solidarité entre générations.
Le maintien en emploi et l’embauche des seniors, ainsi que la transmission des compétences, constituent, avec l’insertion des jeunes, l’objectif central du projet de loi.
Je voudrais insister sur l’intérêt du dispositif, un pacte intergénérationnel, qui permet d’éviter des départs couperets, brutaux, qu’il s’agisse de suppressions d’emplois ou même de départs à la retraite. Il s’agit non seulement d’encourager la progressivité d’un tel départ, mais aussi de la valoriser avec la perspective de transmettre à un jeune son expérience et son savoir-faire, même si le dispositif ne repose pas forcément sur un binôme.
Son originalité consiste à ne plus opposer une génération à une autre. Les jeunes pouvaient avoir le sentiment que les seniors occupaient des places qui devaient leur revenir.
Au contraire, le contrat de génération est un outil innovant, destiné à renforcer les solidarités intergénérationnelles et à rassurer les jeunes, en leur faisant bénéficier de l’expérience et du savoir-faire des seniors.
Ce contrat, unique en Europe, est aussi un moyen de permettre des transitions harmonieuses, alors que la crise a accentué les effets de rupture brutale, le phénomène de couperet. Je peux témoigner personnellement des effets des départs soudains liés à des mesures d’âge. J’ai été salariée de Sollac – aujourd’hui Arcelor Mittal –, et j’ai dû quitter mon poste du jour au lendemain, à l’âge de cinquante et un ans, victime, si l’on peut dire, de la convention générale de protection sociale, la CGPS.
Le choc a été brutal pour tous. Certes, beaucoup, dans la « génération CGPS », se sont investis dans le bénévolat, la vie associative ou encore politique. Mais il y a eu aussi des drames personnels, des personnes sombrant dans la dépression, dans l’inactivité, dans l’alcoolisme ou la maladie. Des vies, des couples, des familles ont ainsi été brisés. C’est cette expérience concrète, que j’ai vécue, qui me conduit à apporter un soutien enthousiaste au projet de loi portant création du contrat de génération.
Je voudrais enfin souligner l’intérêt du dispositif pour les femmes entrant dans la catégorie des seniors.
Les femmes ont, bien souvent, des carrières interrompues, du fait des charges de famille. Nous savons que, de ce fait, la réforme des retraites de 2010 les a fortement pénalisées. Dans ces conditions, un système qui facilite leur « employabilité » lorsqu’elles sont dans la catégorie des seniors, leur permettant ainsi d’accroître leur période de cotisations, constitue une mesure intéressante pour elles.
Ma dernière observation portera sur le financement du contrat de génération.
Il est très important que le dispositif soit financé dans le cadre du pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, et que des moyens spécifiques soient prévus pour les petites entreprises.
Voilà la démonstration que, pour notre gouvernement et sa majorité, l’emploi est au cœur de la stratégie de compétitivité, mais aussi que ce dispositif d’insertion des plus jeunes, de progressivité pour les seniors, de solidarité intergénérationnelle constitue un vrai enjeu de compétitivité de notre économie.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous le savons tous, les jeunes, qualifiés ou non, sont aujourd’hui les principales victimes du chômage et de la précarité sur le marché du travail. Je suis au regret, à mon tour, de rappeler ces chiffres, annoncés par les uns et les autres sur toutes les travées : au troisième trimestre de 2012, le taux de chômage des jeunes était très exactement de 24, 2 %, selon l’INSEE. Quant au taux de chômage des personnes âgées de cinquante ans et plus, il était de 6, 9 % au deuxième trimestre. Pour les seniors aussi, l’accès au travail est difficile et prend la forme de contrats provisoires. La part des recrutements en CDD et en intérim est très importante.
Sourires.
Nouveaux sourires.
Ainsi, à la fois le début et la fin du parcours professionnel sont marqués par l’instabilité, voire la précarité des formes d’emploi et du contrat de travail. Cette situation, tout le monde doit en convenir, est bien entendu inacceptable, et il faut tout mettre en œuvre pour y mettre fin.
C’est dans cet objectif, messieurs les ministres, que vous nous présentez aujourd’hui le concept de contrat de génération.
Ce fameux contrat nous est présenté comme l’un des deux piliers, avec les emplois d’avenir, de la politique du Gouvernement en direction des jeunes. Il y a une volonté et une conviction de François Hollande, nous l’avons bien compris lors des débats préparatoires aux primaires socialistes, mais aussi une volonté et une conviction du gouvernement actuel, de multiplier les dispositifs d’emplois aidés pour assurer des créations massives d’emplois. En cela, il n’est rien d’exceptionnel, car nombreux sont les gouvernements antérieurs, de droite comme de gauche, à avoir recouru à de tels dispositifs.
Pour autant, on le sait, et la Cour des comptes elle-même l’a confirmé récemment, les contrats aidés sont loin de constituer la panacée en matière de lutte pour l’emploi. Ce qui crée de l’emploi, il n’est jamais inutile de le rappeler, c’est le développement de l’activité dans un environnement juridique et fiscal favorable à l’investissement, à l’innovation et à la recherche.
Sur ce plan, comme j’ai pu le dire lors du récent débat sur la situation économique de nos PME dans cette même enceinte, les mesures que le Gouvernement a prises pour aider nos entreprises à gagner en compétitivité et, ainsi, remporter des marchés créateurs de plus d’activité, ne sont pas à la hauteur des attentes des entreprises intéressées.
