La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède tout d'abord à l'audition de M. Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE).

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE. Ce centre joue un rôle à l'heure actuelle essentiel dans la préparation des sommets du G 20, au niveau ministériel et au niveau plénier. A ce titre, l'OCDE avait ainsi apporté sa contribution dans la lutte contre les « paradis » bancaires, juridiques et fiscaux.

Nous aurons aujourd'hui deux centres d'intérêt principaux. Tout d'abord, il y a l'actualité « chaude » avec le projet « BEPS » (Base Erosion and Profit Shifting), à savoir la lutte contre l'érosion des bases d'imposition et les transferts des bénéfices vers les Etats à fiscalité basse ou nulle. En deux mots, il s'agit de savoir si les impôts sur les bénéfices des entreprises garderont leur place dans les systèmes fiscaux nationaux. On observe en effet une réalité de plus en plus inégalitaire, d'une part entre les entreprises mono-sites ou implantées dans un seul pays, et de petite dimension, qui sont taxées au taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés, et d'autre part les firmes multinationales qui profitent des différences des systèmes fiscaux et se voient appliquer un taux d'imposition effectif très bas. Vos travaux consistent à s'interroger sur le caractère supportable ou non de cette inégalité, si l'on souhaite maintenir une fiscalité directe des entreprises dans nos pays.

La semaine dernière, vous avez présenté une communication sur cette question à la réunion des ministres des finances du G 20 de Moscou. Vous nous direz comment vous envisagez la suite des discussions internationales. Comme vous le savez, notre commission des finances s'est déjà intéressée à ces questions, en particulier à l'un des révélateurs de ce phénomène d'érosion : la fiscalité du secteur de l'économie numérique.

Puis, un peu plus « à froid », une seconde série de considérations sera abordée, concernant la montée en puissance d'une fiscalité environnementale. Le rapporteur général poursuit actuellement des travaux dans ce domaine. Vous nous exposerez votre approche méthodologique sur ce sujet. La fiscalité environnementale est-elle faite pour détruire son assiette ou permettra-t-elle de dégager des ressources permanentes, pour faire face à des charges récurrentes ?

La vision transversale de l'OCDE nous est particulièrement précieuse, puisque vous êtes le lieu où l'on peut tout observer, et notamment réaliser des « benchmark », des comparaisons entre les politiques fiscales des différents pays membres. Nous avons la chance que l'OCDE siège à Paris, mais je crois que nous ne faisons pas assez appel à elle, d'autant plus que vous êtes particulièrement désireux de nourrir nos débats, en leur apportant des éléments concrets et utiles. M. Pascal Saint-Amans, sans plus attendre, je vous invite donc à vous exprimer sur les deux sujets indiqués. Puis le rapporteur général vous interrogera, ainsi que les autres membres de la commission.

Debut de section - Permalien
Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre invitation. Je suis ravi d'être avec vous ce matin et que les travaux de l'OCDE puissent être utilisés pour nourrir le débat sur la fiscalité en France. Vous m'avez demandé de parler de deux sujets. Le premier fait l'objet d'une large couverture médiatique ; il s'agit du rapport « BEPS » sur l'érosion des bases d'imposition et les transferts de bénéfices. Le second sujet, la fiscalité environnementale, est bien moins couvert par les médias mais je crois que l'OCDE fournit des informations de base utiles pour élaborer les politiques publiques les plus adéquates.

Pourquoi travaille-t-on sur le sujet de l'érosion des bases fiscales et de quoi s'agit-il ? La plupart des trente-quatre pays membres de l'OCDE est confrontée, depuis de nombreuses années, au phénomène de réduction de la charge fiscale pesant sur les grands groupes multinationaux. Nous avons lancé en 2009 des travaux très productifs sur la lutte contre le secret bancaire. On peut considérer désormais qu'il n'existe plus de secret bancaire dans le monde. Un Forum mondial sur la transparence et l'échange d'informations à des fins fiscales, composé de cent vingt pays membres, s'assure de l'application des engagements pris par les Etats.

Néanmoins, un autre volet des « paradis fiscaux » restait en suspens, à savoir l'utilisation d'entités, plus ou moins « vides », localisées dans des juridictions à faible fiscalité. Ce thème a donné lieu à des campagnes de presse révélant que les taux effectifs d'imposition de certaines firmes multinationales présentaient un écart de dix, vingt voire trente points avec les taux nominaux d'imposition. Ces campagnes de presse ont trouvé un écho particulier au moment de la crise financière, qui a conduit la plupart des Etats membres de l'OCDE à vouloir collecter davantage d'impôts. Ceci s'est traduit par un mouvement général de hausse des impôts sur les personnes physiques et sur les petites et moyennes entreprises. Un exemple très frappant est le fait que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui existe dans trente-trois des trente-quatre pays membres de l'OCDE, ait augmenté dans vingt-cinq des Etats membres de l'OCDE. Cet écart entre la taxation effective de certains grands groupes et celle des petites et moyennes entreprises pose un problème politique, budgétaire mais aussi économique puisque les entreprises opérant dans un cadre strictement national sont pénalisées par rapport aux entreprises qui peuvent faire diminuer leur taux effectif d'imposition grâce à des transactions financières internationales. Il s'agit d'une distorsion de concurrence qui n'est pas bonne économiquement.

