La commission entend tout d'abord Mme Nicole Belloubet, candidate proposée par M. le président du Sénat à la nomination au Conseil constitutionnel en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ainsi qu'au vote sur cette proposition de nomination.
Je souhaite la bienvenue à Mme Belloubet, candidate proposée par M. le Président du Sénat à la nomination au Conseil constitutionnel. Nous auditionnerons ensuite Mme Maestracci, candidate proposée par M. le Président de la République. En application de l'article 13 de la Constitution, de la loi organique du 23 juillet 2010 et de la loi simple du même jour, les commissions compétentes des deux assemblées sont appelées à formuler un avis sur ces nominations. A l'issue de ces auditions, nous nous prononcerons donc par deux votes à bulletins secrets ; aucune délégation de vote n'est possible. En ce qui concerne la candidate proposée par le Président de la République, auditionnée également par la commission des lois de l'Assemblée nationale, le dépouillement aura lieu en même temps. Vous nous présenterez votre parcours, l'idée que vous vous faites de votre mission en tant que membre du Conseil constitutionnel, ainsi que votre vision de l'avenir de cette institution, source de nombreuses réflexions dans notre Assemblée, certains préconisant la reconnaissance des opinions dissidentes, d'autres un changement de sa composition.
Je dois au Président du Sénat l'honneur d'être parmi vous. Péguy pensait que « tout est joué avant que nous ayons 12 ans ». Je suis originaire d'une famille d'agriculteurs de l'Aveyron. Mes grands-parents sont montés à Paris pour devenir bougnats puis cafetiers. Je suis née à Paris, mais j'ai souvent séjourné chez mes cousins agriculteurs. Ma famille m'a appris la valeur du travail, valeur cardinale pour moi, y compris avec les défauts qui l'accompagnent. Toutefois, je pense plutôt comme Erasme, qu' « un homme ne naît pas homme mais le devient », phrase détournée par Simone de Beauvoir. Ma personnalité s'est construite progressivement et j'ai connu des expériences diverses. Je suis professeure de droit, et ma nomination au Conseil constitutionnel, institution centrale de notre République, revêt à cet égard un sens particulier. J'ai également été rectrice d'Académie, fonction qui m'a donné l'expérience de la gestion d'un service public. Elue territoriale, je connais la réalité de la relation quotidienne avec les citoyens. Enfin, en tant que femme, j'ai porté le combat pour la parité et ai présidé un comité de suivi pour l'égalité des chances entre les filles et les garçons dans les systèmes éducatifs.
Je suis d'abord universitaire et professeure de droit administratif. Ma thèse, intitulée « Pouvoirs et relations hiérarchiques dans l'administration française », est la quatrième sur ce sujet loin d'être épuisé. Il m'a fallu huit ans pour l'écrire, sans bourse, tout en élevant mes enfants. Je suis devenue ensuite maître de conférences, ai obtenu l'agrégation puis suis devenue professeure à l'université d'Evry-Val d'Essonne. Pendant ce temps j'ai poursuivi mes travaux de recherche, participé à des colloques, écrit des articles et des ouvrages en droit administratif et parfois en droit constitutionnel. Pendant trois ans j'ai été directrice de la recherche à l'Institut international d'administration publique, ancienne Ecole coloniale puis Ecole nationale de la France d'outre-mer, dans les locaux qui accueillent aujourd'hui, à Paris, l'Ena. A ce titre j'ai accompli de nombreuses missions de formation dans les pays francophones d'Afrique et d'Asie. J'ai également dirigé la Revue française d'administration publique et été membre du comité de rédaction de la Revue Pouvoirs, coordonnant plusieurs numéros, où certains enseignants, devenus sénateurs, ont écrit. Même si j'ai été élue depuis, j'ai toujours considéré que les fonctions électives ne sont que temporaires et souhaité continuer à exercer ce métier.
J'ai également été nommée rectrice d'académie en vertu des hasards de la vie et de la volonté du Premier ministre de l'époque de féminiser la haute fonction publique, d'abord à Limoges puis à Toulouse, pendant huit ans. J'ai appris l'art de diriger et de gérer un grand service public, l'académie de Toulouse comptant 50 000 fonctionnaires. Il s'agit d'un service public essentiel pour la République, destiné à former des citoyens non seulement éclairés mais aussi « incommodes » selon le mot de Condorcet. L'école a accompagné la croissance de notre pays pendant les Trente Glorieuses. Aujourd'hui elle est désacralisée et les études révèlent ses contreperformances. Il faut réfléchir à ses missions et les travaux en cours vont dans ce sens. Comme élue locale j'ai aussi constaté que le développement des territoires dépend de l'innovation et donc de la formation. L'éducation n'est pas un coût, mais un investissement d'avenir. Dans un rapport remis à M. Jack Lang en 2001, intitulé 30 propositions pour l'avenir du lycée, j'avais développé ces idées. Enfin, l'éducation suppose une construction partagée des politiques entre l'État et les collectivités territoriales. Cette expérience a fondé mon engagement aux côtés de M. Vincent Peillon, dans le cadre de la refondation de l'école, qui m'a confié la présidence d'un des quatre groupes de travail, celui consacré à la réussite scolaire.
Enfin, je suis élue territoriale. Dès ma rencontre, en première année d'université, avec une professeure d'histoire du droit, j'ai su que je voulais devenir professeure d'université. Surtout ma vocation pour la chose publique était née. Simple militante, j'ai longtemps été élue d'opposition dans un petit village de la banlieue parisienne,. Quand j'ai cessé d'être rectrice, j'ai été élue première adjointe au maire de Toulouse, chargée de la culture, et première vice-présidente de la région Midi-Pyrénées, chargée de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'ai aussi été élue à la Communauté urbaine.
Ces cinq dernières années m'ont permis de porter un autre regard sur les politiques publiques menées par l'Etat. Il faut d'abord conduire des politiques orientées en fonction du choix des électeurs : j'ai le souvenir de notre action pour donner accès à tous les jeunes Toulousains à une pratique culturelle soutenue, conformément à nos choix, anticipant sur la réforme des rythmes scolaires. En outre les politiques doivent s'adapter à la diversité des territoires. Dans une région grande comme la Belgique, il y a une grande métropole de 1,5 millions d'habitants, Toulouse, et de vastes zones rurales.
Il convient aussi d'aborder les problématiques sociales et économiques de façon innovante : j'ai élaboré un schéma régional de l'enseignement supérieur et pour l'action économique. Ce passage du service de l'État à celui des collectivités territoriales a correspondu avec la découverte d'un dialogue concret avec les citoyens.