Dès lors, et bien que ce ne soit pas dans vos compétences directes, messieurs les ministres, permettez-moi de plaider de nouveau pour une véritable mise en œuvre, et de façon urgente, du « choc de compétitivité » de 30 milliards d’euros sur un ou deux ans, tel que l’a proposé dans son rapport M. Louis Gallois, qui permettrait, bien mieux que les contrats aidés, une importante contribution à la lutte contre le chômage.
Puis, si, faute de mieux, il nous faut effectivement poursuivre sur la voie des contrats aidés, alors prenez en compte les quelques observations que j’ai à formuler sur votre projet de loi portant création du contrat de génération.
Vous prévoyez, messieurs les ministres, que pas moins de 500 000 contrats de génération seront conclus d’ici à 2017. J’aimerais vous croire, mais je crains à mon tour que ce chiffre ne soit pas réaliste compte tenu de la situation économique actuelle. Mme Debré vous l’a dit cet après-midi, …
… selon les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques, le contrat de génération ne devrait pas créer plus de 100 000 emplois nets sur l’ensemble du quinquennat – on parle d’un minimum de 50 000 emplois.
Pourquoi ? Certes, une aide de 4 000 euros peut paraître importante à certaines entreprises, notamment aux plus petites. Mais, en réalité, l’effet incitatif du dispositif ne sera que limité. Nous savons bien qu’une prime annuelle de 4 000 euros n’est que peu de chose comparée au coût salarial de deux salariés qui dépassera assurément 30 000 euros par an, comme l’a indiqué notre collègue Jean-Noël Cardoux.
Dès lors, on a beau examiner la question sous tous ses angles, seules les entreprises qui comptaient déjà embaucher le feront, et le contrat de génération ne créera donc pas véritablement de nouveaux emplois.
Car, oui, comme pour tout emploi aidé, il faut être capable de le reconnaître, on n’échappera pas, ici aussi, aux effets d’aubaine. Certaines des embauches qui auront été effectuées via les contrats de génération auraient de toute façon eu lieu, sans ce dispositif, tout simplement parce qu’elles correspondent à un besoin de l’entreprise.
C’est malheureusement le vice des contrats aidés, dont j’ai dit tout à l’heure qu’il était le fait des gouvernements non seulement de gauche, mais aussi de droite. Ayons la franchise de le reconnaître.
De plus, aucune condition de diplôme n’étant prévue dans le dispositif, ce sont en priorité les jeunes diplômés, ceux qui justement s’insèrent le plus facilement sur le marché du travail, qui bénéficieront en priorité de cette mesure.
Je suis aussi au regret de le dire, ce ne sont pas les dispositions qui ont été ajoutées au texte pour, précisément, éviter cet effet d’aubaine, telles que l’interdiction de licenciement dans les six mois précédant l’embauche sur les postes de la même catégorie professionnelle, qui permettront de prévenir le risque d’un détournement de l’objectif initial.
Un autre point important m’inquiète, qui a déjà été évoqué à plusieurs reprises tout à l’heure : je ne vois vraiment pas la plus-value apportée par ce concept de contrat de génération par rapport aux contrats aidés traditionnels.
J’avais cru comprendre, dans les explications données en son temps par le candidat à la Présidence de la République, que l’intérêt de ce contrat de génération résidait dans une sorte de « rencontre professionnelle » entre le senior dont l’emploi est maintenu et le jeune qui rejoint l’entreprise, une sorte de tutorat du second par le premier.
Or il n’y a rien de tel dans ce projet de loi. Ou j’aimerais en trouver trace, monsieur Néri !
Vous allez le retrouver, monsieur le sénateur, si vous nous accompagnez !
À telle enseigne, monsieur le ministre, que votre collègue Thierry Repentin a indiqué souhaiter « pouvoir mobiliser les leviers de la formation continue au service des jeunes bénéficiaires d’un contrat de génération ». Et d’ajouter qu’une convention devrait être signée ultérieurement à cet égard avec les partenaires sociaux...
N’aurait-il pas été préférable, messieurs les ministres, de prévoir dès l’origine un dispositif de tutorat pour donner une vraie qualification au jeune qui n’en bénéficie pas ou un accompagnement professionnel dans l’entreprise à celui qui est déjà diplômé ? En fait, un tel dispositif existe déjà, c’est celui du contrat d’apprentissage et fonctionne particulièrement bien : je rappelle ici que huit jeunes sur dix formés en apprentissage trouvent un travail rapidement.
Il aurait dès lors été éminemment utile de conforter ce modèle de formation en le faisant évoluer vers un CDI, tel que le préconise le futur contrat de génération.
Enfin, que dire du coût et du financement de ce nouveau dispositif ?
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
En conclusion, messieurs les ministres, mes chers collègues, je reste persuadé que les contrats aidés, si coûteux pour un bien faible résultat – cet argument n’est ni de droite ni de gauche – ne sont pas la bonne solution. Développons l’apprentissage et la formation professionnelle au maximum, utilisons mieux l’argent disponible dans ces domaines, parce qu’il y en a, et là, nous aurons des résultats probants.
M. André Reichardt. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je ne pourrai malheureusement pas voter ce texte.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – Protestations sur certaines travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nos concitoyens ont placé l’emploi au premier rang de leurs préoccupations. C’est qu’ils connaissent la gravité de la situation. Voilà dix-neuf mois qu’ils voient le nombre de demandeurs d’emploi augmenter inexorablement et sans discontinuer. L’année 2012 aura été incontestablement une année noire pour l’emploi, mais surtout, derrière les chiffres et les statistiques – ils ont été abondamment rappelés ce soir –, nous le savons bien, il y a surtout ces femmes et ces hommes dans l’incapacité aujourd’hui de pouvoir se doter d’un avenir.
