Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 12 février 2013 à 22h00
Création du contrat de génération — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation de l’emploi en France est particulièrement alarmante. Le mois de décembre dernier a ainsi été le vingtième mois consécutif de hausse du chômage. Pour stopper cette hémorragie incessante, le Gouvernement a décidé de faire de la bataille pour l’emploi une priorité absolue.

Monsieur le ministre, depuis votre prise de fonction, vous mettez en place toute une série de mesures destinées à favoriser l’emploi des exclus du monde du travail. Je pense tout d’abord aux emplois d’avenir, dispositif que nous avons adopté il y a quelques mois. Ils permettront d’ouvrir de véritables perspectives d’avenir à tous les jeunes non qualifiés, frappés de plein fouet par la crise, qui se trouvent dans une situation très difficile.

Avec les contrats de génération, aujourd’hui, nous allons faire d’une mesure phare du candidat François Hollande une réalité. Pour la première fois, nous traitons en même temps deux problématiques : le chômage des jeunes et le faible taux d’activité des seniors.

Enfin, très prochainement, nous devrions examiner le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, issu de l’accord national interprofessionnel conclu le mois dernier entre certains partenaires sociaux.

L’ensemble de ces textes montre combien le Gouvernement est mobilisé pour inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année. Mais cette bataille doit être l’affaire de tous. Elle doit rassembler l’ensemble des forces vives de notre pays et s’appuyer largement sur le dialogue social.

Nous nous réjouissons d’ailleurs, monsieur le ministre, que tous ces dispositifs aient fait en amont l’objet d’intenses concertations avec les organisations salariales et patronales. Cette nouvelle méthode de travail, véritable pilier de la démocratie sociale, mérite d’être de nouveau saluée.

En ce qui concerne le sujet qui nous occupe aujourd’hui, rappelons que le dispositif des contrats de génération a été validé par l’ensemble des partenaires sociaux. Nous aurions pu espérer qu’il recueille, de la même façon, l’adhésion de l’ensemble des parlementaires. Ce n’est malheureusement pas le cas. Pourtant, comment refuser de donner l’impulsion nécessaire à de nouvelles solutions pour l’emploi ?

Nous savons bien que ce dispositif ne résoudra pas à lui seul la question du chômage. Mais, en pleine crise économique, il apparaît comme un outil particulièrement adapté et, surtout, indispensable. Il nous faut tout mettre en œuvre pour combattre le chômage, véritable fléau qui ronge notre société.

Depuis le début de la crise économique, le nombre de demandeurs d’emploi poursuit inexorablement sa progression. Le chômage des 15-24 ans, notamment, a atteint un niveau sans précédent. L’accès à l’emploi leur est devenu très difficile. En cinq ans, le taux de chômage des jeunes actifs a progressé de sept points, soit deux fois plus que le taux global. Au troisième trimestre de 2012, l’INSEE dénombrait 670 000 demandeurs d’emploi de moins de 25 ans. Nous ne pouvons et ne devons pas accepter une telle situation !

Même si le diplôme constitue encore une sorte de rempart contre le chômage, les jeunes diplômés ne sont plus à l’abri. À la joie d’avoir obtenu un diplôme succède bien souvent un sentiment de frustration ! Les jeunes, variable d’ajustement quand l’activité ralentit, enchaînent les périodes de chômage et les embauches à titre précaire : intérim ou CDD de plus en plus courts. Pour reprendre les termes de l’avis du Conseil économique, social et environnemental de septembre 2012, « il est nécessaire de libérer les jeunes du boulet de la précarité ».

Avec les jeunes, les seniors sont parmi les plus touchés par le chômage. Près de 685 000 personnes de plus de 50 ans étaient inscrites à Pôle emploi en octobre dernier. Ce chiffre est d’autant plus inquiétant que les seniors, lorsqu’ils perdent leur emploi, éprouvent de grandes difficultés à en retrouver un autre.

Selon le douzième rapport, de janvier 2013, du Conseil d’orientation des retraites, dans la catégorie des 55-65 ans, seule une personne sur dix inscrites à Pôle emploi en 2010 avait retrouvé un travail en 2011, contre plus d’un tiers chez les 30-49 ans. Nous le savons bien, retrouver un travail à quelques années de la retraite relève du parcours du combattant. Même si les mentalités évoluent, les entreprises préfèrent les jeunes, moins chers et plus malléables. Les seniors peuvent facilement se retrouver en fin de droits et basculer dans la précarité, ce qui les contraint souvent à accepter, eux aussi, des « petits boulots », des CDD ou des missions d’intérim. Ce phénomène est d’autant plus marqué que l’âge de départ à la retraite a été repoussé ; nous avons déjà dénoncé cette évolution à maintes reprises sur ces travées.

Avec les contrats de génération, le Gouvernement met en œuvre une idée à la fois originale et pleine de bon sens : favoriser l’embauche des jeunes en CDI tout en maintenant l’emploi chez les seniors. C’est un pari audacieux, fondé sur la solidarité intergénérationnelle : il nous faut le tenter.

Monsieur le ministre, le dispositif que vous nous proposez constitue un signal fort dans la bataille que nous livrons contre le chômage. Il encourage les entreprises à maintenir les seniors dans l’emploi et à recruter des jeunes en contrat à durée indéterminée, c’est-à-dire à leur offrir une véritable stabilité et des perspectives d’avenir. Loin d’opposer les jeunes et les seniors, votre projet de loi favorise la solidarité entre les générations.

Les travaux menés tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat ont enrichi le dispositif et permis de parvenir à un texte abouti. Je tiens à saluer le travail de la commission, et tout particulièrement l’implication de Mme la rapporteur, Christiane Demontès, ainsi que celle d’Annie David.

Les députés ont notamment imposé le principe de l’embauche à temps plein, autorisé le contrat de génération « transmission » et limité les effets d’aubaine. Le Sénat a, quant à lui, rendu la formation qualifiante obligatoire pour le recrutement de jeunes non diplômés, ce dont nous pouvons nous féliciter. Il a aussi exclu la rupture conventionnelle homologuée de la liste des situations entraînant la suppression de l’aide.

Sur ce dernier point, les sénateurs du RDSE regrettent que la commission mixte paritaire ait choisi, ce matin, de réintroduire ce critère, qui risque, par son côté très restrictif, de constituer un message négatif à l’adresse des entreprises. Nous le redoutions.

La semaine dernière, l’ensemble des membres du RDSE vous avaient apporté leur soutien, monsieur le ministre. Malheureusement, ce soir, parce que la commission mixte paritaire a réintroduit le critère de la rupture conventionnelle, notre collègue Gilbert Barbier s’abstiendra. Les autres membres du groupe, s’ils auraient eux aussi préféré que la CMP ne revienne pas sur ce point avant l’établissement du bilan que vous évoquiez tout à l’heure, maintiendront néanmoins leur position et vous apporteront leur soutien, un soutien de conviction et d’espérance pour notre jeunesse. §

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