Il y a peu, ce problème a surgi sur le devant de la scène politique. Cela faisait plusieurs années que l'OCDE travaillait sur les règles de prix de transfert, avec la mise en place d'un groupe de travail d'une vingtaine de pays membres, se réunissant deux fois par an, au niveau des directeurs des impôts, afin d'échanger leurs connaissances relatives aux schémas fiscaux agressifs. Le projet « BEPS » sur l'érosion des bases fiscales a été lancé en avril 2012, lors du sommet du G 20 de Los Cabos, mais le sujet est vraiment devenu politique avec la médiatisation, au Royaume-Uni, des affaires concernant le taux d'imposition effectif de Google ou de Starbucks.

Comme l'a dit le président dans son propos liminaire, à plus long terme, c'est l'existence même de l'impôt sur les sociétés (IS) qui est en jeu. Le rapport explique qu'il existe tout d'abord un problème de mesure du phénomène d'érosion des bases d'imposition. Il y a, de plus, des données contradictoires : la part de l'impôt sur les sociétés dans les recettes fiscales globales n'a pas baissé au cours des vingt dernières années alors que les taux d'imposition ont baissé, ce qui fait dire à certains qu'il n'y a pas de problème avec l'IS. En réalité, le fait que la contribution de l'impôt sur les sociétés n'a pas beaucoup varié peut s'expliquer par la baisse des taux, l'augmentation des bases et le fait qu'une partie des entreprises individuelles se sont constituées en société, afin de profiter d'un taux plus favorable que celui de l'impôt sur le revenu.

En revanche, il y a un faisceau d'indicateurs montrant qu'il existe bel et bien un problème. En premier lieu, le taux effectif d'imposition de certaines sociétés est extrêmement bas, aux alentours de 3 %. En second lieu, les flux d'investissements directs à l'étranger (IDE) ont fortement augmenté. Il ne paraît pas tout-à-fait normal que les îles Vierges britanniques soient parmi les dix premiers investisseurs en Russie, ni que les Pays-Bas accueillent trois fois le volume de leur produit intérieur brut (PIB) en flux entrants et en flux sortants d'IDE.

La seconde partie du rapport sur l'érosion des bases fiscales (BEPS) s'interroge sur la nature du problème. Une donnée importante est la souveraineté fiscale des Etats, intimement liée à leur souveraineté territoriale. Depuis le premier modèle de convention fiscale, dans le cadre de la Société des Nations en 1927, les Etats ont cherché à se mettre d'accord pour éliminer les doubles impositions, en se partageant les droits d'imposer : l'Etat de la source prélève une retenue, tandis que l'Etat de résidence du bénéficiaire de ce dividende va taxer ce dividende et créditer le montant de la retenue à la source. Ces règles de fiscalité internationale, notamment les règles de prix de transfert fixant comment les groupes se facturent en interne les prestations de service ou les ventes de biens, ont été adaptées par l'OCDE et l'Organisation des Nations Unies (ONU) au cours des trente dernières années. La difficulté vient du fait que ces règles sont aujourd'hui utilisées pour organiser des doubles « non-impositions » des sociétés. Elles fonctionnaient lorsque les négociations avaient lieu entre deux Etats ayant un niveau d'imposition équivalent, mais la mondialisation a permis l'interposition de structures situées dans des Etats tiers. Un exemple bien connu est la pratique de la localisation d'une marque dans une société aux Bermudes, qui va « refacturer » l'ensemble des entreprises du groupe utilisant cette marque. En vertu des règles de prix de transfert et grâce à l'utilisation de produits hybrides, tels que les obligations convertibles en actions, il est possible de faire disparaître les profits dans le premier Etat, sans augmenter les profits dans l'autre. Les effets de cette combinaison de produits hybrides et de conventions fiscales sont aujourd'hui amplifiés par le fait que les Etats ont eu tendance à réduire leurs dispositifs anti-abus, dans un souci de préservation de la compétitivité. L'article 209 B du code général des impôts a, par exemple, été considérablement allégé.

Avec les difficultés budgétaires actuelles, les Etats souhaitent sortir de cette logique et c'est pour cela qu'ils se tournent vers l'OCDE. Plutôt que de changer quelques éléments dans les modèles de convention existants, peut-être faut-il revoir fondamentalement ces instruments, réviser le principe de pleine concurrence, mettre en place des dispositifs pour lutter contre les produits hybrides, qui facilitent l'arbitrage au sein des groupes multinationaux et peut-être modifier quelques définitions, telles que celle de l'établissement stable, en particulier dans le cadre de l'économie numérique.

