Intervention de Ronan Kerdraon

Réunion du 5 février 2013 à 22h30
Création du contrat de génération — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon :

Cette méthode mérite d’être saluée et encouragée, car elle est exemplaire. Elle reste porteuse d’avenir !

Le projet de loi apporte une réponse forte à ce qui est l’une des plaies récurrentes de notre marché du travail depuis de trop nombreuses années : le chômage excessif des jeunes et des seniors.

Son originalité, sa spécificité réside en effet dans le fait qu’il allie les âges : les jeunes et les seniors. Ce sont eux les premières victimes de la crise que nous traversons et de la précarisation accrue du marché du travail.

Aux deux extrémités de la pyramide des âges, l’accès à l’emploi est parsemé de multiples obstacles que, jusqu’à présent, les dispositifs imaginés ne sont pas parvenus à lever.

Dans les deux cas, c’est bien la question de l’utilité sociale qui se pose. Comment se sentir utile à notre société ? Comment avoir le sentiment d’en être un véritable acteur ?

Mes chers collègues, nous le savons tous, le fait d’avoir un emploi conditionne toute une vie : la capacité à acquérir un logement, à fonder une famille, à participer aux frais de scolarité ou d’études de ses enfants.

Avoir un emploi conditionne aussi le regard que les autres, en particulier les proches, portent sur votre situation.

C’est en ce sens aussi que le contrat de génération propose un changement de regard.

Les réponses pour relever le défi du chômage, mes chers collègues, ne peuvent provenir que de la politique de l’emploi et de la politique économique générale.

J’évoquais précédemment les emplois d’avenir. Lors du débat, à cette tribune, j’avais formulé le regret que ces emplois ne soient pas comptabilisés dans les effectifs de l’entreprise. Leur prise en compte aurait sans doute contribué à une meilleure insertion des jeunes dans le monde du travail et de l’entreprise.

Aussi, je me réjouis qu’il n’en soit pas de même pour les contrats de génération, en raison de la nature même de ces contrats, qui sont des CDI.

Lors de la discussion sur les emplois d’avenir, nous avons tous fait le même constat : l’emploi des jeunes est particulièrement préoccupant et la situation de ces derniers est alarmante.

Songez, mes chers collègues, qu’un jeune actif sur quatre est au chômage et que près de 120 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme !

Il s’agissait donc d’offrir une première expérience professionnelle réussie à une jeunesse souffrant d’un manque de formation.

Pour autant – et je l’ai souligné lors d’un récent débat –, il ne faut pas oublier les difficultés spécifiques rencontrées par un certain nombre de jeunes diplômés.

Selon l’Association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, l’AFIJ, près d’un tiers de ces jeunes diplômés de l’année 2011 n’ont occupé aucun poste depuis la fin de leurs études.

De plus, il convient de noter que 42 % de ceux qui étaient employés l’étaient au titre d’un contrat précaire, c’est-à-dire au titre d’un contrat à durée déterminée ou d’une mission d’intérim de moins de six mois.

Nous constatons ici la précarisation des jeunes, diplômés ou non, qui oscillent entre des périodes de chômage et d’emploi, des emplois qu’ils qualifient eux-mêmes d’« alimentaires ».

La moitié des salariés embauchés en contrat à durée déterminée, en stage ou en apprentissage, ont moins de vingt-neuf ans. En outre, les jeunes servent régulièrement de variable d’ajustement des effectifs en périodes de crise.

Dans ce domaine comme dans d’autres, le précédent gouvernement a failli. Aussi fallait-il renouer le dialogue avec les partenaires sociaux, les régions, élaborer des stratégies de confiance pour redonner à la jeunesse une vision plus positive et moins sombre de l’avenir, de son avenir.

La situation n’était plus admissible, car ce sont les jeunes, avec les seniors, qui grossissent les cohortes de chômeurs.

Venons-en maintenant à la seconde problématique, l’emploi des seniors.

En France, leur taux d’activité, environ 40 %, est l’un des plus faibles d’Europe, contre 70 % en Suède et 57 % au Royaume-Uni. Nous restons très en deçà de l’objectif des 50 % qui avait été fixé par la stratégie de Lisbonne pour 2010.

Mal aimés des entreprises, les seniors sont souvent écartés des plans d’évolution de carrière, voire poussés vers la sortie. Jean Desessard l’a très bien démontré tout à l’heure.

Pourtant, l’emploi des seniors est crucial, car de moins en moins de salariés ont suffisamment cotisé pour prendre leur retraite à l’âge légal.