Ce sont précisément les seniors et les jeunes qui sont les plus touchés. En effet, le nombre de jeunes de moins de vingt-cinq ans sans emploi a augmenté de près de 11 % en une année, et vous le savez, près d’un quart de ces jeunes n’ont pas d’emploi ; parmi les moins qualifiés d’entre eux, le chômage est encore plus dévastateur.
Quant aux seniors sans emploi, leur nombre a augmenté davantage encore, puisqu’il a connu une hausse de 17 % en un an.
L’heure est donc, plus que jamais, à la mobilisation. C’est pourquoi l’ensemble de la politique du Gouvernement n’a qu’une seule priorité, qui transcende toutes les autres : l’emploi !
Dans ces conditions, le contrat de génération a vocation à être l’un des outils majeurs de cette politique. Engagement de campagne du candidat François Hollande devant les Français, il est en quelque sorte l’emblème – vous l’avez dit, monsieur le ministre, avec toute votre conviction – d’une belle et grande idée : celle de l’alliance des âges, au service de la transmission des savoirs et des savoir-faire. C’est pourquoi je vous confirme que cette idée est bien au cœur du texte.
Or, force est de le reconnaître, notre pays aujourd’hui se prive précisément de compétences et de ressources en maintenant les jeunes et les salariés âgés à l’écart du marché du travail. Seul un jeune salarié sur deux, vous l’avez rappelé, est en contrat à durée indéterminé.
Les jeunes qui terminent leurs études ne se voient proposer, dans le meilleur des cas, que des stages, des contrats courts ou des missions d’intérim. Ce n’est qu’après plusieurs années de contrats précaires qu’ils peuvent – peut-être ! – prétendre à un CDI. Ces délais retardent d’autant l’accès à l’autonomie, car obtenir un logement indépendant, construire une famille ou, tout simplement, bâtir des projets de vie sont choses difficiles, sinon impossibles, sans accès à un emploi stable.
Les salariés seniors sont globalement moins touchés par le chômage que la moyenne de la population, mais, comme les précédents orateurs l’ont déjà souligné, le nombre de demandeurs d’emploi seniors est en forte augmentation. De surcroît, pour ces derniers, il est très difficile de retrouver un emploi lorsqu’ils perdent leur travail à quelques années de la retraite.
Le contrat de génération prévoit non seulement un changement de regard mais aussi et surtout une véritable inversion des pratiques. Les jeunes, c’est une évidence, sont notre richesse : ils préfigurent notre avenir. Les seniors, eux, constituent le capital premier de l’entreprise. Ainsi, permettre la transmission des savoirs, ce n’est pas seulement croire en l’avenir, c’est organiser l’avenir et, d’une certaine manière, le garantir.
Toutefois, pour être pleinement efficients, ces processus de transmission nécessitent d’être valorisés, organisés et structurés. C’est évidemment l’un des objets du contrat de génération. Le Gouvernement ne s’y est pas trompé !
On le pressent du même coup, ce dispositif constitue un enjeu essentiel, pour notre société comme pour la compétitivité de nos entreprises.
De plus, les prévisions démographiques nous donnent raison. C’est sans doute là le premier facteur clef de succès sur lequel nous pouvons compter pour espérer la réussite de ce dispositif. En effet, d’ici à 2020, plus de 5 millions d’actifs aujourd’hui en poste seront partis à la retraite et, parallèlement, près de 6 millions de jeunes auront fait leur entrée sur le marché du travail. Anticiper ce renouvellement des compétences et assurer leur transmission intergénérationnelle constitue donc une nécessité tout à la fois économique et sociale.
Le second facteur clef de succès réside, à mon sens, dans les modalités mêmes de construction de la mesure. Nombreux sont ceux qui l’ont déjà relevé à cette tribune : parce qu’issu du dialogue social national et interprofessionnel du 19 novembre dernier, ce dispositif répond à la volonté unanime des partenaires sociaux, ce qui est évidemment un gage de succès. De fait, sa montée en charge sur le terrain dépendra de sa capacité à mobiliser l’ensemble des partenaires économiques et sociaux.
À cet égard, les conditions du succès sont désormais réunies.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je veux le croire, le contrat de génération, porté par ailleurs par une politique de croissance et de compétitivité, sera créateur d’un vaste mouvement de négociation et de mobilisation dans les entreprises de toute taille, pour répondre au plus décisif des enjeux de notre pays : celui de l’emploi !
Voilà pourquoi, messieurs les ministres, vous l’avez compris, les sénateurs socialistes seront à vos côtés, au cœur de cette mobilisation, pour permettre, dans les meilleurs délais, un recul rapide et significatif du chômage.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la rapporteur, mes chers collègues, pour le sénateur d’outre-mer que je suis, ce projet de loi portant création du contrat de génération est triplement réconfortant.
Ce texte est d’abord réconfortant sur le plan économique : après les emplois d’avenir, un outil supplémentaire vient s’ajouter aux instruments de lutte contre le chômage, dont on sait qu’il touche proportionnellement, dans nos territoires, deux à trois fois plus de personnes qu’en France hexagonale.