Le G 20 a donné mandat à l'OCDE pour fournir, d'ici juin 2013, un plan d'action définissant la direction dans laquelle nous souhaitons aller et présentant de nouveaux instruments. Par exemple, la négociation d'une convention fiscale multilatérale, qui viendrait remplacer certaines dispositions des conventions bilatérales, serait pertinente. Cette option serait plus rapide que l'élaboration d'un nouveau modèle de convention et la renégociation de l'ensemble des conventions bilatérales existantes.

L'objectif est de mettre en oeuvre les mesures du plan d'action dans les deux ans à venir. Pourquoi cette rapidité ? Si l'on veut bouger, il faut parfois court-circuiter les mécanismes existants et savoir tirer parti de la pression politique. Les risques de ne pas aboutir sont nombreux, en raison de la souveraineté des Etats, des conséquences éventuelles en matière de déséquilibre entre la résidence et la source et une certaine forme de conservatisme au niveau international. Cette situation très complexe ne peut être résolue que grâce à un soutien politique fort et une approche « de haut en bas », car ce n'est pas au niveau des administrations que les règles vont pouvoir changer. C'est le message principal que je souhaitais vous faire passer sur cette question.

Le second volet de la discussion de ce jour concerne la fiscalité environnementale, sujet sur lequel l'OCDE travaille beaucoup.

L'Organisation a ainsi publié en 2011 un rapport intitulé « Fiscalité, innovation et environnement », qui évalue les différents instruments fiscaux. De plus, nous avons réactualisé en janvier 2013 l'inventaire des mécanismes de soutien en faveur de la consommation des combustibles fossiles dans les pays de l'OCDE. Car avant d'envisager une fiscalité « verte », peut-être faudrait-il commencer par démanteler la fiscalité « noire » ou les mesures qui incitent à la consommation et à la production d'énergies fossiles. Nous avons recensé 550 mesures en faveur de la consommation d'énergies fossiles dans les pays de l'OCDE. Certains de ces soutiens sont justifiés, notamment pour compenser l'augmentation du prix de l'énergie pour les ménages les plus pauvres. Mais le coût total de l'ensemble de ces mesures était compris entre 55 et 90 milliards de dollars américains entre 2005 et 2011. On est donc en présence de subventions aux énergies fossiles massives, mais qui sont désormais répertoriées.

Nous avons également publié en janvier dernier un rapport qui, pour la première fois, mesure le taux effectif d'imposition des différentes sources d'énergie, en fonction de la valeur énergétique consommée ou des émissions. Les différents schémas montrent aussi le coût des subventions selon les secteurs et les sources d'énergie. C'est un travail très factuel et il vous appartient d'en tirer les conclusions que vous voudrez. Les données collectées montrent que la fiscalité de l'énergie concerne aujourd'hui principalement le secteur des transports, tandis que les installations de chauffage sont très peu taxées et que la production d'électricité fait l'objet d'une imposition très variable selon les pays. Le rapport révèle aussi quelques paradoxes, par exemple le fait que le charbon a un taux d'imposition effectif bien plus faible que le pétrole ou le gaz naturel. De même, les industries de pêche sont systématiquement exonérées dans presque tous les pays de l'OCDE, en contradiction avec les objectifs environnementaux.

Ces données ont le mérite de venir alimenter le débat, il appartiendra au Parlement d'en tirer éventuellement des conclusions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ces sujets de la fiscalité des entreprises et de la fiscalité écologique nous tiennent à coeur et vont être l'objet d'évolutions importantes. Nous sommes au début d'un processus qui pourrait conduire à une harmonisation au niveau européen ou du moins à une plus grande intégration fiscale.

Mes questions porteront principalement sur la fiscalité écologique mais je vais auparavant « passer mon BEPS », comme on disait dans l'éducation nationale.

Le rapport que vous nous avez présenté évoque 400 schémas fiscalement agressifs, dont la plupart sont légaux. En d'autres termes, les entreprises ont un temps d'avance sur les législateurs, d'où la nécessité d'un plan global au niveau du lp. Mais au-delà des bonnes intentions avancées, estimez-vous que tous les Etats convergent sur la nécessité de lutter contre l'érosion des bases fiscales ? Et n'y a-t-il pas dans certains pays une tendance au renforcement de l'arsenal anti-abus, au risque d'une complexification du droit fiscal ?

En termes de calendrier, la date de juin 2013 que vous avez citée est-elle réaliste ? Il s'agit de mettre en extinction 3 000 conventions bilatérales et les Etats voudront s'assurer que le dispositif mis en place sera efficace, avant d'abandonner le système actuel, malgré ses imperfections.

