Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, avec la discussion du projet de loi instaurant le contrat de génération nous sommes, j’en suis convaincue, à un moment important de la présente mandature.
On a trop souvent tendance, dans notre pays, à opposer les générations entre elles. Voilà un texte qui a pour ambition de faciliter l’insertion des jeunes en s’appuyant sur l’expérience des seniors qui, par le biais d’une vraie mission de passage de témoin, pourront quitter progressivement le monde professionnel.
J’ai été déléguée syndicale et je reste au plus profond de moi-même une syndicaliste convaincue de la nécessité et de la primauté du dialogue social.
Comment ne pas se réjouir que le texte qui nous est soumis résulte d’un accord social, conclu sous l’impulsion du Gouvernement? Les partenaires sociaux, à la suite de la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, ont en effet signé à l’unanimité l’accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012 relatif au contrat de génération. Le projet de loi en reprend l’essentiel et fait une très large place à la négociation d’entreprise et de branche.
Je verrai aussi comme élément de satisfaction le fait que ce texte a fait l’objet, à l’Assemblée nationale, d’un débat riche et constructif, débouchant sur un soutien qui va au-delà de la majorité parlementaire. J’espère qu’il en sera de même ici, au sein de la Haute Assemblée. Un tel sujet ne devrait-il pas nous rassembler, comme il a rassemblé les partenaires sociaux ?
Ce texte, qui a été un engagement emblématique du candidat à la présidence de la République François Hollande pendant la récente campagne, constitue à l’évidence une urgence et je me réjouis de le voir inscrit dès à présent dans le calendrier parlementaire.
Oui, c’est une urgence au regard de la situation économique et sociale et de la cause qui devrait et doit nous rassembler, celle de l’emploi, à un moment où le nombre de demandeurs d’emplois retrouve les tristes records des années quatre-vingt-dix. Or les deux cibles de ce texte, les jeunes et les seniors, sont particulièrement touchées : le taux de chômage des jeunes atteint aujourd’hui le niveau inquiétant de 24 % et le phénomène concerne de plus en plus de jeunes diplômés. Moins d’un jeune sur deux de moins de vingt-six ans est employé en CDI, la majorité subissant des contrats précaires, voire des successions de stages.
Parallèlement, les seniors ont un taux d’activité particulièrement faible, notamment par rapport aux autres pays européens, de 41 % pour les 55-64 ans en 2011. Or, dans le même temps, on ne cesse de constater, pour s’en réjouir, que l’espérance de vie progresse.
On nous dit aussi que, malgré la réforme de 2010, le financement de nos régimes de retraite n’est pas garanti et que seraient inévitables, à nouveau, l’allongement de la durée des cotisations, le report de l’âge du départ à la retraite ou encore la baisse du niveau des pensions.
Dans le même temps, le taux d’activité des plus de cinquante ans ne cesse de diminuer. Quelle contradiction ! Dans le monde du travail, on est considéré comme senior dès cinquante ans et on est alors bien trop souvent la première cible des plans de suppressions d’emplois. Il s’agit d’un drame social, car la brutalité de ces situations est ressentie comme un couperet qui tombe et conduit bien souvent à une exclusion durable. Il en résulte des détresses individuelles et familiales, un sentiment d’abandon, de déclassement, qui ont souvent des conséquences destructrices pour les personnes.
Au-delà des drames que nous rencontrons tous sur nos territoires, quel immense gâchis social et humain, pour toute notre société, pour les entreprises concernées. Oui, c’est une perte de substance et de compétitivité pour la France !
C’est bien à une double exclusion du marché du travail, celle des jeunes et celle des seniors, que vise à répondre le projet de loi. Le contrat de génération propose un pacte entre les générations afin de maintenir dans l’emploi les 5 millions de salariés « âgés » qui partiront à la retraite d’ici à 2020, et de faciliter l’entrée dans la vie active de 6 millions de jeunes. Le Gouvernement en espère 500 000 embauches de jeunes en cinq ans dans les entreprises de moins de trois cents salariés. Pour 2013, 85 000 contrats sont attendus pour un coût de 200 millions d’euros.
Dans les entreprises de plus de trois cents salariés, le Gouvernement estime à 800 000 le nombre de jeunes de moins de vingt-six ans déjà en CDI, auxquels s’ajouteront « plusieurs dizaines de milliers d’embauches » et 400 000 seniors de cinquante-sept ans et plus.
La réussite d’un dispositif aussi ambitieux est essentielle pour notre pacte républicain et pour la pérennité d’un modèle de société qui repose sur la solidarité entre générations.
Le maintien en emploi et l’embauche des seniors, ainsi que la transmission des compétences, constituent, avec l’insertion des jeunes, l’objectif central du projet de loi.
Je voudrais insister sur l’intérêt du dispositif, un pacte intergénérationnel, qui permet d’éviter des départs couperets, brutaux, qu’il s’agisse de suppressions d’emplois ou même de départs à la retraite. Il s’agit non seulement d’encourager la progressivité d’un tel départ, mais aussi de la valoriser avec la perspective de transmettre à un jeune son expérience et son savoir-faire, même si le dispositif ne repose pas forcément sur un binôme.
Son originalité consiste à ne plus opposer une génération à une autre. Les jeunes pouvaient avoir le sentiment que les seniors occupaient des places qui devaient leur revenir.
Au contraire, le contrat de génération est un outil innovant, destiné à renforcer les solidarités intergénérationnelles et à rassurer les jeunes, en leur faisant bénéficier de l’expérience et du savoir-faire des seniors.
Ce contrat, unique en Europe, est aussi un moyen de permettre des transitions harmonieuses, alors que la crise a accentué les effets de rupture brutale, le phénomène de couperet. Je peux témoigner personnellement des effets des départs soudains liés à des mesures d’âge. J’ai été salariée de Sollac – aujourd’hui Arcelor Mittal –, et j’ai dû quitter mon poste du jour au lendemain, à l’âge de cinquante et un ans, victime, si l’on peut dire, de la convention générale de protection sociale, la CGPS.
Le choc a été brutal pour tous. Certes, beaucoup, dans la « génération CGPS », se sont investis dans le bénévolat, la vie associative ou encore politique. Mais il y a eu aussi des drames personnels, des personnes sombrant dans la dépression, dans l’inactivité, dans l’alcoolisme ou la maladie. Des vies, des couples, des familles ont ainsi été brisés. C’est cette expérience concrète, que j’ai vécue, qui me conduit à apporter un soutien enthousiaste au projet de loi portant création du contrat de génération.
Je voudrais enfin souligner l’intérêt du dispositif pour les femmes entrant dans la catégorie des seniors.
Les femmes ont, bien souvent, des carrières interrompues, du fait des charges de famille. Nous savons que, de ce fait, la réforme des retraites de 2010 les a fortement pénalisées. Dans ces conditions, un système qui facilite leur « employabilité » lorsqu’elles sont dans la catégorie des seniors, leur permettant ainsi d’accroître leur période de cotisations, constitue une mesure intéressante pour elles.
Ma dernière observation portera sur le financement du contrat de génération.
Il est très important que le dispositif soit financé dans le cadre du pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, et que des moyens spécifiques soient prévus pour les petites entreprises.
Voilà la démonstration que, pour notre gouvernement et sa majorité, l’emploi est au cœur de la stratégie de compétitivité, mais aussi que ce dispositif d’insertion des plus jeunes, de progressivité pour les seniors, de solidarité intergénérationnelle constitue un vrai enjeu de compétitivité de notre économie.