Comme vous le savez, le groupe UMP a choisi d'inscrire dans son temps réservé les deux projets de loi déposés par le précédent gouvernement et adoptés par l'Assemblée nationale, portant application de l'article 11 de la Constitution.
Je vais faire un rapport oral relativement succinct pour consacrer plus de temps à l'examen des amendements déposés sur ces deux textes.
La modification de l'article 11 par la révision du 23 juillet 2008, est l'aboutissement d'une longue réflexion visant à associer plus étroitement le citoyen à l'élaboration de la loi. Les comités respectivement présidés par le doyen Georges Vedel en 1993 et M. Edouard Balladur en 2007 ont conclu à l'introduction dans la Constitution d'un dispositif référendaire qui fasse plus de part aux électeurs.
Donnant corps à cette réflexion, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a fixé les règles de cette nouvelle initiative référendaire.
Tout d'abord, le référendum ne peut porter que sur les matières définies par l'article 11 de la Constitution, c'est-à-dire « l'organisation des pouvoirs publics, des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou l'autorisation de ratifier un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions », ce qui exclut les réformes à caractère sociétal.
Le référendum doit être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement sous la forme d'une proposition de loi. Elle est contrôlée par le Conseil constitutionnel et si elle est validée, l'initiative est ensuite soumise à une sorte de droit de pétition : un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales doivent soutenir la proposition de loi déposée par un cinquième des parlementaires.
Le juge constitutionnel vérifie que les deux conditions sont réunies. La proposition de loi peut alors être examinée par chacune des deux chambres du Parlement. Si elle ne l'est pas dans un délai déterminé par la loi organique, le Président de la République doit la soumettre au référendum.
Le seul délai inscrit dans la Constitution est celui fixé pour la promulgation de la loi en cas d'adoption référendaire : les quinze jours suivant la proclamation des résultats de la consultation.
Lors de la discussion de la révision constitutionnelle en 2008, le débat a eu lieu sur l'opportunité d'introduire un tel mécanisme : certains de nos collègues, dans les différents groupes politiques, étaient partisans de cette formule ; d'autres s'y opposaient. Finalement, la réalité de ce qui a été adopté s'apparente plus à un droit de pétition qu'à un référendum.
Aujourd'hui, tout groupe parlementaire a le droit de demander l'inscription d'un texte à l'ordre du jour de son assemblée. Il pourra demander l'inscription d'une proposition de loi référendaire et, quels que soient les résultats de l'examen de cette proposition, le Président de la République ne pourra plus la soumettre à référendum même si elle a été rejetée car elle aura été examinée.
Ce dispositif n'a donc que l'apparence d'un référendum d'initiative populaire.
Je vous renvoie aux propos de notre ancien collègue Robert Badinter : « Je me suis interrogé : qu'est-ce, au regard des droits du Parlement, que ce mélange bizarre qui nous est présenté ? Giraudoux avait raison : l'imagination est la première forme du talent juridique. Ici, elle a simplement pris le tour que Clemenceau se plaisait à dénoncer sarcastiquement : « Vous savez ce que c'est qu'un chameau ? C'est un cheval dessiné par une commission parlementaire. » Aujourd'hui, nous avons affaire à un chameau comme, depuis plus de douze ans que je suis sénateur, je crois n'en avoir jamais rencontré. ».
Je vous proposerai des amendements sur six points, complétés par une interrogation.
La Constitution parle d'une initiative qui « prend la forme d'une proposition de loi ».
Je vous propose de ne pas partager le point de vue de l'Assemblée nationale et donc de créer une proposition de loi spécifique, appelée « proposition de loi référendaire », susceptible d'être signée par des députés et des sénateurs. Les signataires devront préciser auprès de quelle assemblée la proposition sera déposée.
Nous sommes dans un exercice républicain et je vous présente cet amendement pour être aussi respectueux que possible de la lettre de la Constitution.
Si on veut recueillir 4,5 millions de signatures, le délai de trois mois prévu par le projet de loi organique est trop court ; je vous proposerai donc de le porter à six mois.
A l'inverse, je propose de réduire la durée du délai d'examen par le Parlement de 12 à 9 mois. Dans ce cas là, on ne perd pas de temps par rapport à ce qu'ont décidé les députés au final ; la durée globale de la procédure prendra place dans les mêmes délais que ceux fixés par l'Assemblée nationale.
Au terme de ce délai et en l'absence d'examen par le Parlement, le projet de loi organique prévoit que le Président de la République dispose de quatre mois pour soumettre la proposition de loi au référendum : cette condition ne figure pas dans la Constitution. Je vous propose donc de supprimer tout délai et si l'examen par le Parlement n'avait pas eu lieu dans le délai fixé, le Président de la République pourrait immédiatement procéder au référendum.
S'agissant du recueil des soutiens, l'Assemblée nationale a prévu qu'il s'effectuera seulement par Internet. Pour moi, ce dispositif restrictif pose beaucoup de problèmes.
Les députés ont prévu l'installation d'une borne électronique dans chaque chef-lieu de canton, ce qui risque de donner lieu à un certain nombre de débats à la suite des modifications proposées par le projet de loi en cours d'examen réformant le scrutin départemental. C'est un système coûteux et il est choquant de recourir à la seule voie électronique. Je vous propose d'autoriser aussi le recueil des signatures par papier, en renvoyant la fixation des modalités au décret.
Concernant la commission de contrôle, le texte constitutionnel est d'une clarté totale : le contrôle de la validité des signatures relève de la compétence du Conseil constitutionnel et de lui seul. L'Assemblée nationale a maintenu une commission qui, pour moi, n'a pas de légitimité. Un parallèle est fait avec la commission de contrôle de l'élection présidentielle mais ni son origine, ni ses missions, ni ses pouvoirs ne sont réellement comparables. Je vous propose donc que le contrôle soit entièrement confié au Conseil constitutionnel conformément à la lettre de la Constitution. Le Conseil peut faire appel à des rapporteurs, à des rapporteurs adjoints, il peut recruter du personnel pour assurer cette tâche.
Je propose de clarifier les sanctions pénales applicables en cas de fraude et de les codifier.
- Présidence de M. Patrice Gélard, vice-président -
Il s'agit enfin de prendre en compte la décision du 28 septembre 2000 du Conseil constitutionnel qui a estimé nécessaire d'inscrire dans la loi les règles permanentes régissant l'organisation des référendums, au lieu de les définir par décret à chaque nouveau référendum.
Je souhaite maintenant connaître votre sentiment en ce qui concerne le financement des opérations liées au recueil des signatures. Dans le projet de loi adopté par les députés, seuls les partis et groupements politiques peuvent participer à ce financement. Je vais vous proposer d'introduire un plafonnement pour les dons des personnes physiques.
Mais s'agissant de référendums pouvant concerner des sujets économiques et sociaux, ne serait-il pas opportun de permettre aux partenaires sociaux, organisations syndicales salariales ou patronales et aux associations reconnues d'utilité publique de pouvoir financer des opérations de recueil de signatures ? Des organisations syndicales, des associations pourraient être intéressées par de telles actions, ce n'est peut-être pas une bonne chose d'avoir un monopole des partis politiques et des personnes privées, réserve faite d'éventuelles dérives.
Je n'ai cependant pas déposé d'amendement ; je souhaite consulter la commission à ce sujet.