D'autre part, votre rapport indique que les pratiques fiscales les plus agressives se situaient dans le domaine de l'industrie. Pouvez-vous illustrer ce point ?

Enfin, pouvez-vous nous expliquer en quoi le projet « BEPS » permettra de mieux encadrer les prix de transfert ?

S'agissant de la fiscalité écologique, avez-vous identifié les « bonnes pratiques » ou les meilleurs instruments fiscaux capables de modifier les comportements ? Et avez-vous étudié la question de l'impact des taxes environnementales sur la compétitivité ? Car il ne faudrait pas qu'une baisse des émissions de carbone se paye au prix d'une dégradation de la balance commerciale et d'une exportation de la pollution.

Concernant le projet de révision de la directive européenne, considérez-vous qu'il va dans le bon sens et quel jugement portez-vous sur le système français de taxation sur le diesel ?

Par ailleurs, vous soulignez que de nombreux pays ont mis en place des subventions aux énergies fossiles. Avez-vous étudié les conséquences économiques et sociales de l'éventuelle suppression de ces dispositifs, considérés comme nuisibles à l'environnement ?

Concernant la mise en place d'un « mécanisme d'inclusion carbone » appliqué aux frontières de l'Union européenne, cette voie a-t-elle été empruntée par certains pays et vous semble-t-elle praticable ?

Enfin, les difficultés du système communautaire d'échanges de quotas d'émission de CO2 plaident-elles, à vos yeux, en faveur d'un recours accru aux instruments strictement fiscaux ? Les mécanismes de marché sont-ils encore pertinents et transposables à d'autres sources de nuisances ?

Debut de section - Permalien
Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques

En ce qui concerne la fiscalité internationale, il y a assurément une volonté commune au sein du G 20 d'aboutir à un plan d'action, y compris de la part des Etats qui pourraient se sentir menacés. Je pense aux Pays-Bas, à l'Irlande...

Debut de section - Permalien
Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques

Oui, le Luxembourg ou encore la Suisse sont des pays par lesquels passent des montages. Mais ces Etats ont adopté le rapport et le Gouvernement néerlandais, par exemple, n'hésite pas à aborder ce sujet devant son Parlement. Ces Etats ont conscience des problèmes que pose l'érosion des bases fiscales, en mettant en danger la capacité des territoires à attirer des activités économiques.

George Osborne, chancelier de l'Echiquier, expliquait ainsi à Moscou, lors d'une conférence de presse, que le Royaume-Uni souhaitait avoir le système le plus compétitif possible, en réduisant le taux de l'impôt sur les sociétés, mais qu'il désirait que les entreprises acquittent effectivement l'impôt.

Il y a donc bien une volonté d'agir. L'accord sur le diagnostic permettra-t-il d'aboutir à un accord sur le plan d'action ? Je ne peux pas me prononcer, ce sont les Etats qui décideront jusqu'où ils sont prêts à aller.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pouvez-vous nous préciser le processus décisionnel ?

Debut de section - Permalien
Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques

Le G 20 a demandé à l'OCDE de présenter un plan d'action sur ce sujet. Concrètement, trois groupes de travail ont été mis en place pour traiter des différentes questions, au niveau des fonctionnaires. Par exemple, c'est la directrice de la législation fiscale qui y participe pour la France. Ces groupes ont adopté un fonctionnement plus souple que la pratique habituelle : les échanges se font par voie électronique ou conférences téléphoniques, pour des raisons de coût comme de rapidité. Ces échanges n'engagent pas les Etats, afin de laisser libre cours aux idées. Ils aboutiront à des notes qui seront fusionnées dans un plan d'action global et cohérent, au niveau du bureau du comité des affaires fiscales, auquel s'agrègeront les présidents des différents groupes de travail.

C'est ce plan qui sera soumis au comité des affaires fiscales, où siègent les représentants des Etats et où il faudra atteindre un consensus. Je rappelle à cet égard que l'OCDE fonctionne non pas sur l'unanimité - système dans lequel tout le monde doit dire « oui » - mais sur le consensus - où, plus simplement, personne ne doit dire « non ». Si le consensus est atteint, tout les Etats seront engagés, sinon seuls le seront les Etats ayant accepté le plan. Celui-ci sera ensuite présenté au G 20 par le secrétaire général de l'OCDE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Si, au stade de la fusion des notes, le représentant d'un Etat exprime son désaccord, le processus est-il bloqué ?

Debut de section - Permalien
Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques

Non, au stade des groupes de travail, les Etats ne peuvent pas bloquer le processus. Ce serait le cas échéant au niveau du comité des affaires fiscales. Mais c'est le travail de l'OCDE de trouver les solutions diplomatiques et techniques pour que cela ne se produise pas. Et les Etats qui ne seraient pas satisfaits par le plan d'action conservent la possibilité de s'abstenir. Enfin, le comité peut faire remonter la question au niveau du Conseil de l'OCDE, qui est l'instance de gouvernance ultime de l'Organisation.