Ces expériences multiples, comme toutes les personnes que j'ai rencontrées qui ont exercé une influence sur ma personnalité, et que je n'ai pas évoquées, expliquent sans doute le choix du Président du Sénat.
Après avoir longtemps hésité, j'ai choisi « la rectrice ».
Je laisse la parole aux membres de la commission : je ne sais s'ils sont « incommodes »...
Je suis heureux que le M. le Président du Sénat ait choisi une femme pour siéger au Conseil constitutionnel. Mais les mérites de votre candidature ne se limitent pas à cette caractéristique...
Au Conseil constitutionnel, vous aurez à exploiter vos compétences juridiques. Plusieurs questions suscitent régulièrement des débats entre le Parlement et cette institution. Ma première interrogation concerne la difficulté à concilier des préoccupations différentes de même niveau constitutionnel. Nous réfléchirons bientôt à la fin de vie. Comment articuler le droit à la vie, qui appartient à notre ordre juridique, et le respect des libertés individuelles, qui donnent à chacun le droit de choisir sa mort ?
La compétence pour légiférer sur le cumul des mandats appartient-elle à chaque assemblée ou ne relève-t-elle, en dernier ressort, que de l'Assemblée nationale ?
Enfin, concernant le Conseil constitutionnel, estimez-vous que les modalités de ses délibérations, de désignation de ses membres, ou d'exercice de ses responsabilités sont satisfaisantes dans une démocratie moderne ?
Quelles disciplines enseigniez-vous à Paris comme à Toulouse ? Votre spécialité paraît plutôt être la science administrative. Quels ont été vos travaux de recherche, même si vos fonctions de rectrice ou de vice-présidente d'une région ont pu ne vous laisser que peu de temps pour vous y consacrer ?
Vous n'avez pas présenté votre vision du Conseil constitutionnel. Votre présentation, magnifique pour un candidat à des élections sénatoriales, convenait moins à une personne proposée à la nomination au Conseil constitutionnel. Certains projets de réforme existent depuis longtemps sur la présence des anciens Présidents de la République ou encore sur l'expression des opinions dissidentes : celles-ci existent dans de nombreuses cours constitutionnelles. Or, la tradition du Conseil est l'unanimisme. L'expression d'opinions dissidentes aboutirait à établir une hiérarchie entre les décisions prises à l'unanimité, susceptibles de créer des précédents, et les autres.
Que pensez-vous également de la Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), innovation majeure ? Le rôle du Conseil constitutionnel est-il celui d'une cour constitutionnelle ? Que pensez-vous, enfin, du mode de désignation des membres du Conseil ?
L'action du Conseil constitutionnel doit-elle avoir une dimension politique ? Et, le cas échéant, jusqu'où ?
Votre question est un modèle de concision, mais, comme les sujets de dissertation d'une ligne, elle est difficile.
Votre carrière d'élue locale a été fulgurante. Quelle est votre opinion sur les modes de scrutin proportionnel et uninominal, et leur articulation ?
Quel est, par ailleurs, votre sentiment sur la décentralisation et le rôle de l'État dans nos territoires ?
Le Conseil a beaucoup évolué depuis sa création, notamment en raison de l'ouverture de la saisine à 60 députés ou sénateurs. Avec la QPC les citoyens ont reçu ce pouvoir et le changement est d'importance. Comment envisagez-vous l'évolution du Conseil constitutionnel pendant les neuf années où vous siégerez ?
Sur le cumul des mandats, le Conseil constitutionnel a d'abord considéré que la loi organique était relative au Sénat et devait être adoptée avec son approbation, puis il a jugé qu'elle ne lui était pas spécifique et concernait tous les parlementaires, et ne relevait donc pas d'une procédure particulière. Qu'en pensez-vous ?
L'expérience de responsabilités politiques est enrichissante, mais un juge constitutionnel doit oublier la subjectivité partisane. Comment ferez-vous pour être un conseiller totalement objectif ?
Je ne peux vous interroger sur les textes que vous aurez à connaître, vous ne pourriez répondre. Comment envisagez-vous vos fonctions au sein du Conseil constitutionnel ? Vous êtes juriste, mais le Conseil constitutionnel comportait peu de juristes quand de grandes décisions ont été rendues. Pourriez-vous préciser votre vision de l'organisation politique de notre pays ?
A l'occasion de cette audition initiatique pour la candidate comme pour notre commission, nous découvrons le champ des questions que nous pouvons poser. La candidate ne peut répondre à des questions sur la jurisprudence et il est évident qu'elle connaît la Constitution. Le Conseil constitutionnel a jugé qu'il ne détenait pas le pouvoir d'appréciation qui appartient au législateur, évidence politique et juridique. Néanmoins, il est amené à combiner des normes diverses : dans sa décision sur les nationalisations la mention de la « juste et préalable indemnité » prévue dans la Déclaration de 1789 a eu d'importantes répercussions. Quelle ligne guide l'association de plusieurs normes de droit ?
Certaines décisions du Conseil constitutionnel, annulations d'élections ou de mesures délibérées au Parlement, répondant à des engagements pris devant les Français, semblent heurter la souveraineté populaire. Est-ce normal ? Comment l'expliquer à la population ?
Au Conseil constitutionnel siègent d'éminents magistrats, tels l'ancien Premier président de la Cour de Cassation et l'ancien Vice-président du Conseil d'État. Il me semble exagéré de considérer le Conseil constitutionnel comme une cour suprême ; la Cour de cassation et le Conseil d'État tendent déjà à se considérer comme telles...
Comment articuler le contrôle de constitutionnalité, avec le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne et les jurisprudences de la Cour de Cassation et du Conseil d'État, car le Conseil constitutionnel refuse tout contrôle de conventionalité ? Ce système a des hiatus. Comment envisagez-vous les risques de contrariété de jurisprudence entre le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation notamment, apparus lors de refus de transmission de QPC ?
Je suis heureuse de vous accueillir dans une assemblée où la parité est imparfaite. Mais vous connaissez la difficulté d'être une femme dans une assemblée masculine...
Comment articuler la Charte de l'environnement et les droits sociaux énumérés dans le Préambule de 1946 ? Le Conseil constitutionnel s'est peu appuyé sur elle jusque-là.
Quelle appréciation portez-vous sur l'intégration des normes européennes dans notre droit ?
Monsieur Gélard, comme tout enseignant de droit public, j'ai dispensé des cours de droit administratif, de droit constitutionnel et de doit communautaire ; actuellement à l'Institut d'études politiques j'enseigne essentiellement le droit européen. Je retrouverai avec bonheur le droit constitutionnel !
