Intervention de Ronan Kerdraon

Réunion du 12 février 2013 à 22h00
Création du contrat de génération — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon :

Je veux, à cette tribune, saluer le travail réalisé par les deux rapporteurs de la commission mixte paritaire : Christiane Demontès, pour le Sénat, et Christophe Sirugue, pour l’Assemblée nationale. Tous deux ont su faire preuve d’un réel sens du compromis juste et équilibré, permettant l’adoption d’un texte commun, comme en témoigne d’ailleurs la réintroduction de l’intervention d’une rupture conventionnelle parmi les critères privant l’entreprise du bénéfice de l’aide. À l’instar du Gouvernement, ils ont privilégié l’instauration d’un dialogue riche et constructif.

Pour la première fois en France, et même en Europe, une politique publique de l’emploi essaie de dépasser le clivage quelque peu artificiel entre les jeunes et les seniors. Elle tend à privilégier une vision transversale des âges dans le monde du travail, pour favoriser la transmission des savoirs et des compétences.

Le contrat de génération est un formidable outil qui vient s’ajouter à l’arsenal déjà existant pour gagner la bataille de l’emploi. Il apporte une réponse claire, fondée sur l’indispensable réconciliation des âges et la solidarité entre les générations.

Il faut en finir avec l’opposition entre jeunes et moins jeunes, car un constat s’impose aujourd’hui : le marché du travail est organisé autour d’une seule génération – et encore ! –, celle des actifs âgés de 30 à 45 ans.

Ainsi, 25 % des jeunes sont touchés par le chômage. Certes, les seniors de plus de 55 ans connaissent un taux de chômage relativement faible, puisqu’il s’établit à 6, 5 %, mais le problème, pour eux, est de retrouver un emploi ! En effet, les entreprises françaises restent très frileuses quand il s’agit d’embaucher un senior. Comme le disait Normand Rousseau, « quand un fossé trop grand sépare deux générations, il y a toujours une génération qui se retrouve au fond du fossé » !

Le contrat de génération constitue l’un des leviers, l’une des réponses – mais une réponse claire, forte – en vue d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République : inverser la courbe du chômage.

Trois adjectifs, selon moi, peuvent caractériser le contrat de génération : pragmatique, efficace, solidaire.

Par pragmatisme et souci d’efficacité, le dispositif prévoit des modulations en fonction de la taille des entreprises : moins de 50 salariés, entre 50 et 300 salariés, plus de 300 salariés.

Il exprimera son efficacité dans la lutte contre le chômage, mais également contre la précarité des jeunes, en incitant à l’embauche en contrat à durée indéterminée : il faut le marteler sans relâche. Nous devons parvenir à infléchir les pratiques des entreprises et à faire du contrat à durée indéterminée la norme.

Un autre effet du dispositif est à souligner : la compétitivité des entreprises sera renforcée par une meilleure gestion de la pyramide des âges du personnel.

Le contrat de génération allie le soutien à la compétitivité et le développement des compétences à la nécessaire inclusion des jeunes et des seniors dans l’emploi ; c’est une mesure de création d’emplois, de solidarité intergénérationnelle. Il appelle à un changement de regard : au lieu d’opposer les générations, il les rassemble. La transmission des compétences est un enjeu considérable pour notre société.

Bien entendu, la politique de lutte contre le chômage et pour l’emploi, dont les emplois d’avenir constituaient une première mesure, ne saurait se résumer au seul contrat de génération.

Je veux, ce soir, de nouveau saluer la méthode sur laquelle le Gouvernement fonde depuis dix mois toute son action, à savoir le dialogue.

Ainsi, le dialogue avec les assemblées a prévalu tout au long des débats, en particulier ici au Sénat. Je tiens, monsieur le ministre, à vous en remercier ; nous accueillons avec satisfaction votre annonce sur la rupture conventionnelle.

Le dialogue a également été noué avec les partenaires sociaux. Ce n’était peut-être pas le plus facile, car il a trop longtemps été laissé en jachère pendant ces dix dernières années.

Oui, le dialogue social est parfois difficile, houleux même, mais il n’est pas impossible et, surtout, il est porteur d’avenir, en particulier dans un contexte social et économique comme celui auquel nous sommes confrontés.