Il n’en demeure pas moins que, d’après une récente étude de France Retraite et d’Add’if, qu’a citée Isabelle Debré, près de la moitié des directeurs de ressources humaines ont pour priorité l’emploi de seniors.

Mes chers collègues, nous ne pouvons que nous réjouir de cette prise de conscience. Encore faut-il, me direz-vous, la traduire en actes. Le contrat de génération constitue une réponse adaptée qui favorisera, chers collègues de l’opposition, le maintien des seniors au sein de leur entreprise.

Paul Bourget écrivait ceci : « Vérité sociale profonde : il n’y a d’accroissement de la force d’un pays, que si les efforts des générations s’additionnent ».

Les politiques publiques en faveur de l’emploi des seniors se sont, au fil des années, accumulées, avec plus ou moins de succès, il faut le reconnaître. L’une des dernières en date, à savoir les « accords seniors », initiés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, instituait l’obligation de négocier un accord d’entreprise ou de branche sur l’emploi des seniors sous peine de se voir infliger une pénalité représentant 1 % de la masse salariale.

Si les 34 200 plans d’action et accords d’entreprise et les 90 accords de branche semblent attester la réussite du dispositif, en réalité, le bilan, sur le fond, est plus beaucoup plus contrasté. Ces accords n’ont, en effet, que rarement pris en compte la gestion des âges au sein de l’entreprise.

Le texte qui nous est proposé répond à un double objectif : encourager l’emploi de la jeunesse, dont le taux de chômage atteint presque 25 % et pour laquelle trois quarts des embauches sont précaires, sans pour autant marginaliser les seniors, qui se voient parfois licencier aux portes de leur retraite et sans espoir de retour à l’emploi.

Dans ses modalités, il prévoit que toute entreprise qui signe un contrat de ce type avec un jeune de moins de vingt-six ans, ou de trente ans s’il est en situation de handicap, et s’engage à maintenir dans l’emploi un salarié de plus de cinquante-cinq ans bénéficiera en contrepartie d’une aide financière.

De ce fait, et vous serez tous d’accord avec moi, mes chers collègues, les enjeux et les défis ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit d’une petite entreprise familiale, d’une PME ou d’une grande entreprise. C’est pourquoi le dispositif prévoit des modulations en fonction de la taille des entreprises.

Le contrat de génération est porteur d’une innovation pour la transmission des petites entreprises et le maintien du tissu économique. Le principe est qu’un contrat pourra être conclu par un chef d’entreprise de cinquante-sept ans et plus, embauchant un jeune en CDI en vue de lui transmettre son entreprise.

Cette possibilité est particulièrement adaptée aux petits artisans qui n’ont pas d’héritier ni de repreneur. Elle répond à un vrai besoin économique. Je peux en témoigner, plusieurs artisans costarmoricains m’ayant fait part de leur intérêt pour cette disposition.

Vous le voyez, madame Debré, la majorité n’est pas hostile aux entreprises !

Oui, mes chers collègues, nous devons enfin parvenir à inverser la courbe du chômage, car le parcours d’un salarié est rythmé par toute une série de difficultés qu’il se doit de contourner : multiplier les petits emplois avant de décrocher un emploi stable, connaître des périodes de chômage, le rallongement de l’âge de la retraite, les baisses de rémunérations, etc.

Les répercussions sur le plan social de ces parcours, de ces vies actives plus que chaotiques, sont souvent dramatiques.

Bien sûr, nous en sommes tous persuadés, la politique de lutte contre le chômage ne pourra se résumer au seul contrat de génération. D’autres dispositifs devront venir se greffer pour enrichir et consolider notre action déterminée dans la bataille de l’emploi.

Cette politique de lutte contre le chômage relève aussi de la mobilisation de chacun et nécessite l’activation de multiples leviers.

En ce domaine comme dans bien d’autres, il ne faut jamais renoncer, jamais se priver d’imagination. Et, en la matière, le contrat de génération est un outil innovant et pertinent.

Ce pacte intergénérationnel constitue un dispositif ambitieux, indispensable, qui doit amener les entreprises à mettre en place une véritable dynamique de gestion active des âges.

Dans la panoplie des moyens disponibles pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes, le contrat de génération tiendra donc une place de choix aux côtés des emplois d’avenir.

Notre pays se prive trop souvent de compétences et de ressources en maintenant les jeunes et les seniors à l’écart de l’emploi. Le contrat de génération a une vocation résolument transgénérationnelle en incitant à l’emploi des jeunes dans les entreprises.

Comme le disait Marcel Aymé, « Peut-être le décalage entre générations est-il beaucoup plus dans la forme que dans le fond »…

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