Le Conseil constitutionnel a considérablement évolué. Il avait été créé au début de la Ve République pour limiter les pouvoirs du Parlement. Depuis la perspective a changé. Il ne constitue pas une cour suprême mais une cour constitutionnelle : la procédure et la QPC, introduite en 2008, en témoignent. Sa juridictionnalisation était nécessaire. Il devient un juge de protection des droits et libertés fondamentales plus qu'un juge de la procédure, soumis à l'exigence de concilier les droits et les libertés avec l'intérêt général. A cette fin il doit s'appuyer sur les travaux des parlementaires qui éclairent la volonté de la représentation nationale.
Cette évolution vers une cour constitutionnelle protège le rôle du Conseil d'État et de la Cour de cassation. Une spécialisation se dessine entre cours suprêmes, en même temps qu'une association par le biais de la QPC et de la procédure de renvoi. Mais les juges des cours suprêmes sont des juges négatifs de la constitutionnalité, alors que le Conseil constitutionnel affirme son rôle de juge positif. La complémentarité est nette : pour apprécier la constitutionnalité d'un texte transmis dans le cadre d'une QPC, le juge s'appuiera en effet sur la jurisprudence des autres cours.
Madame Tasca, le juge Pescatore disait que le droit européen était un droit de l'intégration. Une des tâches du Conseil constitutionnel sera de progresser en ce sens. Certes la Constitution reste au sommet de l'ordre juridique français. Mais le Conseil constitutionnel contrôle désormais la conformité des lois de transposition de directives à ces directives, sous réserve du respect des traditions constitutionnelles de la France. Il adopte une attitude de plus en plus intégratrice de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de justice de l'Union européenne. Le dialogue des juges est une réalité.
Monsieur Richard, je crois à la capacité d'interprétation du Conseil constitutionnel. Le droit vaut par l'interprétation des juges. En l'occurrence, elle est fondée sur la conciliation des principes fondamentaux.
Ma vie politique antérieure ? Je serai soumise à une obligation de réserve et d'impartialité, dans le double sens défini par la CEDH d'impartialité subjective, plus délicate, et objective. Je veillerai à respecter ces obligations.
Je n'avais pas songé à l'articulation de la Charte de l'environnement et du Préambule de 1946, sauf à propos de l'éducation : l'alinéa 13 du Préambule pose le principe d'un enseignement public, laïque, gratuit et obligatoire, tandis que la Charte de l'environnement évoque l'éducation à l'environnement. Le Conseil constitutionnel a déjà intégré la Charte dans le bloc de constitutionnalité. Mais il est plus difficile d'en mesurer les applications pratiques.
Monsieur Cointat, dans les années à venir, il me semble que le Conseil constitutionnel devra approfondir la piste du dialogue des juges, en respectant le partage des attributions entre un juge de constitutionnalité et des juges de conventionalité et du fond.
Concernant la présence des anciens Présidents de la République, je ne saurais répondre à la place du constituant. Il s'avère qu'ils siègent peu, pour différentes raisons. La très grande majorité des décisions du Conseil sont rendues en leur absence. La juridictionnalisation de la procédure pourrait conduire le constituant à réfléchir à cette appartenance de droit.
La QPC constitue une innovation majeure et un succès quantitatif : 5000 demandes, 1500 transmises, 250 décisions rendues dont 54% de conformité. C'est aussi un succès qualitatif car le contrôle s'oriente sur les droits fondamentaux.
Quant au mode désignation des membres du Conseil constitutionnel, j'espère que j'en serai satisfaite après le vote...
Mes questions portaient, à dessein, sur des sujets qui entreront bientôt dans le champ de la discussion : le respect du droit à la vie et la liberté individuelle, le non-cumul des mandats. Vous ne pouvez pas y répondre. Telle est l'ambiguïté de cette audition. Certes la possibilité de se prononcer sur une proposition de nomination au Conseil constitutionnel représente un progrès pour le Parlement. Mais le vote à la majorité qualifiée négative prive notre vote d'incidences sur la décision, à moins d'un événement inattendu. De plus, les questions d'ordre politique sont interdites car le candidat ne saurait se prononcer à l'avance sur les textes qu'il aura à examiner. Nous constituons pourtant une assemblée politique, non un jury de concours, et il ne nous appartient pas de nous prononcer sur l'aptitude professionnelle de Mme Belloubet.
De deux choses l'une : ou le Conseil constitutionnel a vocation à fonctionner comme un tribunal indépendant du pouvoir politique, et la question de la manière dont ses membres sont nommés reste posée, ou il assume sa fonction politique et alors nous devons pouvoir tenir un débat sur le fond, sans quoi cette réunion se limite à un entretien convivial validant un processus qui reste sous le contrôle de l'exécutif.
Les délais dont dispose le Conseil constitutionnel pour prendre ses décisions sont très brefs, par comparaison avec la Cour fédérale allemande par exemple. Qu'en pensez-vous ?
M. Mézard m'a posé une question sur la décentralisation et le rôle de l'Etat.
Telle n'était pas mon intention !
Les modes de scrutin sont choisis par le législateur dans le respect du suffrage universel.
Certes, les délais sont brefs : un mois pour le contrôle a priori et trois mois pour les questions prioritaires de constitutionalité (QPC). Mais c'est ce qui fait que le juge constitutionnel se cantonne dans sa fonction, n'intervient pas en juge de la conventionalité et s'appuie sur les cours suprêmes. Cette étroitesse des délais a aussi un effet sur la rédaction des décisions : elle est synthétique, n'expose pas les opinions dissidentes, ce qui est un atout pour le travail collectif. Le Conseil constitutionnel a-t-il une dimension politique ? Tout dépend du sens qu'on donne à ce mot. Le Conseil constitutionnel utilise davantage la gomme que le crayon, aurait dit l'actuel président du Conseil ; il se tourne assez souvent vers le législateur pour récrire le texte.
Puis la commission entend Mme Nicole Maestracci, candidate proposée par M. le président de la République à la nomination au Conseil constitutionnel en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ainsi qu'au vote sur cette proposition de nomination.
Nous procédons à présent à l'audition de Mme Maestracci, qui a présidé pendant plusieurs mois l'instance préparatoire à la conférence de consensus, dont les travaux nous intéressent beaucoup.