Oui, la situation de l’emploi est particulièrement préoccupante. Le chômage a atteint un niveau historique : il touche 10 % de la population active. Toutes les générations perdent confiance en l’avenir. Il fallait donc redonner du sens au travail, et c’est l’un des objectifs du contrat de génération, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre.

Il faut faire de ce dispositif une source de motivation pour tous, en montrant qu’il est profitable à chacun ; en d’autres temps, on aurait parlé de dispositif « gagnant-gagnant ». Il permet au senior de voir son action au sein de l’entreprise prolongée et au jeune d’apprendre en situation, au contact des plus expérimentés. Bref, c’est une sorte de compagnonnage.

Mes chers collègues, le compte est bon et les engagements sont tenus : 500 000 contrats de génération, ce sont 500 000 emplois durables en entreprise pour des jeunes et un nombre bien plus grand encore de seniors confortés dans leur carrière.

Le contrat de génération permettra également un diagnostic et un réexamen des pratiques au sein des entreprises. Chaque entreprise de plus de 50 salariés aura à réaliser un état des lieux de la situation des jeunes et des seniors, ainsi que des savoirs et compétences essentiels. Les métiers dans lesquels existe un déséquilibre hommes-femmes seront identifiés, afin d’y remédier.

Je ne reviendrai pas sur l’intégralité des mesures contenues dans ce texte.

Lors de la discussion générale, la semaine dernière, j’avais souligné l’une des innovations majeures du dispositif : son utilisation pour contribuer à la transmission des petites entreprises et, par conséquent, son effet bénéfique sur le maintien du tissu économique de proximité cher à nos concitoyens.

De nombreux artisans qui, jusque-là, ne trouvaient pas de successeur vont enfin pouvoir passer le relais, et ainsi éviter que le travail de toute une vie ne se perde.

Le dispositif est un outil favorisant la compétitivité des PME : ainsi, les entreprises de moins de 300 salariés, dont les capacités en matière de ressources humaines sont moindres, bénéficieront d’une incitation financière pour s’engager dans le dispositif. En limitant le bénéfice de l’aide aux entreprises de moins de 300 salariés, on évitera les effets d’aubaine.

Quelles sont les clés du succès du contrat de génération ? J’en vois cinq.

Premièrement, les entreprises, en particulier leurs dirigeants, doivent prendre conscience des enjeux liés à la transmission des connaissances. Le savoir-faire des salariés représente un capital irremplaçable pour l’entreprise. Les patrons doivent en être convaincus et inclure cette dimension dans leur stratégie d’entreprise.

Deuxièmement, les managers ont un rôle déterminant à jouer dans l’application des contrats de génération. Ils doivent encourager les salariés de différentes générations à coopérer ensemble.

Troisièmement, la transmission doit s’effectuer de manière créative. Elle ne peut pas se borner à la lecture de documents écrits : le jeune et le senior doivent travailler ensemble, se parler, participer aux mêmes réunions, etc. Bref, il faut créer une vraie relation, où la confiance, une fois installée, devient motrice de nouvelles mentalités !

Quatrièmement, l’entreprise doit donner le goût aux seniors de transmettre leurs savoirs. Cela passe par la valorisation de leur expérience et de leurs compétences, par le respect et la reconnaissance de leur travail. Il faudra aussi les rassurer : ce n’est pas parce qu’ils vont former un jeune qu’ils vont être mis à la porte. Par ailleurs, il faut encourager un partage dans les deux sens : le senior transmet au jeune son expérience et le jeune peut le former dans les nouvelles technologies, par exemple.

Cinquièmement, l’État devra être le garant de la bonne utilisation du dispositif.

La mise en place du contrat de génération atteste une nouvelle fois de la mobilisation sans précédent de notre majorité en faveur de l’emploi depuis dix mois : renforcement des équipes de Pôle emploi, pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, investissements en faveur de l’innovation, de la croissance, de la recherche, de l’éducation, de la formation… Tout cela grâce, encore une fois, au dialogue social.

Mes chers collègues, en instaurant le contrat de génération, nous nous donnons des armes pour lutter efficacement contre le chômage, redonner à la jeunesse les moyens de décider de son avenir, redresser le pays dans la justice, conforter le rôle social des seniors.

Comme le disait François Mitterrand, « dans les épreuves décisives on ne franchit correctement l’obstacle que de face » : c’est ce que nous vous proposons de faire en votant ce texte. §

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