Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 1er juillet 2008 à 16h00
Modernisation de l'économie — Article 2

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme chacun sait, la situation des comptes sociaux est particulièrement critique.

Malgré les mesures rétrogrades destinées à réaliser de prétendues économies et mises en œuvre depuis 2002 au travers de la réforme des retraites, de celle de l’assurance maladie, et au fil des lois de financement de la sécurité sociale, les comptes sociaux continuent de présenter une situation déficitaire qui semble montrer que la croissance des dépenses sociales n’est pas la seule raison des déficits constatés.

La sécurité sociale est malade, sur le fond, de politiques économiques et sociales qui assèchent progressivement ses recettes, sans aller pour l’heure jusqu’à les tarir. Mais le fait est qu’à force de développer les incitations fiscales et sociales à la création d’emplois sous-rémunérés, à force de défiscaliser les heures supplémentaires, on crée les conditions de difficultés majeures de financement de la protection sociale collective.

Dans le même temps, la sécurité sociale, plus encore que le budget de l’État, est victime d’une fraude organisée, notamment en raison du travail illégal. En effet, dans certains secteurs d’activité, comme le bâtiment, la restauration ou encore le transport, qui sont les principaux utilisateurs des heures supplémentaires de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, le travail illégal est très important, pour ne pas dire quasi institutionnalisé ! Or, encore aujourd’hui, les fraudeurs sont fort peu poursuivis.

Selon les études qui ont été réalisées, la fraude sociale correspond, peu ou prou, au montant des déficits des comptes sociaux, si ce n’est plus, d’ailleurs.

Au demeurant, monsieur le secrétaire d'État, si l’on récupérait le montant total de la fraude fiscale et sociale dans notre pays, il y aurait belle lurette que la France serait dans les clous des critères de convergence européens ! Je vous rappelle que le déficit est estimé à 50 milliards d’euros par an.

Pourtant, dans l’immédiat, cet article 2 ne vise qu’un seul objectif : créer un rescrit social tendant à permettre aux entreprises de se considérer comme bénéficiaires d’un droit au regard du financement de la protection sociale collective, au motif que l’administration ne mettrait pas en cause l’application de telle ou telle disposition d’allégement.

On peut d’ailleurs se demander – faut-il le dire encore ici ? – comment, avec de telles dispositions, on sera en mesure de financer demain le régime spécial des indépendants... Cette question n’est pas secondaire, car, faute pour ce régime spécial d’être suffisamment alimenté par les cotisations de ses membres, c’est le régime général des salariés qui risque fort, une fois encore, d’être mis à contribution pour venir au secours des autres !

Enfin, sur un plan idéologique, cet article 2 est particulièrement discutable.

Il part d’un postulat assez complaisamment répandu selon lequel les malheureux artisans, commerçants et professionnels libéraux seraient victimes d’un acharnement fiscal et social sans limites, ce qui mettrait en cause la survie même de leur entreprise.

Outre le fait que, la plupart du temps, dans des conditions toutes particulières de définition, le revenu des contribuables concernés est sensiblement plus élevé que celui des ménages salariés, ce n’est pas la réalité des cotisations sociales qui est à la base des difficultés éventuelles du monde du commerce, de l’artisanat ou des professions libérales. Laisser penser cela, c’est se voiler la face par rapport à la source essentielle du problème : le pouvoir d’achat des salariés qui constituent – faut-il le rappeler ? – plus de 85 % des actifs et dont les revenus sont représentatifs des deux tiers de l’assiette de l’impôt sur le revenu.

Le véritable soutien aux travailleurs indépendants ne peut venir que du pouvoir d’achat de leur clientèle, d’une part, et de conditions plus favorables et plus faciles d’accès au crédit bancaire, d’autre part.

En effet, pendant que l’on détourne l’inquiétude sur l’URSSAF prédatrice, les banquiers dorment tranquilles sur leurs taux d’intérêt exorbitants !

Ce sont là des points que nous ne pouvions manquer de souligner sur cet article.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion