Je veux tout d’abord remercier les collègues qui ont bien voulu saluer le travail que j’ai conduit en matière de tarification sociale de l’eau, mais c’était un travail collectif, je m’empresse de le préciser.
Alors que nous abordons l’article 14, je veux simplement attirer l’attention sur les méthodes qui doivent être mises en œuvre pour rendre effectif le droit à l’eau.
Dans le travail que nous avions fait à l’époque – je rappelle que la loi issue de la proposition de loi que j’avais déposée a été promulguée le 7 février 2011 –, nous avions cherché à aller vers ceux qui ont besoin qu’on les aide à payer leurs factures d’eau.
En effet, on sait qu’aujourd'hui, dans certains territoires, ces factures peuvent se monter à 400, à 500, voire à 600 euros par an, et parfois même davantage ! Ces sommes représentent une charge très importante dans les budgets et, comme l’a dit notre collègue Évelyne Didier, on peut constater que les montants acquittés dépassent parfois le fameux plafond de 3 % du revenu proposé par l’OCDE.
C'est la raison pour laquelle il convient, à mon sens, de ne pas privilégier les solutions susceptibles de créer des effets d’aubaine ; tel est, du reste, le sens de l’amendement que j’ai déposé. C’est aussi pourquoi, dans nos travaux précédents, nous avions mis de côté le dispositif visant à rendre les premiers mètres cubes d’eau gratuits, qui semble de nouveau recueillir aujourd'hui une certaine faveur.
À première vue, cette mesure peut paraître la plus agréable et la plus facile à mettre en œuvre. Cela étant, tout le monde comprend bien qu’un dispositif qui prévoit la gratuité pour tous des premiers mètres cubes concernera, bien sûr, les familles en difficulté, mais aussi toutes celles et tous ceux qui, comme nous, peuvent parfaitement payer leurs factures d’eau.
De surcroît, même si l’on ne s’arrête pas à ce véritable effet d’aubaine, la mise en place de la gratuité des premiers mètres cubes d’eau au bénéfice de toute la population ne permettra pas d’atteindre le but recherché, d’après les échanges que nous avons eus avec les organisations altermondialistes. En effet, un tel dispositif affaiblira les services d’eau, en raison de son coût évident, et il faudra bien que les maires responsables des syndicats des eaux répercutent cette dépense supplémentaire.
Par ailleurs, je rappelle que, en milieu urbanisé, le nombre d’habitats collectifs est tout à fait important. En région parisienne, il n’y a très souvent qu’un compteur pour 100, 200 ou 300 appartements. Dans ces conditions, madame la ministre, comment ferez-vous ?
C’est la raison pour laquelle j’avais prévu, dans ma proposition de loi, d’attribuer des aides personnalisées aux familles qui en avaient véritablement besoin, par l’intermédiaire des fonds de solidarité pour le logement, les FSL. Et je veux vous dire, madame la ministre, que ce dispositif fonctionne très bien !
Avec l’expérience du syndicat des eaux d’Île-de-France, dont nous nous occupons Philippe Kaltenbach, Hervé Marseille et moi-même, nous voyons bien que c’est maintenant par milliers que des familles pauvres ou en difficulté bénéficient du « chèque eau », par l’intermédiaire des FSL.
J’attire donc votre attention sur la nécessité d’expérimenter et d’aller plus loin pour mettre en œuvre le droit à l’eau consacré par l’article 1er de la LEMA, sans toutefois tomber dans le piège de la facilité. De grâce, n’allons pas accorder à tout un chacun la possibilité de ne pas payer les premiers mètres cubes d’eau qu’il consomme ! Nous en serions nous-mêmes les premiers bénéficiaires, et l’opinion ne manquerait pas de s’en étonner…