Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous pouvions nous y attendre, la commission mixte paritaire, réunie ce matin, n’a pas fondamentalement transformé le texte issu de nos travaux. Notre vote ne se trouvera donc pas non plus bouleversé.
Nous tenons à saluer deux avancées sanctionnées par la commission mixte paritaire. Elles sont encore trop timides, mais, portant sur des aspects clés du dispositif, elles n’en méritent pas moins d’être relevées.
La première avancée concerne la formation.
En première lecture, sur cette question à nos yeux déterminante, un amendement du groupe UDI-UC aux termes duquel les engagements de l’accord collectif en matière de formation devront être spécifiquement orientés en direction des jeunes les moins qualifiés a été adopté. Bien qu’ayant modifié son insertion dans le projet de loi, la commission mixte paritaire a heureusement maintenu cette mesure.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, en matière de formation, nous aurions souhaité aller beaucoup plus loin. Selon nous, de même que les emplois d’avenir auraient dû être réservés aux seuls jeunes non diplômés et obligatoirement assortis d’une formation de base, les contrats de génération auraient dû être réservés aux seuls jeunes faiblement qualifiés et obligatoirement assortis d’une formation qualifiante et diplômante d’approfondissement.
Monsieur le ministre, ce n’est pas le choix que vous avez fait. Avec la seule garantie offerte par le maintien de notre amendement, on est encore loin de ce que nous souhaitions, mais il s’agit tout de même d’une avancée en ce sens.
La seconde avancée que nous voulons saluer concerne la transmission des savoirs.
En vertu du texte issu de la commission mixte paritaire, les futurs accords collectifs relatifs au contrat de génération comprendront un volet « transmission des savoirs et des compétences ».
Il s’agit là d’une précision très importante, dans la droite ligne de certains de nos amendements, qui répond à la préoccupation primordiale de bien déterminer la fonction des salariés seniors dans le dispositif.
C’est la question de la définition et de la nature même du contrat qui se trouve posée. En effet, l’une des principales craintes que l’on peut exprimer à son endroit est qu’il n’ait de générationnel que le nom. Tel semblait être le cas avant la commission mixte paritaire, puisque le lien unissant le jeune embauché et son « binôme » senior n’était en rien explicité par le texte dans sa version initiale, ce à quoi a remédié l’amendement susmentionné.
Il s’agit donc bien à nos yeux d’une avancée, mais elle est encore timide. Nous aurions souhaité aller plus loin en explicitant dans la loi même le rôle du senior accueillant et, si cet acteur est distinct du premier, celui du senior justement chargé de la transmission des savoirs et des compétences. Il reviendra donc à l’accord collectif de le faire. Ce n’est pas, selon nous, la meilleure garantie, mais c’est mieux que rien. Au moins la commission mixte paritaire aura-t-elle pris en compte ce qui nous semblait être une faiblesse majeure du dispositif initial.
Le texte comporte donc deux avancées, insuffisantes à nos yeux mais notables, car porteuses d’espoir. En effet, associées aux deux caractéristiques centrales du dispositif, elles conduiront peut-être les contrats de génération à créer de l’emploi.
Ces deux caractéristiques sont les suivantes.
En premier lieu, comme son nom l’indique, le contrat de génération a vocation à dépasser le clivage générationnel qui sclérose théoriquement le marché du travail. La définition du rôle du senior partie au binôme y aidera.
En second lieu, et c’est à nos yeux fondamental, le contrat de génération s’adresse au secteur marchand, c’est-à-dire au secteur productif, au secteur qui forme réellement au monde du travail et est susceptible de produire des emplois pérennes. En cela, sa philosophie est aux antipodes de celle des emplois d’avenir parapublics.
Orientation vers le secteur marchand et, grâce au maintien de notre amendement, garantie d’une formation minimale pour les moins qualifiés : voilà de quoi effectivement créer de l’emploi.
Pour toutes ces raisons, bon nombre des membres du groupe UDI-UC voteront ce texte.
Cependant, la CMP n’a, hélas ! pas apporté que des choses positives. Nous regrettons qu’elle ait réintroduit la rupture conventionnelle homologuée intervenue dans les six mois précédant l’embauche du jeune dans la même catégorie professionnelle sur la liste des éléments privant l’entreprise du bénéfice de l’aide.
En première lecture, nous nous sommes abondamment exprimés sur cette question. La solution retenue ne nous semble pas des plus pertinentes.
D’une part, la rupture conventionnelle peut, par définition, être le fait du salarié, celui-ci souhaitant par exemple changer d’emploi. Dans ce cas, on ne voit vraiment pas pourquoi l’entreprise s’en trouverait pénalisée.
D’autre part, cette disposition rompt avec la philosophie même de la rupture conventionnelle, supposée être décidée d’un commun accord. Il s’agit d’un dispositif de pacification des rapports sociaux en entreprise : y recourir ne devrait, encore une fois, pas conduire cette dernière à être sanctionnée.
Par-delà la question de la rupture conventionnelle, la commission mixte paritaire a élaboré un texte devant lequel il est encore permis de rester circonspect, qu’il s’agisse de la formation ou du lien intergénérationnel.
Sur ces deux points, en dépit des timides avancées que nous avons saluées, nous pouvons craindre que l’effet d’aubaine ne joue à plein.
De plus, les contrôles a priori systématiques de l’administration qui jalonnent la procédure d’établissement du contrat de génération, ainsi que l’alternance de la carotte et du bâton – l’aide financière ou la sanction –, en fonction de la taille de l’entreprise, manifestent une nostalgie de l’économie administrée avec laquelle nous ne pouvons être en phase.
Plus globalement, c’est le plan général que vous proposez pour « inverser la courbe du chômage en 2013 » dont nous doutons sérieusement. Outre les contrats de génération, ce plan repose sur deux piliers : l’emploi public, avec les emplois d’avenir, et la lutte contre le chômage, avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
Cela conduira l’autre moitié des membres de mon groupe à s’abstenir sur ce texte : à s’abstenir, et non pas à voter contre, parce que, dans la situation actuelle, nous ne souhaitons pas nous opposer à une mesure susceptible d’aider un certain nombre de personnes à accéder à l’emploi ou à s’y maintenir.
Monsieur le ministre, en conclusion, permettez-moi un mot sur le rôle du Parlement. Ce rôle est très sérieusement remis en cause par ces lois qui sont la transcription d’accords nationaux interprofessionnels. La question se reposera très prochainement avec le texte relatif à la sécurisation des parcours professionnels.
L’enjeu est le suivant : comment concilier démocratie sociale et démocratie parlementaire ? Comment respecter les partenaires sociaux sans faire des assemblées de simples chambres d’enregistrement ?
Aujourd’hui – et ce sera apparemment encore plus vrai demain –, vous répondez à ces questions en limitant substantiellement la marge d’amendement parlementaire. C’est votre choix, il peut se défendre. Mais, tout de même, dans ce contexte, est-il bien respectueux du Parlement d’en profiter pour, de surcroît, faire passer des cavaliers aussi énormes que ceux qui ont été insérés dans le présent texte ?
Il en est ainsi de l’article 5 bis sur la transformation de postes de contrôleur du travail en postes d’inspecteur du travail, ces fonctions n’étant absolument pas concernées par le contrat de génération. Le cas de l’article 8, qui proroge les exonérations de charges pour prime annuelle aux salariés outre-mer, est encore plus flagrant. Monsieur le ministre, nous tenions à souligner ces incohérences. §