Magistrate du siège dans l'ordre judiciaire depuis 1979, j'ai commencé ma carrière comme avocate, collaboratrice d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de Cassation. J'ai exercé toutes les fonctions du siège à l'exception de celles de juge d'instruction. J'ai été en particulier juge des enfants et juge d'application des peines, à une époque où ces fonctions étaient moins valorisées qu'aujourd'hui. Ce sont des fonctions du temps long : on y suit l'évolution des personnes et l'on comprend les conséquences des décisions que nous rendons. J'ai été conseiller à la Cour d'appel, puis présidente de chambre à la Cour d'appel de Paris, où j'ai traité le contentieux commercial tout en étant chargée de la coordination des juges d'application des peines. J'ai été présidente du tribunal de Melun pendant plusieurs années, et suis actuellement présidente de la Cour d'appel de Rouen. Dans ces fonctions de chef de juridiction, il faut veiller à ce que la justice soit correctement rendue sur le territoire, mais on dirige des juges indépendants, ce qui rend l'exercice complexe, surtout dans une période de contrainte budgétaire.
J'ai exercé des fonctions administratives : j'ai été responsable du bureau de la direction de l'administration pénitentiaire qui a mis en oeuvre le travail d'intérêt général, qui venait d'être voté à l'unanimité par le Parlement, et qui s'est efforcé d'ouvrir l'administration pénitentiaire aux associations et services publics susceptibles de faciliter la réinsertion des détenus. J'ai été brièvement conseiller technique à la délégation interministérielle à la sécurité routière, où il fallait gérer des logiques contradictoires (prévention, santé publique, logiques industrielles, opinion publique...), ce qui m'a appris combien les politiques publiques étaient nécessaires à l'application effective de la loi. De 1988 à 1990 j'ai suivi les questions de protection judiciaire de la jeunesse, les questions relatives aux étrangers et à la politique de la ville au cabinet du ministre. De 1998 à 2002 j'ai présidé la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie, où j'ai essayé de mettre à disposition de tous les éléments du débat, et en particulier des données scientifiques validées, y compris sur les substances licites comme l'alcool et le tabac. Je me suis aussi intéressé à la recherche : la mission sur la recherche au ministère de la justice dont j'ai été chargée en 1991 a abouti à la création du groupement d'intérêt public « droit et justice ». J'ai présidé pendant plusieurs années la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale. J'y ai appris combien il est difficile pour certaines personnes d'accéder au droit : c'est la problématique du non recours.
Je ne suis pas une spécialiste du droit constitutionnel, mais si je suis nommée membre du Conseil je ferai tout pour acquérir les compétences nécessaires. La réforme de 2008 m'a toutefois conduite à intégrer le droit constitutionnel dans mes pratiques, puisque j'ai transmis plusieurs QPC à la Cour de Cassation. Je me suis réjouie du contrôle a posteriori de la loi ainsi instauré, qui nous fait prendre conscience de la manière dont une loi s'applique. Et je me réjouis de l'opportunité de rejoindre cette cour, non pas suprême mais constitutionnelle.
Pourquoi y a-t-il deux procédures de contrôle différentes, l'une a priori et l'autre a posteriori ? Et pourquoi, lorsque le Conseil constitutionnel contrôle a priori, peut-il s'affranchir de la saisine, en décidant par exemple qu'un article, voté à l'unanimité par le Parlement, est un cavalier ? C'est totalement inadmissible !
Je salue la Cour d'appel de Rouen, dont un ancien membre est Premier Président de la Cour de Cassation, et que vous vous apprêtez à illustrer en intégrant le Conseil constitutionnel... Je m'inquiète toutefois que les magistrats, qu'ils proviennent de la Cour de Cassation, du Conseil d'État ou de la Cour des comptes, deviennent majoritaires au sein de ce Conseil, au détriment notamment des professeurs de droit. Qu'en pensez-vous ?
Je salue la qualité des candidats qui nous sont présentés. Nous n'allons pas commenter leurs parcours, et ne pouvons pas les interroger sur des sujets de fond. Nous cherchons donc des questions courtoises pour occuper cette séance... Je comprends qu'on ait voulu par cette procédure remédier à des abus commis dans les années 1960, 1970 ou 1980. Mais pourquoi ne pas aller au bout de la logique ? Pour ma part je ne trouve pas satisfaisant d'avoir à donner notre aval à une décision prise ailleurs, aussi satisfaisante soit-elle.
Comme tout à l'heure, votre remarque s'adresse autant à des autorités absentes qu'à Mme Maestracci.
Je trouve aussi ce système imparfait, mais il est tout de même satisfaisant de disposer d'une procédure, même complexe, pour empêcher un éventuel choix peu éclairé. Mais le parcours et l'expérience de Mme Maestracci ne peuvent que susciter notre unanimité. Que pensez-vous de la tentation actuelle de rouvrir des tribunaux ? De celle de dépénaliser, ou de la contraventionnaliser, les drogues ? Vous avez évoqué les droits non revendiqués : pensez-vous que le Conseil constitutionnel peut se soucier de l'effectivité de l'application des lois, au travers de la QPC notamment ?
On dit qu'en droit la faute n'existe que quand elle est constatée. Jusqu'en 2008, les citoyens avaient des droits garantis mais ne pouvaient pas se plaindre si on les violait. Ils le peuvent désormais, mais les juridictions ont tendance à filtrer à l'excès leurs requêtes : cela vicie le dispositif. Qu'en pensez-vous ?
Vous connaissez bien le monde d'en bas, et c'est de bon augure puisque vous allez siéger dans celui d'en haut. Le Conseil constitutionnel a été amené à prendre des décisions politiques. Est-ce son rôle ? Est-ce inéluctable ? Vous avez évoqué le droit au logement opposable (DALO) et son application. La loi n'est-elle pas venue suppléer les insuffisances de la politique de création de logements ?
Je suis moins pessimiste que mes collègues sur l'utilité de cette procédure. Elle a un effet en amont : l'autorité de nomination s'organise pour que le passage devant les commissions compétentes ne pose pas de problème. Il est même arrivé que l'on change de candidat à cause de cette perspective. Le Conseil constitutionnel est le censeur des lois : sa relation avec le législateur est donc complexe. Pour ne rien arranger, les QPC l'amènent à lui donner des injonctions. Ne pensez-vous qu'il devrait, au moins dans son contrôle a priori, auditionner les rapporteurs des deux assemblées ? Ils pourraient expliciter l'intention du législateur, et cela éviterait sans doute des censures. Le Conseil constitutionnel a été créé dans une perspective de rationalisation du parlementarisme : le Conseil d'État, censeur des décrets, protégeait le domaine de la loi, le Conseil constitutionnel censurait les lois et protégeait le domaine du règlement. Cette compétence ancienne n'est-elle pas obsolète ?
Le Conseil constitutionnel est le juge de certaines élections. Certains de ses membres ont témoigné des débats qui s'y sont tenus sur l'élection de 1995. Peut-on invalider une élection présidentielle ?
