Intervention de Jean-Pierre Michel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 février 2013 : 1ère réunion
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe — Audition de Mme Christiane Taubira garde des sceaux ministre de la justice et Mme Dominique Bertinotti ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé chargée de la famille

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel, rapporteur :

Il s'agit d'un système proche de celui appliqué en Espagne, qui ferait « masse » des deux articles de coordination et les érigerait en un principe général du droit inscrit en tête du code civil. Cela éviterait les discriminations dans la mesure où il faudrait se référer à cet article pour appliquer les textes, mais je n'en dirai pas plus aujourd'hui.

Je veux dire à Mme Bertinotti, ainsi qu'à Mme Taubira, que nous avons eu trois séries d'interventions intéressantes. Les premières, qui se poursuivront demain, concernent l'adoption.

Aujourd'hui, le statut de l'adoption n'est pas satisfaisant. Aussi doit-il être totalement revu pour tous les couples, quels qu'ils soient. Cela vaut tant en matière législative que, en pratique, pour ce qui concerne les décrets d'application. Lors de l'audition précédente a été évoquée la façon dont les agréments sont délivrés, celle dont les données sont prises en compte, etc. Cette question, qui a été longuement développée, devra, à mon avis, faire l'objet d'un débat. Les dispositions qui figurent dans le projet de loi seront maintenues, sous réserve de quelques modifications, mais l'ensemble devra être revu dans une réforme future. Tel est, en tout cas, le souhait de toutes les associations de parents adoptifs et de parents adoptants que nous avons auditionnées.

Par ailleurs, des auditions de professeurs de droit m'ont paru très intéressantes. Je ne parle pas de ceux qui sont favorables au texte ; je parle de ceux qui sont arrivés de façon neutre. A cet égard, je citerai Jean Hauser, professeur émérite de droit privé à l'université Montesquieu Bordeaux IV, et Florence Millet, maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise, qui sont des civilistes.

Selon eux, le Gouvernement a fait le choix du mariage. Certes, il aurait pu en faire un autre, mais c'est celui qu'il a fait. Personnellement, je suis d'accord avec le choix opéré par le président de la République lorsqu'il était candidat. Dès lors, il faut, nous ont-ils dit, que nous ayons le courage d'aller jusqu'au bout et que nous admettions dans le futur texte sur la filiation, qui intégrera, je pense, le projet de loi sur la famille et peut-être les modifications des lois de bioéthique, qu'il existe deux lignes de filiation pour tous les couples et même pour les familles monoparentales : une filiation naturelle, biologique, et une filiation volontaire.

Il faudra mettre toutes ces questions à plat, y compris celle des filiations issues de la procréation médicalement assistée, car nous sommes dans un monde où le sexe - mais pas seulement ! - et la procréation sont mondialisés : on le sait bien, il est possible d'aller à l'étranger pour bénéficier d'une procréation médicalement assistée - on choisit le pays en fonction de la somme d'argent dont on dispose - et on peut même choisir sur internet les méthodes de procréation médicalement assistée. Dès lors, veut-on laisser aller ce libéralisme mondialisé jusqu'au bout ? En d'autres termes, veut-on que les abus se poursuivent ? Veut-on que la loi ne puisse pas s'appliquer en France ?

Plus grave, même si certains parents y sont hostiles, au motif que ces familles savent qu'elles enfreignent la loi et qu'elles ne peuvent, à ce titre, bénéficier d'aucune rémission, que fait-on des enfants ?

Les enfants qui naissent de cette façon à l'étranger, « illégalement », n'y peuvent rien et sont aujourd'hui des victimes : ils n'ont pas d'état civil complet et n'avaient pas non plus de nationalité jusqu'à la parution de votre circulaire, madame la garde des sceaux. C'est pourquoi il faut encadrer ces pratiques. Pour ma part, c'est ce que j'ai toujours pensé - mais peu importe mon opinion personnelle -, mais c'est, en tout cas, ce que nous ont dit ces professeurs de droit. D'ailleurs, mes chers collègues, un certain nombre d'entre vous étaient présents à ces auditions très intéressantes.

Bien sûr, des débats devront avoir lieu. Je pense notamment au Comité consultatif national d'éthique. Chacun pourra s'exprimer et, ensuite, le Gouvernement et le Parlement prendront leurs responsabilités, comme ce fut le cas - je fais toujours ce parallèle, qui est un peu osé - lors de la légalisation de l'avortement. Même si les débats ont été très vifs sur ce sujet, on a finalement légalisé une pratique qui existait auparavant. Si tel n'avait pas été le cas, un nombre considérable de femmes auraient continué de mourir.

Enfin, l'Association des maires de France a proposé tout à l'heure un certain nombre d'amendements - j'en ai parlé avec les membres de votre cabinet, madame la garde des sceaux - auxquels je ne suis pas défavorable, sous réserve d'un examen plus approfondi. Nous devrons en discuter, mais l'un d'entre eux a été adopté à l'unanimité, me semble-t-il, par l'Assemblée nationale, tandis que les deux autres ont été rejetés. Ils visent à résoudre, sans le dire vraiment, le nombre infime de cas où il existerait une opposition frontale - ce n'est jamais souhaitable ! - entre les couples qui veulent se marier et l'officier d'état civil. Toutefois, ne pensons pas que, demain, dans tous les villages de France les plus reculés, des couples homosexuels vont se présenter à la mairie pour se marier.

Tels sont les points qui font l'objet de notre réflexion. Ma collègue Michelle Meunier va vous apporter des précisions complémentaires.

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