Pour illustrer le processus, on peut reprendre la question des conventions multilatérales, dont l'objet d'ailleurs ne sera pas « d'écraser » les conventions bilatérales existantes, souvent élaborées sur des modèles de l'OCDE, dont le coeur de métier reste d'empêcher les doubles impositions. Disons qu'elles pourraient simplement « écraser » certaines de leurs dispositions - comme la définition des établissements stables par exemple. La définition de ce modèle pourrait prendre entre douze et dix-huit mois, mais il appartiendra ensuite aux Etats de décider si les signer ou non. Il s'agit plus d'une obligation morale que juridique - un « droit mou ». Mais je ne pense pas qu'il faille sous-estimer l'efficacité des obligations morales.

Pour conclure sur cette question, je ne peux pas vous dire qu'un accord sera atteint, mais je répète que le diagnostic est partagé et qu'il existe une volonté d'aller dans cette direction. En abordant les aspects concrets, des oppositions apparaîtront peut-être, et c'est alors la volonté politique qui fera la différence.

S'agissant des 400 schémas fiscaux agressifs, dont je souligne que beaucoup sont illégaux, ils n'ont évidemment pas vocation à être publiés, mais sont utiles aux services fiscaux des Etats, qui peuvent modifier leur législation en conséquence.

On ne peut pas dire qu'il y ait un secteur particulièrement exposé ; ils le sont tous, l'industrie comme les services, dès lors qu'ils ont accès aux outils internationaux. L'économie numérique est un peu à part, du fait de son mode opérationnel...

Concernant les prix de transfert, c'est un des points fondamentaux du futur plan d'action. Depuis vingt ou trente ans, le profit ne se situe plus dans la chaîne de valeur au niveau des usines, mais désormais dans ce qu'on appelle « les incorporels ». C'est ce changement qui permet des pratiques fiscales agressives en se servant des prix de transferts.

Sur la fiscalité écologique, on observe qu'elle parvient à des résultats importants en termes environnementaux. La Suède par exemple a mis en place une fiscalité environnementale exemplaire ; le Danemark également, avec une fiscalité assez forte. Ce qui n'empêche pas ces deux pays d'être parmi les plus compétitifs de l'OCDE.

Concrètement, le rapport montre bien que pour être efficace, il faut rapprocher la fiscalité du polluant. Ainsi, par exemple, la fiscalité sur les carburants est plus efficace que la fiscalité sur les véhicules énergivores. Certes, dans ce cas le nombre de véhicules vendus peut diminuer, mais cette baisse peut être compensée par une utilisation plus intensive. Et une fois le véhicule acheté, on ne peut plus influer sur le comportement de son propriétaire. A l'inverse, en intervenant sur le carburant, le contribuable est incité à adapter son comportement en empruntant par exemple les transports en commun ou la bicyclette.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le propriétaire d'un 4x4 est souvent insensible au prix du carburant...

Debut de section - Permalien
Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques

Notre analyse économique repose sur l'idée que le signal prix est efficace. Il est en tout cas plus efficace s'il se situe au niveau du polluant et non à l'étage au-dessus, au niveau du véhicule. Il faut également que son montant soit bien calibré, afin de refléter correctement l'externalité négative.

Vous m'avez demandé si la fiscalité écologique avait comme objet de détruire sa base. Il y a certes un risque, mais je dirais plutôt que non : elle peut faire diminuer sa base, mais pas la faire disparaître. Ainsi, on aura toujours besoin de carburant. Ce qui permet d'envisager un niveau de fiscalité élevé.

À ce titre, pour reprendre des éléments du rapport précité sur les niveaux effectifs d'imposition, les recettes fiscales environnementales ne représentent en France que 1,9 % du PIB, contre 4 % par exemple pour le Danemark.

Debut de section - Permalien
Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques

En Norvège c'est un peu moins, autour de 2,5 % du PIB. Au Mexique c'est l'inverse, le taux est négatif : l'utilisation d'énergie fossile est subventionnée, avec des conséquences désastreuses sur l'économie et l'environnement.

Concernant l'impact de la fiscalité écologique sur la compétitivité, je rappelle que sa mise en place peut s'accompagner d'une diminution de la fiscalité sur le travail par exemple, ce qui pourrait, au final, améliorer la compétitivité.

Globalement, il ne faut pas surestimer cet impact, contrairement à ce que disent les industriels. Il est très localisé sur le secteur de la production d'électricité notamment. Mais la France n'est que peu exposée à ce risque, du fait de la part du nucléaire et de l'hydraulique dans son « mix électrique ». De plus, cette production énergétique reste fondamentalement locale car l'électricité se transporte mal et à un coût élevé. Une éventuelle hausse de la fiscalité ne se traduirait donc pas par des délocalisations mais par des hausses de prix, ce qui serait l'effet recherché. Les plus exposés seraient cependant les industries électro-intensives, comme la production d'aluminium, ou celles particulièrement exposées à la concurrence internationale.