Le présent projet de loi est également réconfortant sur le plan social : il s’adresse simultanément – et c’est une innovation – aux deux extrémités de la pyramide des âges. Précisément, dans nos territoires, les plus jeunes comme les seniors sont encore plus durement frappés qu’en métropole par l’exclusion du marché de l’emploi. Dans les régions ultramarines, ce sont en effet 60 % des moins de vingt-cinq ans et 20 % des seniors qui sont à la recherche d’un emploi. Ces chiffres sont intolérables et suicidaires pour les outre-mer.
Ici, en métropole, on s’inquiète d’un taux de chômage de 24 % chez les moins de trente ans. Que dire, dès lors, face à la réalité du chômage outre-mer qui, comme je viens de le souligner, culmine à 60 % pour la même strate ?
À ce titre, il est intéressant de noter que, contrairement aux emplois d’avenir, le contrat de génération concernera toutes les zones géographiques et tous les niveaux de qualification. En effet, par les temps qui courent au sein de nos territoires, ni le diplôme pour les uns, ni l’expérience pour les autres ne protègent de ce fléau social et de ce drame humain qu’est le chômage, menace constante et endémique qui pèse sur la cohésion et le développement des sociétés ultramarines.
Enfin, à un niveau encore plus élevé, le présent projet de loi est réconfortant sur le plan des valeurs : il donne une traduction concrète à la notion de « solidarité intergénérationnelle ». Nos sociétés sont attachées à cette valeur aujourd’hui mise à mal du fait de l’évolution des modalités de transmission des savoirs, mais aussi du fait des fractures de plus en plus fréquentes entre les jeunes et leurs aînés.
En fait, peut-être la symbolique de ce texte réside-t-elle précisément dans le message qu’il traduit sur le lien d’interdépendance et de solidarité entre les générations, au cœur de notre pays, au cœur d’un monde économique qui fait la part belle à la concurrence, voire à la rivalité entre les générations…
Pour l’ensemble de ces raisons, je salue le présent projet de loi. Je relève également avec satisfaction que, sur des questions aussi cruciales que celles de l’emploi, du pouvoir d’achat ou de l’égalité des chances – enjeux très prégnants dans nos territoires – les régions d’outre-mer sont traitées de manière simultanée avec l’ensemble du territoire national. J’ose croire qu’il s’agit là d’une mesure de lucidité et d’une attention redoublée du Gouvernement pour les réalités de nos territoires comme pour l’égalité républicaine.
J’ai même la prétention d’espérer que cette attention sera désormais constante, à toutes les phases et dans toutes les instances d’élaboration des lois de la République, produisant ainsi, lorsqu’il le faut, des dispositions prenant en compte les réalités des outre-mer sans les renvoyer pour autant à un examen ultérieur ou au pouvoir d’ordonnance du Gouvernement.
C’est à cause de telles démarches sacrifiant les outre-mer que l’ancien gouvernement, sous la pression des mouvements sociaux de 2009, avait avancé la date d’entrée en vigueur du RSA en outre-mer, initialement fixée deux ans après le début de son application en France hexagonale.
C’est ainsi que j’aime à entendre la suppression par la commission de l’article 1er bis adopté à l’Assemblée nationale.
Le rapport relatif aux modalités d’application du contrat de génération dans les départements et régions d’outre-mer peut tout à fait s’inscrire dans un rapport plus général concernant à la fois la France hexagonale et les collectivités d’outre-mer, …
… qui, ne se voyant pas appliquer ce dispositif, pourraient trouver à l’intégrer selon leurs compétences propres.
Parallèlement, j’apprécie la référence faite à l’outre-mer via la formule de l’article 6.
Le présent projet de loi est donc réconfortant. Toutefois, il ne peut suffire à susciter, à lui seul, l’embauche des jeunes ou à soutenir le maintien dans l’emploi des seniors outre-mer.
D’une part, il s’agit de diversifier nos activités économiques en transformant nos économies dites « de comptoir » en économies de production et de valorisation de nos ressources.
D’autre part, sans carnets de commandes ni marchés, il n’y aura pas d’embauches et on continuera à licencier les moins productifs et les moins rentables à court terme.
Il y a donc lieu d’associer à ce dispositif des mesures volontaristes pour structurer et consolider les filières économiques émergentes ou en souffrance.
Ainsi, une politique d’investissements soutenue s’annonce indispensable dans les régions ultramarines pour combler les déficits infrastructurels. Celle-ci participerait à la relance de l’activité économique et, partant, de l’emploi.
Enfin, si en France hexagonale le dispositif du contrat de génération cible les PME, dans les outre-mer, ce sont les TPE qu’il s’agirait d’accompagner en priorité, …
… puisque ces dernières y représentent 98 % des entreprises, constituant ainsi la quasi-totalité du tissu économique.
Aussi, seul un accroissement de l’activité permettra des créations d’emploi susceptibles de répondre aux objectifs du présent projet de loi, car ce sont plus des deux tiers des entreprises ultramarines qui n’emploient aucun salarié.
Par ailleurs, pour être viable, le binôme jeune-senior devra être performant, ce qui, dans les outre-mer, renvoie non seulement à la question de la formation du tuteur mais aussi à celle de la formation en général, et à tous les âges.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, je tenais à porter à votre connaissance la réalité de nos économies ultramarines, notamment pour ce qui concerne leur aptitude à accueillir ce type de dispositifs.
