Intervention de Stéphane Mazars

Réunion du 7 février 2013 à 9h30
Code forestier — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Stéphane MazarsStéphane Mazars :

La forêt représente aussi une véritable activité, qui crée l’équivalent de 4 000 emplois, depuis le bûcheron jusqu’à l’industriel du meuble.

En fait, le terme de « forêt » cache ici plusieurs réalités, avec des différences marquées entre les causses d’altitude et les peupleraies riveraines du Lot. Certains secteurs sont très productifs, alors que d’autres le sont beaucoup moins, en raison de pentes très fortes et de dessertes insuffisantes.

En outre, le volume annuel exploité s’élève à un peu plus de 215 000 mètres cubes, alors que la production brute annuelle courante est supérieure à 1 100 000 mètres cubes. Autrement dit, seuls 22 % de l’accroissement naturel sont prélevés ! Il est largement possible de mobiliser des volumes supplémentaires.

Depuis trente ans, de nombreux rapports soulignent ce potentiel dormant dont dispose la France ; ils n’ont, hélas ! guère été suivis d’effets. On s’est plus focalisé sur la préservation à tout prix des forêts que sur leur exploitation. Quelques mesures ont bien été prises, dans le cadre notamment de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Toutefois, elles ne sont pas suffisantes, à l’heure où le Grenelle de l’environnement a prévu, à juste titre, une utilisation croissante du bois éco-matériau dans la construction et l’habitat et du bois-énergie dans le bouquet des énergies renouvelables.

Au-delà des aspects quantitatifs, se pose aussi la question des débouchés offerts au bois potentiellement disponible en France, majoritairement issu de feuillus, alors que la demande actuelle, en particulier dans le domaine de la construction, porte essentiellement sur des essences résineuses. Certes, la très grande diversité de notre forêt est une richesse écologique, mais elle est aussi un handicap commercial. Elle a conduit, avec le morcellement des parcelles, à des scieries de petite taille, spécialisées dans une essence et donc peu compétitives.

Il faut relancer la politique forestière, préparer les récoltes de demain, aider la filière bois à se structurer.

Monsieur le ministre, vous avez lancé des assises de la forêt, dans la perspective d’un volet forestier intégré à une loi d’avenir de l’agriculture. Je salue cette très bonne initiative.

Bien des questions doivent être tranchées. Par exemple, s’agissant de la reconstitution des peuplements après « récolte », quelles essences et quels modes de régénération convient-il de privilégier ?

L’enrésinement a permis de rétablir un mélange d’essences, notamment au niveau de la hêtraie, rendue monospécifique par la pression historique conjuguée du pastoralisme et du charbonnage. Prenons garde toutefois à conserver un équilibre entre la forêt originaire et la forêt implantée.

Quoi qu’il en soit, on replante aujourd’hui beaucoup moins qu’avant. Ainsi, dans mon département de l’Aveyron, près de 50 hectares sont replantés chaque année, contre 1 500 il y a trente ans. Le renouvellement est aussi gêné par la forte densité de cervidés dans certains massifs. Néanmoins, on peut souligner l’excellente initiative prise par la région Midi-Pyrénées, qui, à travers son plan carbone, a permis de doubler la surface reboisée en 2012.

Par ailleurs, pour être valorisée par la filière bois, la production forestière nécessite sa mobilisation par des techniques modernes d’exploitation, de débardage et de transport jusqu’aux unités de transformation. Or, quelle que soit la technique d’exploitation et de débusquage utilisée, un réseau de voirie reste indispensable pour vidanger les produits de la forêt. L’apport du Fonds forestier national dans le financement d’un tel réseau a été incontestable et a répondu aux problématiques plurielles d’aménagement, notamment en montagne : valorisation forestière, bien sûr, mais également pastorale et même touristique. Malheureusement, cet outil de la politique forestière a aujourd'hui disparu.

Enfin, nulle production forestière ne sera durablement possible si les entreprises et les différents organismes qui interviennent dans la gestion et l’exploitation des parcelles ne disposent pas d’une main-d’œuvre qualifiée en nombre suffisant. Or, actuellement, le recrutement se révèle de plus en plus difficile pour les métiers concernés, faute de formation adaptée mais aussi en raison de conditions d’exercice souvent dissuasives.

Relever ces défis, tout en répondant aux enjeux de la préservation de la biodiversité et du maintien du principe de multifonctionnalité – avec, en particulier, l’accueil du public – nécessite une animation sur le terrain et des moyens supplémentaires.

L’Office national des forêts fait un excellent travail mais il a été « saigné » par la révision générale des politiques publiques. Les centres régionaux de la propriété forestière, les CRPF, ont également vocation à accompagner les propriétaires privés, lesquels doivent aussi être aidés car ce n’est pas le prix du bois qui compensera les investissements nécessaires à l’exploitation…

Monsieur le ministre, nous vous savons pleinement investi sur l’avenir de nos forêts et sur cette économie qui, tout en étant écologiquement responsable, peut également être rentable. Aussi, nous espérons que vous saurez trouver les moyens nécessaires, notamment sur le plan financier, pour accompagner votre légitime ambition. §

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