Intervention de Pascal Saint-Amans

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 février 2013 : 2ème réunion
Audition de M. Pascal Saint-amans directeur du centre de politique et d'administration fiscales de l'ocde

Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques :

Je remercie les sénateurs pour leur intérêt à mes propos et pour ces questions qui embrassent l'ensemble des deux problématiques.

Je souhaite tout d'abord réagir à la gêne de Monsieur Germain. Vous avez raison, Monsieur le Sénateur, mais ce constat doit nous conduire à l'action et non à l'inaction ! En effet, les technocrates comme moi ne peuvent agir que s'ils sont portés par une volonté politique. Je l'ai dit, pourquoi est-ce difficile de bouger les choses en matière d'érosion des assiettes d'impôt sur les sociétés ? Parce que nous sommes contraints par la souveraineté fiscale, qui existe bel et bien. Dès lors, le réalisme m'amène à constater qu'une chance d'avancer existe à partir de l'OCDE, au sein de laquelle peut émerger un consensus né de l'intérêt de tous à ne pas laisser perdurer la double « non-imposition » que je vous ai décrite, puis du G 20, en raison du poids politique des Etats qui y siègent et de la contrainte qu'ils peuvent exercer sur les autres. La clef, c'est la volonté politique. Donc agissez à votre niveau, c'est votre rôle.

A propos de l'impact social de la fiscalité écologique, j'ai répondu tout à l'heure à la question qui m'était posée, c'est-à-dire « qu'est-ce qui est bon pour l'environnement ? ». A côté de cela, bien entendu, ces impôts auraient également un effet d'un point de vue social et il revient aux autorités politiques d'arbitrer en tenant compte de l'ensemble des paramètres. Néanmoins, laissez-moi revenir sur l'exemple du Mexique, dont les nouvelles autorités souhaitent faire évoluer le modèle. Ce pays compte de nombreuses exonérations de TVA à visée essentiellement sociale. Or on constate que, dans un tel système, il faut donner dix aux riches, qui profitent aussi de ces exonérations, afin de donner un aux pauvres. A partir de là, ce que dit l'OCDE, c'est que les exonérations de TVA ou d'impôts de consommation comparables sont régressives - tout comme la TVA elle-même d'ailleurs. Il vaut donc mieux procéder par des transferts de ressources afin de compenser l'effet de telles réformes pour les plus démunis. Encore une fois, tout cela dépend de vos arbitrages.

Monsieur Bocquet, je vous confirme que le répertoire des schémas d'optimisation fiscale se développe car nous continuons à découvrir de nouvelles pratiques. Je sais que les administrations de pays comme la France ou l'Italie utilisent nos travaux.

S'agissant des paradis fiscaux, je ne saurai en livrer une définition qui ferait autorité. Le rapport de l'OCDE de 1998 se fondait sur quatre critères - absence de fiscalité, de transparence, de coopération fiscale et d'activité économique réelle - ce qui a alors abouti à l'inscription de quarante-et-un pays. Depuis, nous avons vraiment progressé : le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, qui compte 120 membres, pratique des « revues par les pairs » qui passent au crible les pratiques concrètes des différents Etats ou territoires. Le nombre d'accord d'échanges de renseignements entre pays est passé, en moins de quatre ans, de quarante à huit cents. La France en a d'ailleurs conclu beaucoup. L'échange à la demande, préconisé par l'OCDE, est devenu une norme ; c'est un vrai progrès, que nous devons souligner. Est-ce pour autant suffisant alors que les Etats-Unis souhaitent généraliser l'échange automatique de renseignements pour ce qui les concerne avec la loi dite FATCA (Foreign account tax compliance Act) ? Nous verrons cela à l'avenir mais, en tout cas, nous progressons.

Pour ce qui concerne les « coquilles vides », certains Etats ou territoires ont contourné nos critères en instaurant une fiscalité très faible, mais qui existe. La démarche dite « BEPS » de l'OCDE ne vise pas à éliminer ce modèle, ce qui ne serait pas compatible avec le concept de souveraineté fiscale, mais à le rendre inopérant en éliminant l'intérêt pour une multinationale de loger ses actifs incorporels sous de tels cieux. Comme je vous l'ai indiqué, nous espérons obtenir un consensus là-dessus.

J'en arrive à l'économie numérique. J'ai pris connaissance avec intérêt du rapport rédigé par Pierre Collin et Nicolas Colin - d'autant qu'il renvoie à des négociations au sein de l'OCDE le soin de donner une définition de l'établissement stable propre à l'économie numérique. Pour ma part, je considère qu'il revient aux Etats de définir une base taxable pertinente et n'ai donc guère de commentaire à formuler. Je me demande s'il ne s'agit pas simplement d'un problème de perception de TVA...

Sur les prix de transfert, je ne dispose d'aucun élément pour répondre à la question de Joël Bourdin. Nous souhaitons, dans un premier temps, collecter des données qui nous permettraient d'en savoir davantage.

Ce dernier point fait écho à la question de l'obligation pour les multinationales de tenir une comptabilité pays par pays. Pour ma part, je constate qu'il n'y a pas de consensus actuellement pour imposer cela aux entreprises même si, sur le principe, un surcroît de transparence est toujours préférable à l'opacité.

Enfin, à propos de la pertinence de conserver un impôt sur les sociétés, j'observe que cette question est débattue dans l'univers académique mais pas au sein des Etats, parmi lesquels émerge un consensus clair en faveur de ce type de taxation.

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