Il ne s’agit pas de remettre en cause les valeurs que traduit ce texte, bien au contraire. Il était temps que les notions de solidarité intergénérationnelle et de transmission interpersonnelle des savoirs et des savoir-faire soient portées au plus haut et prennent place au cœur des principes de gestion des ressources humaines dans l’entreprise. Il était temps d’innover en utilisant un outil facilitant l’insertion de nos jeunes par l’emploi.
Pour conclure, et par souci de réalisme, je souhaite encourager le Gouvernement et le Sénat à inscrire ce dispositif dans un système plus global, s’appuyant sur tous les leviers favorables à la production économique et aux performances humaines, sans négliger la prise en compte des enjeux différenciés entre la France hexagonale et les outre-mer.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, je me réjouis d’intervenir aujourd’hui à propos d’une mesure phare du programme présidentiel de François Hollande, même si je suis le dernier orateur à m’exprimer à cette tribune.
Après les emplois d’avenir, le pacte de compétitivité, les accords sur la sécurisation de l’emploi et la création de la Banque publique d’investissement, nous examinons un nouveau dispositif tourné vers l’emploi.
Cet arsenal, déployé en quelques mois, témoigne de la volonté du Gouvernement de faire de la lutte contre le chômage et la précarité sa priorité. Cette politique traduit un engagement fort.
En cette période difficile, l’économie et l’emploi doivent être placés au cœur de notre action, et la mise en place de ces contrats s’inscrit dans cette volonté forte du Gouvernement d’inverser la courbe du chômage. Ce dispositif permettra d’embaucher des jeunes et de maintenir des seniors en activité. Il est ambitieux et novateur, car tout doit être fait pour l’emploi.
Ces trente dernières années, dans un contexte de concurrence accrue et de croissante mobilité des capitaux, doublées d’une recherche de productivité de plus en plus orientée vers le court terme, le pacte social dans l’entreprise a été profondément bouleversé.
Les jeunes sont exclus du marché du travail, tandis que les seniors sont écartés des entreprises.
Comme mon collègue Joël Bourdin et moi-même l’avons évoqué dans notre rapport sur le pacte social, un véritable malaise s’est installé dans l’entreprise avec, d’un côté, des inégalités salariales qui se creusent et, de l’autre, des salaires qui stagnent. Cette situation est liée au développement des emplois atypiques, à la persistance du chômage, à l’effet des restructurations du tissu d’entreprises et à l’envolée des plus hautes rémunérations salariales.
Bien souvent, les jeunes et les seniors sont discriminés via les mécanismes de marché.
On ne peut que saluer le présent projet de loi portant création du contrat de génération, car il prend en compte ces enjeux et permet enfin d’apporter des réponses aux jeunes et aux seniors qui sont victimes des inégalités professionnelles.
En effet, ce contrat s’adresse aux personnes de moins de vingt-cinq ans, classe d’âge dont le taux de chômage atteint 24, 2 %, en même temps qu’il prévoit d’augmenter le taux d’emploi des 55-64 ans, qui est actuellement de 41, 5 %. Ces chiffres nous placent loin derrière l’Allemagne et les pays d’Europe du Nord, et en deçà de l’objectif européen, fixé à 50 %.
Je souhaite souligner l’excellente méthode employée par le Gouvernement, celle du dialogue social. Comme l’ont souhaité les partenaires sociaux, ce texte a privilégié la recherche d’accords collectifs au sein des entreprises mettant en œuvre les contrats de génération, après avoir réalisé préalablement un diagnostic de la situation de l’emploi des jeunes et des salariés. Ce projet de loi est donc la transposition de l’accord national interprofessionnel du 19 octobre dernier, signé unanimement. On peut parler d’un véritable succès du dialogue social.
Comme l’ont déjà dit mes collègues, le contrat de génération répond à trois objectifs. Il s’agit d’abord de donner l’accès aux jeunes à un emploi stable avec un CDI, ensuite de favoriser le maintien des seniors dans l’emploi et enfin de favoriser la transmission des savoirs et des compétences. L’objectif est de parvenir à 500 000 embauches en cinq ans. Loin d’être un contrat au rabais, le contrat de génération permet aux jeunes d’entrer véritablement dans le monde professionnel en leur garantissant la signature d’un CDI.
Ce dispositif prévoit un véritable renforcement du lien intergénérationnel dans les entreprises. On observe aussi un nouveau changement : au lieu d’opposer les générations, le contrat de génération les rassemble !
Parmi les jeunes, certains souffrent particulièrement de l’exclusion. Il s’agit des jeunes en situation de handicap, qui rencontrent d’importantes difficultés pour s’insérer dans le marché du travail. Il existe des pénalités, mais les résultats ne sont pas encore satisfaisants. Cette loi prévoit donc une disposition particulière pour l’intégration des personnes handicapées en fixant la limite d’âge à trente ans, quel que soit le niveau de qualification. Ce texte prend donc la mesure du problème et encourage leur insertion professionnelle. Les travailleurs handicapés seniors pourront également bénéficier de ce dispositif dès cinquante-cinq ans, au lieu de cinquante-sept.
Une autre particularité de ce texte tient à l’importance accordée à la formation et à la transmission des savoirs vers la génération montante. La préservation de ces savoir-faire constitue un enjeu capital de notre développement économique. Ces savoir-faire sont ceux de notre industrie, de notre artisanat et de notre agriculture. Il s’agit bien, ici, d’envisager et de garantir sur le long terme la transmission des savoirs, la compétitivité de nos entreprises ainsi que maintien de nos emplois sur notre territoire. Il est important de prévoir l’avenir sans laisser sur le côté des exclus.