Mes commentaires seront un peu moins mélancoliques. Le Parlement tarde à prendre conscience qu'il n'est pas seul responsable de l'État de droit. Depuis 67 ans, il existe une autre institution qui le garantit, le cas échéant contre des décisions du pouvoir législatif. Nous savons que le Conseil constitutionnel suit de très près le travail parlementaire : c'est d'ailleurs ainsi qu'il parvient à rendre ses décisions dans les délais. Nous sommes co-auteurs de la décision de nomination. Cet équilibre des pouvoirs n'a rien pour nous frustrer. Je suis heureux qu'une autre spécialiste de droit privé entre au Conseil constitutionnel, car le droit est pluriel. Tous les spécialistes de droit public n'ont pas la connaissance intime du droit pénal et civil qui est parfois nécessaire.
Le Conseil constitutionnel a évoqué l'idée qu'une loi avait une vie dans sa décision récente sur la garde à vue, en affirmant que ce qu'il avait déclaré conforme il y a dix ans ne l'était plus. La loi sur le DALO a rendu essentiellement procédurale l'application d'un droit social, entraînant des changements de comportement, notamment de la part de l'État, soucieux d'éviter les astreintes. Je considère que cela dénature les conditions antérieures du droit au logement en modifiant de manière incontrôlée les règles de priorités qui existaient auparavant. Serait-il judicieux que ces mesures soient étendues, ce qui développerait un pouvoir de mise en cause procédurale de l'État ?
Pour ma part, je me réjouis de la présence au sein du Conseil constitutionnel de nombreux magistrats, notamment de l'ordre judiciaire. Il n'est arrivé qu'une fois qu'un magistrat de l'ordre judiciaire soit secrétaire général du Conseil constitutionnel - peut-être cela pourra-t-il se reproduire bientôt... Depuis l'origine il y a un lien étroit entre le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel, et un lien plus ténu entre celui-ci et la Cour de cassation, qui a pu être mis à l'épreuve par la procédure de la QPC. La théorie du droit vivant s'applique-t-elle aussi à la jurisprudence de la Cour de cassation ? La défense des droits fondamentaux consiste de plus en plus en la défense des droits procéduraux, je m'en réjouis. Il n'y a pas que la QPC, la saisine parlementaire est aussi concernée, et depuis deux ans le Conseil constitutionnel est beaucoup plus exigeant sur la motivation des saisines, qu'il trouve parfois quelque peu désinvolte. Êtes-vous favorable à cette évolution ?
Je n'ai pas condamné la présence de magistrats au Conseil constitutionnel, j'ai simplement constaté qu'elle était plus importante.
Vous nous avez dit n'être pas constitutionnaliste et vouloir acquérir les compétences nécessaires. Ne pensez-vous pas qu'au cours des dernières années le Conseil constitutionnel a aidé ou provoqué les évolutions majeures du droit pénal et civil ? Le droit pénal est redevenu ce qu'il est vraiment : une branche du droit public. La réforme de la garde à vue a donné lieu à une sorte de course entre les juridictions : la cour de Strasbourg, la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel, le Parlement même... Le résultat n'est pas parfait. Qu'en pensez-vous ?
Je ne pourrai peut-être pas répondre à tous, car certaines questions sont susceptibles d'être examinées par le Conseil constitutionnel, et d'autres sont très techniques. C'est vrai que le contrôle a priori est plus étendu que le contrôle a posteriori, dans lequel le Conseil se borne à répondre à la question posée. Le Conseil y examine l'ensemble du texte afin de prévenir autant que possible les questions ultérieures. Il me semble toutefois qu'il fait un usage prudent et respectueux de cette faculté : il a rappelé à maintes reprises que ce contrôle différait en nature du travail parlementaire, et qu'il ne prétendait pas vérifier si les moyens mis en oeuvre par le Parlement étaient adaptés à l'objectif visé.
Notre constitution ne prévoit aucune condition pour être membre du Conseil constitutionnel. La QPC donne au Conseil constitutionnel un rôle de juridiction : est-il anormal qu'une juridiction soit composée de magistrats ? Leur présence est bienvenue étant donné l'évolution du rôle du Conseil. Les méthodes de travail y sont proches de celles du Conseil d'État, mais le juge judiciaire peut y apporter son expérience et son sens du pragmatisme. Il ne m'appartient certes pas d'apprécier les modalités de nomination des membres du Conseil constitutionnel prévues par la Constitution, mais il ne me semble pas anormal qu'à mesure que l'institution évolue vers une cour constitutionnelle, elle comporte des magistrats ayant exercé des fonctions de juge. Même si le législateur a multiplié les juridictions à juge unique, les juges judiciaires ont l'expérience du délibéré.
L'organisation de la carte judiciaire peut faire l'objet de prises de positions du Conseil constitutionnel. Comment concilier proximité judiciaire et sécurité juridique ? Nous n'avons pas encore trouvé la meilleure réponse. Je ne puis me prononcer sur la question de la dépénalisation. Les juridictions ne peuvent pas tout faire : tout n'entre pas dans le périmètre de la justice pénale, il y a d'autres modes de régulation sociale. Lorsque le chèque sans provision a été dépénalisé, l'interdiction qui le frappait n'a pas été affaiblie.
L'application de la loi est aussi importante que la loi elle-même. La loi doit être lisible, et ses conditions d'applications doivent être réunies grâce à des politiques publiques adéquates. Le juge constitutionnel a insisté plusieurs fois sur l'exigence de clarté et d'accessibilité de la loi, et nos concitoyens s'en soucient également davantage. La responsabilité est partagée entre le Parlement, les magistrats - et le Conseil constitutionnel.
Sur les quelque 1 500 QPC transmises au Conseil d'État et à la Cour de Cassation, trois cent environ ont été renvoyées au Conseil constitutionnel. La régulation par la Cour de Cassation semble avoir été plus ferme que celle du Conseil d'État : elle a voulu mettre cette procédure en concurrence avec le contrôle de conventionalité, et elle a contesté la possibilité pour le Conseil constitutionnel de contrôler son interprétation de la loi. Ces difficultés semblent dépassées. On a beaucoup parlé de dialogue des juges, il semble avoir eu lieu : la régulation fonctionne bien.
Les priorités sont fixées par le Gouvernement et le législateur, le rôle du Conseil constitutionnel est de contrôler la constitutionalité de la loi. Évidemment, il s'agit d'une interprétation, qui doit tenir compte du contexte.
Faut-il prévoir d'auditionner les rapporteurs ? Question intéressante, à laquelle je ne peux répondre ici. Le Conseil constitutionnel a souvent entendu d'autres acteurs : il n'est pas dans une tour d'ivoire. Est-il un outil de rationalisation du travail parlementaire, comme la Constitution le prévoit ? En censurant les cavaliers, il exerce un contrôle déterminant mais prudent.
