Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 7 février 2013 à 15h00
Délais de prescription prévus par la loi sur la liberté de la presse — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa, rapporteur :

Ces chiffres sont, en tout état de cause, éloquents. Ils appellent à la réflexion, ils nous interpellent sur les conditions requises pour un apprentissage responsable de cet outil nouveau qu’est Internet.

Dans un pays comme le nôtre, où la menace de la sanction est brandie très tôt dans l’existence d’un enfant et continue d’encadrer en toute occasion la vie des adultes, bref, dans le contexte français, il semble pour le moins peu judicieux, quand bien même on le regretterait, de se prévaloir de l’exemple nord-américain pour laisser impunis les discours racistes, homophobes, sexistes ou autres, qui envahissent la « toile ».

À cet égard, la différence de délai de prescription entre différentes infractions touchant à la liberté de la presse se justifie d’autant moins qu’elle fragilise les actions menées en matière de répression des discriminations.

La présente proposition de loi vise donc à remédier à ces distorsions. Tout comme en 2004, elle ne concerne que marginalement les délits commis par voie de presse. En réalité, elle a une portée plus large, puisqu’elle vise les actes commis dans un cadre public, que les propos en cause soient écrits ou oraux.

L’extension du délai de prescription permettrait ainsi une nette avancée de la protection des droits des personnes, tout en simplifiant un régime aujourd’hui difficilement lisible.

Les victimes de ces infractions bénéficieraient toutes d’une protection comparable, Internet ayant multiplié les infractions commises à raison du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’identité sexuelle et, dans une moindre mesure, du handicap.

Le fait que ces infractions, faisant l’objet des mêmes peines, se prescrivent les unes par un an et les autres par trois mois peut être considéré comme créant un écart à tout le moins disproportionné.

Une modification du droit actuel, destinée à redonner une cohérence au dispositif de lutte contre les provocations à la discrimination, les diffamations et les injures commises en public, paraît donc s’imposer, d’autant que l’essor des réseaux sociaux, dont le développement était encore balbutiant à l’époque de l’examen de la loi dite « Perben II », a facilité leur diffusion en dématérialisant la parole et l’objet de ces propos diffamatoires.

Dans la contribution qu’elle a fait parvenir, l’Association des paralysés de France, l’APF, a, par exemple, souligné la multiplication des propos tenus contre les handicapés par le biais, notamment, de ces réseaux.

Comme pour tous les délits de presse, les infractions commises par le biais d’Internet sont des infractions instantanées, qui se prescrivent à compter du jour où elles ont été commises. Or, une fois la prescription acquise, les propos peuvent rester en ligne, hélas !

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