Dans ce contexte de transmission au sein de l’entreprise, l’artisanat jouera un rôle important, car c’est un secteur où la transmission est cruciale. Ces cinq dernières années, 600 000 emplois ont été créés dans l’artisanat, le dispositif sera donc bien accueilli. Par ailleurs, l’Union professionnelle artisanale prévoit la signature de 75 000 contrats de génération. De plus, selon un sondage réalisé par OSEO en juillet 2012, 63 % des employeurs envisagent de recourir au contrat de génération.
Une autre particularité tient au fait que ce contrat s’adaptera à la situation de chaque entreprise. Des modalités adaptées à la taille des entreprises sont prévues et des garde-fous ont été mis en place pour limiter les effets d’aubaine.
Pour conclure, je tiens à souligner que, dès sa prise de fonctions, le Gouvernement a mené une véritable bataille pour favoriser l’emploi. La lutte contre le chômage est menée sur tous les plans et elle reste une priorité. Nous sommes tous mobilisés.
Nous devons en finir avec la précarité, les stages répétitifs, les contrats temporaires, le temps partiel, ou l’intérim… Nous devons tout mettre en place pour que les jeunes puissent se construire un avenir et reprendre confiance, confiance en eux-mêmes, confiance dans les politiques mises en place par le Gouvernement et confiance dans le futur. Offrons-leur un espoir et permettons-leur de croire en ce futur !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais combien, à cette heure tardive, la nuit est un bien désirable et précieux, mais je ne voudrais pas que nous nous séparions sans d’abord vous avoir remerciés pour vos interventions, et sans avoir répondu à vos interrogations. À défaut de ces légitimes réponses, votre nuit serait sans doute moins douce que je ne pourrais vous la souhaiter.
Sourires.
Je voudrais remercier tous ceux, et ils sont nombreux dans cette assemblée, qui, de la majorité ou de l’opposition, ont compris les grands principes du contrat de génération.
Dès sa genèse, dès son élaboration, le dispositif a été marqué par la volonté politique d’aboutir à la mise en œuvre d’un contrat de génération doté des caractéristiques que les uns et les autres se sont plu à lui reconnaître. Aujourd’hui, cette volonté politique se concrétise dans un projet de loi, soumis, comme tout projet de loi, à la discussion et à l’approbation des deux assemblées du Parlement.
Politique au début, politique à la fin, mesdames, messieurs les sénateurs, mais, entre ces deux moments, l’espace de la négociation entre les partenaires sociaux a été ménagé. Il n’y a pas, ici, d’opposition entre la démocratie sociale et la démocratie politique, mais au contraire une combinaison harmonieuse des deux. Et il m’aurait déplu que l’on puisse même un instant soutenir que l’une l’aurait emporté sur l’autre : ce n’est pas le cas aujourd’hui avec ce texte, et ce ne le sera pas non plus demain avec un autre. Nous devons faire en sorte que les deux jouent leur rôle, tout en reconnaissant à la loi, comme il est naturel et constitutionnel dans la République, la décision finale.
Quels sont les principes qui ont présidé à l’élaboration de ce texte ?
Ce projet de loi entend d’abord faciliter l’entrée dans l’emploi des plus jeunes, en tenant compte d’un taux de chômage extrêmement élevé, et depuis déjà longtemps, malheureusement. Car, mesdames, messieurs les sénateurs, le phénomène ne date pas des derniers mois. La durée du chômage des plus jeunes ne cesse de s’allonger. Ainsi, les moins de vingt-cinq ans constituent l’une des catégories de chômeurs de longue durée qui ont le plus augmenté depuis des années.
C’est tout de même un comble : les plus jeunes sont parmi ceux qui sont au chômage depuis le plus longtemps !
Notre deuxième préoccupation a également été soulignée et beaucoup d’entre vous y souscrivent : il s’agit de faire en sorte que les plus âgés ne deviennent pas les victimes de l’entrée dans l’emploi des plus jeunes. C’était là une caractéristique malheureuse de la mise en œuvre d’un certain nombre de politiques menées par les uns et par les autres. Nous l’avons souligné, vous avez abondé à juste titre en ce sens, il est vain de miser sur le remplacement par les jeunes des anciens que l’on aurait poussés en dehors de l’entreprise. Il est plus efficace de garder un employé plus âgé, tout en permettant à un jeune d’entrer dans un autre emploi.
Enfin, la troisième caractéristique de notre démarche, dont plusieurs d’entre vous se sont félicités quitte à proposer des améliorations au cours de la discussion, concerne le transfert de compétences, la formation, l’acquisition de savoir-faire par le plus jeune. Cette question se pose constamment. Si diplômé soit-on, le jour où l’on entre dans l’emploi, on entame une période d’adaptation, d’insertion, d’acquisition d’un complément d’expérience. On apporte certes sa jeunesse, et la jeunesse de son savoir, dont les plus âgés ne disposent pas forcément, mais on a également à apprendre un certain nombre de principes, de disciplines et de compétences qui sont absolument indispensables dans l’emploi et durant toute la carrière.
Telles sont les caractéristiques de ce contrat de génération dont le contenu découle de la méthode qui a présidé à son élaboration. Je remercie infiniment MM. Jean Desessard, Dominique WatrinJean-Michel Baylet, Ronan Kerdraon, Mme Gisèle Printz, MM. Claude Jeannerot et Jean-Étienne Antoinette, Mme Patricia Schillinger…
… et tous ceux qui, dans l’opposition, ont aussi affirmé souscrire, en totalité ou non, aux préoccupations que nous avions exprimées.