Un texte comme la loi DALO entraîne en effet des changements de comportement des acteurs. Je me souviens des débats : c'était la première fois qu'une loi était dite opposable, ce qui semblait alors un pléonasme. Elle a obligé les acteurs locaux à avoir un dialogue sur l'attribution des logements, sur l'accessibilité... C'est un effet positif. Mais une loi ne pallie pas un manque de logement, comme il y en a en région parisienne, où son application a été limitée.
La concurrence qui s'est installée entre les juridictions a abouti rapidement à une situation inconfortable. C'est ce qui conduit certains spécialistes à souhaiter que le Conseil constitutionnel aille plus loin dans le contrôle de conventionalité des textes. Sur ce point, je me garderai de me prononcer !
Nous allons procéder au vote sur les nominations au Conseil constitutionnel proposées par le Président de la République et le Président du Sénat. J'appelle les deux plus jeunes secrétaires de la commission présents, M. Jean-Yves Leconte et Mme Virginie Klès, pour assurer les fonctions de scrutateurs.
Nous allons procéder à deux votes successivement par un scrutin secret.
Je vais d'abord consulter la commission sur la candidature de Mme Nicole Belloubet.
Je vous rappelle que vous avez à votre disposition sur la table des bulletins blancs pour voter. Je vous demande d'exprimer votre vote par les mentions « pour » ou « contre ».
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin est clos.
Je demande aux scrutateurs de procéder au dépouillement.
Voici les résultats du scrutin :
- votants : 25
- pour : 13
- contre : 11
- bulletin blanc : 1
La nomination de Mme Nicole Belloubet est donc validée par ce vote puisque l'addition des votes négatifs ne représente pas au moins 3/5èmes des suffrages exprimés au sein de notre commission des lois, seule appelée à se prononcer sur cette désignation.
Je vais maintenant consulter la commission sur la candidature de Mme Nicole Maestracci.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin est clos.
Je vous précise qu'il s'agit de la nomination par le Président de la République. En conséquence, cette candidature ne doit pas rencontrer l'opposition des 3/5èmes au moins des suffrages exprimés au sein des deux commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Nous pouvons maintenant procéder au dépouillement puisque la commission des lois de l'Assemblée nationale y est également prête.
Voici les résultats du scrutin :
- votants : 25
- pour : 17
- contre : 6
- bulletins blancs : 2
Je vous communiquerai les résultats du scrutin à l'Assemblée nationale dès qu'ils m'auront été transmis.
Présidence de M. Jean-Pierre Michel, vice-président -
Nous devons procéder à la nomination d'un rapporteur pour avis sur la proposition de résolution n° 344 (2012-2013), présentée par M. Jean-Jacques Lozach et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage.
J'ai reçu la candidature de M. Jean-Pierre Sueur. Y a-t-il d'autres candidatures ?
Aucune autre candidature n'est déposée.
Y a-t-il des oppositions ?
Aucune opposition.
En conséquence, M. Jean-Pierre Sueur est nommé rapporteur de la proposition de résolution.
Nous allons procéder à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Pierre Sueur sur cette proposition de résolution.
Mes chers collègues, le 8 février 2013, notre collègue Jean-Jacques Lozach et les membres du groupe socialiste et apparentés ont déposé une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage. Cette proposition a été envoyée au fond à la commission de la culture et, pour avis, à notre commission.
Le groupe socialiste a fait connaître qu'il demandait la création de cette commission d'enquête au titre du « droit de tirage ». Il en a saisi la conférence des présidents, qui doit se réunir ce soir à 19 heures.
Conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009 et à notre règlement, il nous appartient au préalable, y compris dans le cadre du « droit de tirage », de nous prononcer sur la recevabilité de cette proposition au regard de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui traite des commissions d'enquête.
Dans la mesure où il s'agit d'enquêter sur la gestion de services publics, en l'occurrence les organismes intervenant dans le domaine de la lutte contre le dopage, et non sur des faits déterminés, il n'y a pas lieu d'interroger le garde des sceaux, par le truchement du président du Sénat, sur l'existence éventuelle de poursuites judiciaires en cours. Les autres conditions de recevabilité sont remplies.
Ceci signifie, mes chers collègues, que si nous sommes saisis d'une demande de commission d'enquête portant sur des faits déterminés dans le cadre du « droit de tirage », il faudra saisir le garde des sceaux.
En conséquence, je vous propose de considérer que la proposition de résolution est recevable.
Je consulte la commission sur les conclusions de ce rapport.
Elles sont adoptées à l'unanimité.
Voici les résultats du scrutin organisé à la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la candidature proposée par le Président de la République au Conseil constitutionnel de Mme Nicole Maestracci :
- votants : 48
- pour : 32
- contre : 16
Le scrutin consolidé par l'addition des résultats de chacun des scrutins organisés dans les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat donne les résultats suivants :
- votants : 73
- pour : 49
- contre : 22
- bulletins blancs : 2
La nomination de Mme Nicole Maestracci est donc confirmée.
Puis la commission examine le rapport et le texte qu'elle propose pour le projet de loi organique n° 242 (2011-2012) et le projet de loi n° 243 (2011-2012), adoptés par l'Assemblée nationale, portant application de l'article 11 de la Constitution.
Comme vous le savez, le groupe UMP a choisi d'inscrire dans son temps réservé les deux projets de loi déposés par le précédent gouvernement et adoptés par l'Assemblée nationale, portant application de l'article 11 de la Constitution.
Je vais faire un rapport oral relativement succinct pour consacrer plus de temps à l'examen des amendements déposés sur ces deux textes.
La modification de l'article 11 par la révision du 23 juillet 2008, est l'aboutissement d'une longue réflexion visant à associer plus étroitement le citoyen à l'élaboration de la loi. Les comités respectivement présidés par le doyen Georges Vedel en 1993 et M. Edouard Balladur en 2007 ont conclu à l'introduction dans la Constitution d'un dispositif référendaire qui fasse plus de part aux électeurs.
Donnant corps à cette réflexion, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a fixé les règles de cette nouvelle initiative référendaire.
Tout d'abord, le référendum ne peut porter que sur les matières définies par l'article 11 de la Constitution, c'est-à-dire « l'organisation des pouvoirs publics, des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou l'autorisation de ratifier un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions », ce qui exclut les réformes à caractère sociétal.