S'agissant de la proposition de révision de la directive énergie, nous pensons qu'elle va dans le bon sens en introduisant une composante « émissions de CO2 ». Le signal prix envoyé serait plus pertinent.

Au sujet de la fiscalité française sur le diesel, je relève que celle-ci est inférieure de 40 % à celle sur l'essence, par unité d'énergie consommée ou par carbone émis. C'est une distorsion préoccupante au regard des externalités négatives du diesel, et qui se traduit en tout cas par l'importance du parc de véhicules diesel français.

Enfin, s'agissant du choix entre instruments fiscaux et mécanismes de marché, il faut préciser les différences de ces deux outils : dans le premier cas, les pouvoirs publics fixent le prix et le marché fixe le volume ; dans le second, ils fixent le volume quand le marché fixe le prix. Dans le cas du système communautaire d'échange de quotas, le volume a été fixé avant la crise de 2008, et donc à un niveau trop élevé, ce qui se traduit par un prix trop faible d'à peine 5 euros la tonne. J'ai personnellement une préférence pour l'outil fiscal, mais demeure la difficulté à déterminer son montant, et donc le coût de l'externalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Merci pour ces réponses, Monsieur le directeur. Vous avez évoqué le Mexique, cas unique au sein de l'OCDE pour ce qui concerne l'ampleur de ses subventions à la consommation d'énergie fossile. Cela dit, en dehors du « club des riches » qu'est l'organisation, de tels comportements sont plus fréquents. Ainsi, en Egypte, pays où s'est rendue une délégation de la commission l'année dernière, pas moins d'un tiers du budget national est consacré à de tels usages. Cela se retrouve d'ailleurs dans le niveau de pollution de l'air d'une ville comme Le Caire, qui se répand ensuite hors des frontières égyptiennes...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Ayant suivi, à la commission de l'économie, les travaux du « Grenelle de l'environnement », je pense que nous devons taxer les activités polluantes tout en restant attentifs à la question cruciale de la compétitivité.

Sur ce dernier sujet, je note qu'en France les prélèvements obligatoires représentent environ 45 % du PIB. Et, par rapport à ce que l'on observe dans des pays comparables au nôtre, les dépenses administratives sont plus élevées chez nous d'environ 12 % du PIB. Le rapport de Louis Gallois et celui de la Cour des comptes ont pointé cette difficulté. Vous-même, n'y voyez-vous pas un handicap majeur pour la compétitivité française ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

J'aurai deux questions, chacune en lien avec l'un des thèmes développés par Monsieur Saint-Amans.

Tout d'abord, je m'interroge sur la notion de « paradis fiscal » et son évolution au fil du temps. L'OCDE a établi des listes de pays selon leur degré de transparence, Etats et territoires pouvant ainsi être « noirs », « gris » ou « blancs ». Or il me semble que désormais seuls huit Etats sont encore ainsi « montrés du doigt ». Faut-il en conclure que tous les autres ont été convertis à la transparence ? Et comment définissez-vous un paradis fiscal ?

Ensuite, sur l'environnement, je crois que l'exploitation des gaz de schiste fait l'objet d'importantes subventions aux Etats-Unis, ce qui allège de beaucoup la facture des groupes pétroliers. Pourriez-vous nous préciser si la rentabilité des gisements de gaz de schiste outre-Atlantique dépend de l'octroi de telles aides ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Devant le brillant exposé de Monsieur Saint-Amans, je me trouve à la fois admiratif d'un point de vue intellectuel mais gêné politiquement.

En effet, lutter contre l'érosion des bases de l'impôt sur les sociétés est sans doute très bien mais, a minima, il faudra du temps pour parvenir à des résultats et il est même probable qu'au bout du compte, nous n'y arrivions pas - ce qui nourrit le désabusement de nombreux Français au regard de ce que deviennent l'Europe et le monde.

A côté de cela, la fiscalité environnementale frappera sans difficulté sa cible, c'est-à-dire, pour forcer le trait, le pêcheur breton qui travaille dur pour gagner peu et qui verra, à côté de lui, l'armateur néerlandais vendre son excédent de quotas carbone sur le marché européen. Quelque part, on en revient à la taille et à la gabelle !

Je me permets d'insister ; alors que l'industrie allemande utilise à plein le charbon - énergie polluante s'il en est - afin de faire tourner ses usines à prix réduit, songeons à l'amertume et à la colère de ce pêcheur breton que l'on voudra taxer après l'avoir traité de « profiteur ». Si nous ne voyons pas monter cette colère, nous irons dans le mur !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Or nous le savons bien, la taille et la gabelle peuvent conduire à la révolution...