Nous débattrons des amendements demain, ce qui nous permettra de creuser les sujets, mais je voudrais rapidement essayer d’apporter une réponse à ce qui, je l’espère, n’est qu’une incompréhension de la part de certains. Les questions sont légitimes, et je voudrais pouvoir dissiper d’éventuels malentendus.
J’ai de nouveau entendu dire, par vous, je crois, monsieur Reichardt, que le contrat de génération était un contrat aidé.
Je vous réponds que le contrat de génération n’est pas un contrat aidé, car ce n’est pas un contrat de travail spécifique. Le contrat de travail correspondant est bien connu : c’est le contrat à durée indéterminée ! Ce n’est donc pas un contrat particulier, mais bien un contrat de droit commun, portant toutes les caractéristiques et les obligations attachées à un CDI, en termes de rémunération, de droits dans l’entreprise, de droit à la formation. Le contrat de génération étant un CDI de droit commun, il ouvre à ses titulaires des droits identiques à ceux de toute personne titulaire d’un CDI.
Aussi bien les questions qui se poseraient légitimement s’il s’agissait d’un contrat aidé - je pense ici aux emplois d’avenir -, ne se posent pas de la même manière s’agissant du contrat de génération, puisque c’est un contrat de droit commun.
La confusion tient sans doute au fait que le contrat dont il est question dans l’expression « contrat de génération » ne désigne pas le contrat passé entre l’entreprise et le salarié – cela, c’est le CDI, pour celui qui était dans l’emploi depuis longtemps, le senior, comme pour celui qui entre dans l’emploi. Non, il s’agit ici de désigner, outre le contrat moral pour l’accompagnement et le transfert de compétences au sein de l’entreprise, un contrat, en bonne et due forme cette fois, entre l’entreprise et l’État. L’État étant engagé, l’aide promise fait l’objet d’un contrat signé dont chaque partie peut veiller au respect. À cette fin, le texte contient des dispositions relativement précises définissant les obligations des uns et des autres et permettant que le respect de l’engagement pris puisse faire l’objet de vérifications.
Pardonnez-moi, monsieur le sénateur, d’avoir été aussi catégorique, mais j’espère vous avoir convaincu.
Monsieur le sénateur, il m’est arrivé, à moi aussi, de m’installer dans une forme de désaccord automatique, m’opposant systématiquement à ce qui venait de l’autre bord. Cela peut arriver à tout le monde, mais avouez que c’est dommage, surtout quand il s’agit, comme ici, de définitions juridiques très précises.
Ce n’est pas un contrat aidé, mais un contrat de droit commun, c’est un fait. Toutes les critiques sont possibles, mais elles gagnent à se fonder sur des faits justes plutôt que sur des appréciations erronées.
Beaucoup d’entre vous se sont interrogés sur les secteurs concernés par ce dispositif. J’ai entendu dire que le contrat de génération était destiné au secteur marchand, contrairement aux emplois d’avenir qui viseraient le secteur non marchand. Il y a du vrai dans cette remarque, mais il convient d’être plus précis.
Nous avons souhaité, tous ensemble, que les emplois d’avenir soient plutôt accueillis dans des structures ayant des capacités d’encadrement et n’attendant pas de retour sur investissement immédiat, dans la mesure où les jeunes concernés, en très grande difficulté, doivent être accompagnés très précisément et formés massivement.
Le contrat de génération concerne, lui, tous les jeunes, quelle que soit leur qualification, pour leur permettre de trouver un emploi dans toutes les entreprises de France, avec des modalités différentes selon les tailles et dans l’ensemble du secteur privé. Cela concerne, bien entendu, le secteur marchand, privé par définition, mais aussi le secteur non marchand privé. Les associations, par exemple, pourront bénéficier des contrats de génération.
Je voulais aussi apporter cette précision pour que nous ne nous enfermions pas dans une sorte de dichotomie trop automatique qui distinguerait strictement les dispositifs destinés respectivement au secteur non marchand et au secteur marchand. Ce projet n’a pas été conçu ainsi, et ce n’est pas ainsi qu’il sera mis en œuvre.
D’autres préoccupations concernaient la formation. Madame Jouanno, vous avez beaucoup insisté sur ce point, comme d’autres ici. Ce sujet a également donné lieu au dépôt de nombreux amendements et à de longues discussions à l’Assemblée nationale, comme vous l’avez remarqué. M. le ministre chargé de la formation professionnelle y a apporté tout son concours, avec l’intelligence et l’habileté que nous lui connaissons.
Les jeunes qui bénéficieront du contrat de génération sont des jeunes comme les autres : il s’agit simplement de leur donner leur chance, en accordant une attention particulière à la question du transfert de compétences.
Je trouve attendrissant qu’un certain nombre de sénateurs de l’opposition soient attentifs à ce que la majorité respecte scrupuleusement les engagements pris, lors de la campagne pour l’élection présidentielle, par le candidat François Hollande. Il se trouve que je suis bien placé, peut-être même un peu mieux qu’eux, pour connaître ces engagements… §
La question du tutorat a été soulevée à juste titre. Dans de nombreux cas, la mise en œuvre du contrat de génération prendra la forme d’un tutorat au sens strict du terme : un salarié plus âgé sera nommément désigné pour accompagner le jeune dans l’acquisition des outils et du savoir-faire qui lui sont nécessaires pour assumer ses responsabilités dans l’entreprise.