Le référendum doit être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement sous la forme d'une proposition de loi. Elle est contrôlée par le Conseil constitutionnel et si elle est validée, l'initiative est ensuite soumise à une sorte de droit de pétition : un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales doivent soutenir la proposition de loi déposée par un cinquième des parlementaires.
Le juge constitutionnel vérifie que les deux conditions sont réunies. La proposition de loi peut alors être examinée par chacune des deux chambres du Parlement. Si elle ne l'est pas dans un délai déterminé par la loi organique, le Président de la République doit la soumettre au référendum.
Le seul délai inscrit dans la Constitution est celui fixé pour la promulgation de la loi en cas d'adoption référendaire : les quinze jours suivant la proclamation des résultats de la consultation.
Lors de la discussion de la révision constitutionnelle en 2008, le débat a eu lieu sur l'opportunité d'introduire un tel mécanisme : certains de nos collègues, dans les différents groupes politiques, étaient partisans de cette formule ; d'autres s'y opposaient. Finalement, la réalité de ce qui a été adopté s'apparente plus à un droit de pétition qu'à un référendum.
Aujourd'hui, tout groupe parlementaire a le droit de demander l'inscription d'un texte à l'ordre du jour de son assemblée. Il pourra demander l'inscription d'une proposition de loi référendaire et, quels que soient les résultats de l'examen de cette proposition, le Président de la République ne pourra plus la soumettre à référendum même si elle a été rejetée car elle aura été examinée.
Ce dispositif n'a donc que l'apparence d'un référendum d'initiative populaire.
Je vous renvoie aux propos de notre ancien collègue Robert Badinter : « Je me suis interrogé : qu'est-ce, au regard des droits du Parlement, que ce mélange bizarre qui nous est présenté ? Giraudoux avait raison : l'imagination est la première forme du talent juridique. Ici, elle a simplement pris le tour que Clemenceau se plaisait à dénoncer sarcastiquement : « Vous savez ce que c'est qu'un chameau ? C'est un cheval dessiné par une commission parlementaire. » Aujourd'hui, nous avons affaire à un chameau comme, depuis plus de douze ans que je suis sénateur, je crois n'en avoir jamais rencontré. ».
Je vous proposerai des amendements sur six points, complétés par une interrogation.
La Constitution parle d'une initiative qui « prend la forme d'une proposition de loi ».
Je vous propose de ne pas partager le point de vue de l'Assemblée nationale et donc de créer une proposition de loi spécifique, appelée « proposition de loi référendaire », susceptible d'être signée par des députés et des sénateurs. Les signataires devront préciser auprès de quelle assemblée la proposition sera déposée.
Nous sommes dans un exercice républicain et je vous présente cet amendement pour être aussi respectueux que possible de la lettre de la Constitution.
Si on veut recueillir 4,5 millions de signatures, le délai de trois mois prévu par le projet de loi organique est trop court ; je vous proposerai donc de le porter à six mois.
A l'inverse, je propose de réduire la durée du délai d'examen par le Parlement de 12 à 9 mois. Dans ce cas là, on ne perd pas de temps par rapport à ce qu'ont décidé les députés au final ; la durée globale de la procédure prendra place dans les mêmes délais que ceux fixés par l'Assemblée nationale.
Au terme de ce délai et en l'absence d'examen par le Parlement, le projet de loi organique prévoit que le Président de la République dispose de quatre mois pour soumettre la proposition de loi au référendum : cette condition ne figure pas dans la Constitution. Je vous propose donc de supprimer tout délai et si l'examen par le Parlement n'avait pas eu lieu dans le délai fixé, le Président de la République pourrait immédiatement procéder au référendum.
S'agissant du recueil des soutiens, l'Assemblée nationale a prévu qu'il s'effectuera seulement par Internet. Pour moi, ce dispositif restrictif pose beaucoup de problèmes.
Les députés ont prévu l'installation d'une borne électronique dans chaque chef-lieu de canton, ce qui risque de donner lieu à un certain nombre de débats à la suite des modifications proposées par le projet de loi en cours d'examen réformant le scrutin départemental. C'est un système coûteux et il est choquant de recourir à la seule voie électronique. Je vous propose d'autoriser aussi le recueil des signatures par papier, en renvoyant la fixation des modalités au décret.
Concernant la commission de contrôle, le texte constitutionnel est d'une clarté totale : le contrôle de la validité des signatures relève de la compétence du Conseil constitutionnel et de lui seul. L'Assemblée nationale a maintenu une commission qui, pour moi, n'a pas de légitimité. Un parallèle est fait avec la commission de contrôle de l'élection présidentielle mais ni son origine, ni ses missions, ni ses pouvoirs ne sont réellement comparables. Je vous propose donc que le contrôle soit entièrement confié au Conseil constitutionnel conformément à la lettre de la Constitution. Le Conseil peut faire appel à des rapporteurs, à des rapporteurs adjoints, il peut recruter du personnel pour assurer cette tâche.
Je propose de clarifier les sanctions pénales applicables en cas de fraude et de les codifier.
- Présidence de M. Patrice Gélard, vice-président -
Il s'agit enfin de prendre en compte la décision du 28 septembre 2000 du Conseil constitutionnel qui a estimé nécessaire d'inscrire dans la loi les règles permanentes régissant l'organisation des référendums, au lieu de les définir par décret à chaque nouveau référendum.
Je souhaite maintenant connaître votre sentiment en ce qui concerne le financement des opérations liées au recueil des signatures. Dans le projet de loi adopté par les députés, seuls les partis et groupements politiques peuvent participer à ce financement. Je vais vous proposer d'introduire un plafonnement pour les dons des personnes physiques.
Mais s'agissant de référendums pouvant concerner des sujets économiques et sociaux, ne serait-il pas opportun de permettre aux partenaires sociaux, organisations syndicales salariales ou patronales et aux associations reconnues d'utilité publique de pouvoir financer des opérations de recueil de signatures ? Des organisations syndicales, des associations pourraient être intéressées par de telles actions, ce n'est peut-être pas une bonne chose d'avoir un monopole des partis politiques et des personnes privées, réserve faite d'éventuelles dérives.
Je n'ai cependant pas déposé d'amendement ; je souhaite consulter la commission à ce sujet.
Les amendements proposés par le rapporteur sont de bon sens et me conviennent parfaitement. Pour la question du financement, la simplicité voudrait qu'on reprenne les règles applicables aux campagnes politiques ordinaires. Si le texte était finalement soumis au référendum, les règles habituelles s'appliqueraient, alors pourquoi instituer des règles différentes lors de la phase préalable de recueil des signatures ?