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur Saint-Amans, lorsque, l'année dernière, la commission d'enquête du Sénat sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, dont j'étais le rapporteur, vous a reçu, vous nous aviez parlé de 350 schémas d'optimisation fiscale utilisés par les entreprises. Vous en êtes à présent à 400. Faut-il en conclure que de nouvelles pratiques sont mises au jour ? D'autre part, un pays comme la France utilise-t-il votre inventaire ? Et, même si l'on comprend bien que vous ne souhaitiez pas énumérer publiquement ces pratiques, les parlementaires pourraient-ils en avoir connaissance afin, si nécessaire, de pouvoir améliorer la loi ?

Par ailleurs, vous aviez exprimé devant la commission d'enquête votre scepticisme quant à l'obligation, pour les groupes multinationaux, de transmettre une comptabilité détaillée pays par pays. Votre position a-t-elle évolué depuis lors ?

Enfin, la France, l'OCDE ou encore le Groupe d'action financière (GAFI) disposent chacun de leur liste de paradis fiscaux. Ne serait-il pas possible d'en harmoniser la définition ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Merci pour votre éclairage précieux sur le BEPS. Vous le savez peut-être, le Sénat s'est récemment penché sur un type particulier d'érosion d'assiette fiscale à l'occasion de l'examen de la proposition de loi du président Marini pour une fiscalité numérique neutre et équitable. Il s'agit sans doute d'une fiscalité d'avenir mais il n'est pas simple d'en définir les contours ni les modalités d'application. Pourriez-vous nous livrer l'état des réflexions de l'OCDE sur ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je pense que votre exposé, clair et intéressant, montre bien que nous atteignons les limites de notre architecture fiscale dans un monde fondamentalement non coopératif. On le voit bien au niveau de l'Europe : à partir de l'ambition d'harmoniser la définition des bases d'impôt sur les sociétés, l'Union européenne a finalement créé un vingt-huitième modèle, à côté des modèles existants dans les Etats membres, qui ont tous été maintenus.

Pour l'OCDE, la lutte contre l'érosion des bases d'impôt sur les sociétés n'est-elle pas un combat perdu d'avance ? Les multinationales se jouant des pays et des frontières nationales, n'est-il pas préférable de renoncer à taxer la production et de se dire que la fiscalité est une affaire entre l'Etat et ses résidents fiscaux ? Après tout, la fiscalité dite des entreprises est bien, in fine, acquittée par les individus.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Sur le « vieux sujet » des prix de transfert, l'OCDE a-t-elle une idée du manque à gagner lié à cette pratique d'optimisation fiscale pour les Etats membres ainsi que sur la répartition de ce manque à gagner ? Envisagez-vous de créer un observatoire sur cette question précise ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

L'exposé lumineux de M. Saint-Amans me met un peu mal à l'aise. Il faudra de la pédagogie pour expliquer à nos concitoyens que le secret fiscal a disparu de notre monde.

Quant à la fiscalité environnementale, je comprends, d'un point de vue théorique, qu'il vaut mieux taxer le carburant plutôt que la puissance du moteur. Néanmoins, dans un cas, on taxe les riches qui ont les moyens d'acquérir un véhicule de grosse cylindrée et, de l'autre, on taxe les pauvres, contraints de conserver de vieux véhicules plus gourmands en carburant que les voitures actuelles. Pour ma part, je préfère imposer les riches.

Debut de section - Permalien
Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques

Je remercie les sénateurs pour leur intérêt à mes propos et pour ces questions qui embrassent l'ensemble des deux problématiques.

Je souhaite tout d'abord réagir à la gêne de Monsieur Germain. Vous avez raison, Monsieur le Sénateur, mais ce constat doit nous conduire à l'action et non à l'inaction ! En effet, les technocrates comme moi ne peuvent agir que s'ils sont portés par une volonté politique. Je l'ai dit, pourquoi est-ce difficile de bouger les choses en matière d'érosion des assiettes d'impôt sur les sociétés ? Parce que nous sommes contraints par la souveraineté fiscale, qui existe bel et bien. Dès lors, le réalisme m'amène à constater qu'une chance d'avancer existe à partir de l'OCDE, au sein de laquelle peut émerger un consensus né de l'intérêt de tous à ne pas laisser perdurer la double « non-imposition » que je vous ai décrite, puis du G 20, en raison du poids politique des Etats qui y siègent et de la contrainte qu'ils peuvent exercer sur les autres. La clef, c'est la volonté politique. Donc agissez à votre niveau, c'est votre rôle.