Une telle démarche devra être mise en place le plus souvent possible. Cela étant, les partenaires sociaux, qui ont par nature une connaissance fine du fonctionnement des entreprises, nous ont prévenus que vouloir généraliser le tutorat à l’ensemble des secteurs, sans prise en considération de la taille des entreprises, n’était pas une bonne idée. Cela ne correspond pas à la réalité du monde de l’entreprise, et ils ont donc estimé qu’il fallait prévoir dans l’accord national interprofessionnel et le projet de loi une palette de dispositifs pour assurer la transmission des compétences. Ces dispositifs seront définis plus précisément dans les textes d’application.
Il existera donc une gamme de possibilités pour permettre le transfert de compétences. Dans les très grandes entreprises, par exemple, le tutorat n’est pas la formule la mieux adaptée. En revanche, dans les toutes petites entreprises, il sera privilégié.
Si j’insiste sur ce point, c’est pour vous convaincre que nous mettons bien en œuvre la proposition du candidat François Hollande…
Je terminerai par quelques observations concernant le chiffrage à la fois des effets attendus de la mise en place des contrats de génération et du coût de celle-ci. Ces questions sont parfaitement légitimes, même si chacun pourra reconnaître qu’il n’est pas aisé d’y répondre précisément.
L’objectif est de signer 500 000 contrats de génération, qui concerneront 1 million de personnes : les 500 000 jeunes bénéficiaires et les 500 000 salariés plus âgés qui les accompagneront.
C’est beaucoup, mais il s’agit d’un objectif sur cinq ans. L’objectif annuel est donc de conclure 100 000 contrats de génération : l’atteindre me paraît tout à fait possible, eu égard notamment à l’accueil que réservent au dispositif les représentants d’un certain nombre de filières d’activité, en particulier dans les petites entreprises.
Pour autant, on n’invente pas l’emploi. Il est évident qu’aucune entreprise ne créera d’emplois pour la seule raison que le contrat de génération aura été institué. Ce dispositif permettra aux entreprises qui hésitent à embaucher des jeunes de franchir le pas. Autrement dit, l’objectif fondamental du contrat de génération est d’inciter les entreprises à embaucher un peu plus vite et un peu plus massivement qu’elles ne l’auraient fait s’il n’existait pas.
Je pense qu’elles seront beaucoup plus nombreuses encore. Si parmi elles il en est 100 000 pour oser franchir le pas grâce au contrat de génération, nous aurons rendu service à 100 000 entreprises et à 100°000 jeunes, sans compter les 100 000 salariés plus âgés dont le rôle social dans l’entreprise se trouvera renforcé.
S’agissant du coût, Mme Debré a parfaitement compris le dispositif et je ne reviendrai pas sur le calcul auquel elle s’est livrée. Lorsque nous prévoyons un coût de 900 millions d’euros en année pleine, cela vaut à compter de la troisième année d’application du dispositif, quand 300 000 contrats de génération seront en cours. Ce dernier chiffre représente un maximum : les contrats ayant une durée de trois ans, ceux qui auront été signés la première année arriveront à échéance la quatrième, de sorte qu’il n’y aura jamais plus de 300 000 contrats à courir au même moment.
Pour ce qui concerne le financement, je répète qu’il ne s’agit pas, comme on le dit parfois, de puiser dans l’enveloppe du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Il s’agit de mettre en place deux dispositifs de façon parallèle : le CICE, qui a déjà été adopté et dont les entreprises commencent à connaître les modalités, et le contrat de génération. Ces deux dispositifs seront financés d’une part par le biais de modifications fiscales, d’autre part par un certain nombre d’économies budgétaires.
Nul n’est en mesure de dire quel sera le coût exact du contrat de génération – 21, 20 ou 19, 5 milliards d’euros –, mais en tout état de cause il ne sera pas financé par un creusement supplémentaire du déficit public : dans la période actuelle, ce serait contradictoire avec un certain nombre d’autres orientations et engagements du Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le contrat de génération suffira-t-il à résoudre le problème du chômage en France ?
Évidemment, non. Aucun dispositif ne peut à lui seul permettre d’inverser la courbe du chômage ; nous y parviendrons par le cumul des mesures que nous mettons en place : les emplois d’avenir, destinés aux jeunes en très grande difficulté, les contrats de génération, le CICE, qui permettra aux entreprises d’investir, d’innover et d’embaucher.
Grâce à cette panoplie de dispositifs, nous pouvons aborder la bataille contre le chômage avec résolution et confiance. Je suis convaincu que nous réussirons à inverser la courbe du chômage. Je ne suis pas dans l’incantation, encore moins dans la prédiction, mais dans l’action : c’est le propre de ceux qui sont au pouvoir. Le Gouvernement prend ses responsabilités au plein sens du terme ; en tant que législateurs, prenez les vôtres en adoptant, au bénéfice de la jeunesse française, un dispositif qui sera efficace !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste . – Mme Nathalie Goulet applaudit également.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 6 février 2013, à quatorze heures trente et le soir :
1. Suite du projet de loi portant création du contrat de génération (n° 289, 2012-2013) ;
Rapport de Mme Christiane Demontès, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 317, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 318, 2012-2013).
2. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne (n° 118, 2010-2011) ;
Rapport de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (n° 321, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 322, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 6 février 2013, à zéro heure quarante.