Non, au stade des groupes de travail, les Etats ne peuvent pas bloquer le processus. Ce serait le cas échéant au niveau du comité des affaires fiscales. Mais c'est le travail de l'OCDE de trouver les solutions diplomatiques et techniques pour que cela ne se produise pas. Et les Etats qui ne seraient pas satisfaits par le plan d'action conservent la possibilité de s'abstenir. Enfin, le comité peut faire remonter la question au niveau du Conseil de l'OCDE, qui est l'instance de gouvernance ultime de l'Organisation.
Pour illustrer le processus, on peut reprendre la question des conventions multilatérales, dont l'objet d'ailleurs ne sera pas « d'écraser » les conventions bilatérales existantes, souvent élaborées sur des modèles de l'OCDE, dont le coeur de métier reste d'empêcher les doubles impositions. Disons qu'elles pourraient simplement « écraser » certaines de leurs dispositions - comme la définition des établissements stables par exemple. La définition de ce modèle pourrait prendre entre douze et dix-huit mois, mais il appartiendra ensuite aux Etats de décider si les signer ou non. Il s'agit plus d'une obligation morale que juridique - un « droit mou ». Mais je ne pense pas qu'il faille sous-estimer l'efficacité des obligations morales.
Pour conclure sur cette question, je ne peux pas vous dire qu'un accord sera atteint, mais je répète que le diagnostic est partagé et qu'il existe une volonté d'aller dans cette direction. En abordant les aspects concrets, des oppositions apparaîtront peut-être, et c'est alors la volonté politique qui fera la différence.
S'agissant des 400 schémas fiscaux agressifs, dont je souligne que beaucoup sont illégaux, ils n'ont évidemment pas vocation à être publiés, mais sont utiles aux services fiscaux des Etats, qui peuvent modifier leur législation en conséquence.
On ne peut pas dire qu'il y ait un secteur particulièrement exposé ; ils le sont tous, l'industrie comme les services, dès lors qu'ils ont accès aux outils internationaux. L'économie numérique est un peu à part, du fait de son mode opérationnel...
Concernant les prix de transfert, c'est un des points fondamentaux du futur plan d'action. Depuis vingt ou trente ans, le profit ne se situe plus dans la chaîne de valeur au niveau des usines, mais désormais dans ce qu'on appelle « les incorporels ». C'est ce changement qui permet des pratiques fiscales agressives en se servant des prix de transferts.
Sur la fiscalité écologique, on observe qu'elle parvient à des résultats importants en termes environnementaux. La Suède par exemple a mis en place une fiscalité environnementale exemplaire ; le Danemark également, avec une fiscalité assez forte. Ce qui n'empêche pas ces deux pays d'être parmi les plus compétitifs de l'OCDE.
Concrètement, le rapport montre bien que pour être efficace, il faut rapprocher la fiscalité du polluant. Ainsi, par exemple, la fiscalité sur les carburants est plus efficace que la fiscalité sur les véhicules énergivores. Certes, dans ce cas le nombre de véhicules vendus peut diminuer, mais cette baisse peut être compensée par une utilisation plus intensive. Et une fois le véhicule acheté, on ne peut plus influer sur le comportement de son propriétaire. A l'inverse, en intervenant sur le carburant, le contribuable est incité à adapter son comportement en empruntant par exemple les transports en commun ou la bicyclette.