A propos de l'impact social de la fiscalité écologique, j'ai répondu tout à l'heure à la question qui m'était posée, c'est-à-dire « qu'est-ce qui est bon pour l'environnement ? ». A côté de cela, bien entendu, ces impôts auraient également un effet d'un point de vue social et il revient aux autorités politiques d'arbitrer en tenant compte de l'ensemble des paramètres. Néanmoins, laissez-moi revenir sur l'exemple du Mexique, dont les nouvelles autorités souhaitent faire évoluer le modèle. Ce pays compte de nombreuses exonérations de TVA à visée essentiellement sociale. Or on constate que, dans un tel système, il faut donner dix aux riches, qui profitent aussi de ces exonérations, afin de donner un aux pauvres. A partir de là, ce que dit l'OCDE, c'est que les exonérations de TVA ou d'impôts de consommation comparables sont régressives - tout comme la TVA elle-même d'ailleurs. Il vaut donc mieux procéder par des transferts de ressources afin de compenser l'effet de telles réformes pour les plus démunis. Encore une fois, tout cela dépend de vos arbitrages.

Monsieur Bocquet, je vous confirme que le répertoire des schémas d'optimisation fiscale se développe car nous continuons à découvrir de nouvelles pratiques. Je sais que les administrations de pays comme la France ou l'Italie utilisent nos travaux.

S'agissant des paradis fiscaux, je ne saurai en livrer une définition qui ferait autorité. Le rapport de l'OCDE de 1998 se fondait sur quatre critères - absence de fiscalité, de transparence, de coopération fiscale et d'activité économique réelle - ce qui a alors abouti à l'inscription de quarante-et-un pays. Depuis, nous avons vraiment progressé : le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, qui compte 120 membres, pratique des « revues par les pairs » qui passent au crible les pratiques concrètes des différents Etats ou territoires. Le nombre d'accord d'échanges de renseignements entre pays est passé, en moins de quatre ans, de quarante à huit cents. La France en a d'ailleurs conclu beaucoup. L'échange à la demande, préconisé par l'OCDE, est devenu une norme ; c'est un vrai progrès, que nous devons souligner. Est-ce pour autant suffisant alors que les Etats-Unis souhaitent généraliser l'échange automatique de renseignements pour ce qui les concerne avec la loi dite FATCA (Foreign account tax compliance Act) ? Nous verrons cela à l'avenir mais, en tout cas, nous progressons.

Pour ce qui concerne les « coquilles vides », certains Etats ou territoires ont contourné nos critères en instaurant une fiscalité très faible, mais qui existe. La démarche dite « BEPS » de l'OCDE ne vise pas à éliminer ce modèle, ce qui ne serait pas compatible avec le concept de souveraineté fiscale, mais à le rendre inopérant en éliminant l'intérêt pour une multinationale de loger ses actifs incorporels sous de tels cieux. Comme je vous l'ai indiqué, nous espérons obtenir un consensus là-dessus.

J'en arrive à l'économie numérique. J'ai pris connaissance avec intérêt du rapport rédigé par Pierre Collin et Nicolas Colin - d'autant qu'il renvoie à des négociations au sein de l'OCDE le soin de donner une définition de l'établissement stable propre à l'économie numérique. Pour ma part, je considère qu'il revient aux Etats de définir une base taxable pertinente et n'ai donc guère de commentaire à formuler. Je me demande s'il ne s'agit pas simplement d'un problème de perception de TVA...

Sur les prix de transfert, je ne dispose d'aucun élément pour répondre à la question de Joël Bourdin. Nous souhaitons, dans un premier temps, collecter des données qui nous permettraient d'en savoir davantage.

Ce dernier point fait écho à la question de l'obligation pour les multinationales de tenir une comptabilité pays par pays. Pour ma part, je constate qu'il n'y a pas de consensus actuellement pour imposer cela aux entreprises même si, sur le principe, un surcroît de transparence est toujours préférable à l'opacité.

Enfin, à propos de la pertinence de conserver un impôt sur les sociétés, j'observe que cette question est débattue dans l'univers académique mais pas au sein des Etats, parmi lesquels émerge un consensus clair en faveur de ce type de taxation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pour ma part, je considère qu'on ne saurait récuser l'impôt sur les sociétés sans nier la valeur ajoutée apportée par l'entreprise du fait de son travail et de son organisation. Or cette valeur ajoutée existe réellement. Dès lors, il est à la fois juste et efficace de la taxer sur une base territoriale.

De manière générale, au terme de cette audition très intéressante, je souhaite saluer le volontarisme de Pascal Saint-Amans. Après tout, si les grands Etats parvenaient à un consensus afin de mettre fin à l'érosion des bases d'impôt sur les sociétés, ce serait un fait politique majeur dont chacun devrait bien tenir compte. Nul ne saurait vivre en marge de toute évolution.

Puis la commission décide de proposer au Président du Sénat la désignation de Mme Michèle André et de M. Albéric de Montgolfier pour siéger au sein du Comité national d'orientation de la société anonyme BPI-Groupe.

Enfin la commission désigne MM. Yvon Collin et Philippe Dallier en qualité de membres du groupe de travail (commun avec la commission des lois et la commission des affaires économiques) sur les outils fonciers à disposition des élus locaux.