J'ai toujours pensé que les dispositions nouvelles introduites à l'article 11 de la Constitution étaient un trompe-l'oeil et, comme le rapporteur l'a expliqué, il n'y a aucune chance d'obtenir un référendum, mais on ne sait jamais. Personnellement, j'approuve le texte comme les amendements proposés, qui permettront de donner une pleine efficacité au dispositif. Mais je suis opposé à l'ouverture du financement à d'autres qu'aux citoyens ou aux partis politiques. Je suis contre l'intervention des groupes de pression dans la vie publique. Avec cette ouverture du financement, ce serait faire entrer le loup dans la bergerie. De plus, des groupes de pression seraient tentés de se lancer dans l'aventure, quel que soit le résultat final, dans le seul but de lancer une campagne d'opinion : recueillir 4,5 millions de signatures n'est jamais anodin. Je pense donc que ce serait extrêmement dangereux.
Je partage l'avis du rapporteur et celui de mon collègue Hugues Portelli sur la question du financement. Il n'y a pas de campagne sans une action politique et c'est le rôle des partis politiques de la mener. Or, il existe des dispositions encadrant le financement des partis politiques : ce serait un recul de s'en affranchir. Les citoyens peuvent créer un parti politique, pour la défense d'une cause particulière. Dès lors, on ne limite pas l'expression citoyenne en limitant la possibilité de financer aux partis politiques. Pour les mêmes raisons que mon collègue Hugues Portelli, je propose de nous en tenir à la rédaction actuelle de l'article 6.
Je comprends bien les réticences exprimées. Mais on reproche déjà au dispositif d'être circonscrit ; avec ce monopole réservé aux citoyens et aux partis pour financer les opérations de recueil des signatures, on achève de le verrouiller. Cela mérite une réflexion approfondie, pour permettre notamment aux associations de la loi de 1901 de s'approprier ce dispositif, tout en en écartant les groupes de pression. Je trouve que c'est un peu dommage d'exclure tous les groupements, car le mécanisme en question a justement pour but de permettre de s'exprimer en dehors du seul cadre des partis politiques.
Il ne s'agit ici que du financement des opérations de recueil des signatures. Cela n'empêche pas les associations de s'exprimer. Elles peuvent se mobiliser et collecter les signatures : ce n'est pas une action très onéreuse.
Un parti politique ad hoc peut être créé pour contribuer au financement de cette campagne ! Ce qui est important, c'est que l'origine des fonds soit identifiable : c'est pour cela que c'est un parti politique qui doit soutenir d'éventuelles actions. On ne peut pas accepter qu'une part de l'action politique s'affranchisse des règles relatives à la traçabilité des fonds des partis politiques.
Si le texte transmis par l'Assemblée nationale est perfectible, il n'est cependant pas sûr qu'on ait réglé tous les problèmes dans le texte amendé. Mais nous sommes dans le cadre d'une navette et cette question du financement sera à nouveau évoquée lors de la deuxième lecture. Personnellement, je souhaite que le texte proposé par le Président Jean-Pierre Sueur soit adopté en l'état, avec les amendements qu'il propose.
S'agissant du financement des actions de recueil des signatures, je retiens la proposition de mes collègues Gaëtan Gorce et Patrice Gélard de dialoguer avec l'Assemblée nationale. Quant à moi, au vu de la position majoritaire qui se dégage des débats en commission, je ne présenterai pas d'amendement sur ce sujet. Il me paraît plus sage de maintenir le dispositif actuel relatif au financement.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Projet de loi organique
Article additionnel avant le chapitre Ier
Comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, cet amendement n°4 vise à créer un nouveau type de proposition de loi, qui pourrait être signée à la fois par des députés et par des sénateurs et qui, sitôt enregistrée, serait transmise au Conseil constitutionnel par le président de l'assemblée sur le bureau de laquelle elle a été déposée. Cet amendement tire ainsi les conséquences de la rédaction de l'article 11 de la Constitution qui prévoit que l'initiative « prend la forme d'une proposition de loi ».
L'amendement n°4 est adopté.
Article 1er
L'amendement n°5 est la conséquence du précédent. Il précise en outre que, lorsqu'il a été saisi d'une proposition de loi par le président d'une des assemblées, le Conseil constitutionnel procède au contrôle de cette proposition de loi car il serait absurde de faire signer 4,5 millions d'électeurs pour ensuite constater que la proposition est, par exemple, contraire au premier alinéa de l'article 11.
L'amendement n°5 est adopté.
L'amendement n°35 procède aux coordinations rendues nécessaires par l'amendement que nous venons d'adopter.
L'amendement n°35 est adopté.
L'amendement n°6 vise à préciser que le nombre des parlementaires signataires de la proposition de loi déposée en application du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution doit s'apprécier au regard du nombre de sièges effectivement pourvus.
L'amendement n°6 est adopté.
L'amendement n°7 prévoit que les décisions rendues par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la procédure de l'article 11 devront être motivées.
L'amendement n°7 est adopté.
Je me suis déjà expliqué sur l'amendement n°8. Celui-ci vise à supprimer l'intervention de la commission de contrôle initialement prévue par le projet de loi organique, tel qu'il a été voté par nos collègues députés. Il lui substitue un contrôle exercé directement par le Conseil constitutionnel.
Mme Jacqueline Gourault. - Très bien !
L'amendement n°8 est adopté.
Article 2
Article 3
L'amendement n°13 vise à porter de trois à six mois la durée de la période de recueil - par voie électronique ou par écrit - des soutiens des électeurs. Cela me paraît justifié par le nombre élevé de soutiens -plus de quatre millions-à recueillir.
L'expérience suisse nous montre qu'il peut falloir trois mois pour recueillir 100 000 signatures !
L'amendement n° 13 est adopté.
Article 4
L'amendement n°14 vise à prévoir que les soutiens peuvent être recueillis non seulement par voie électronique, comme le prévoit le projet de loi organique, mais également sous format papier.
Je suis totalement d'accord avec cet amendement. Ne pourrait-on pas toutefois inverser les termes proposés par l'amendement, et écrire « ce soutien est recueilli par voie électronique ou sur papier », plutôt que l'inverse ? Cela me paraît plus moderne. N'oublions pas non plus que les Français de l'étranger peuvent voter par voie électronique !
Les opérations de vérification des signatures électroniques coûtent extrêmement cher. Ne pourrait-on pas prévoir que les soutiens sont recueillis sous forme papier exclusivement, comme le prévoit mon amendement n° 1 ?
Exclure la voie électronique reviendrait à exclure les Français de l'étranger du dispositif : je ne puis donc m'associer à cette proposition. Et puis, il faut vivre avec son temps ! Sans compter qu'il me semble que la vérification des signatures papier soulève des difficultés comparables... Gardons le papier pour permettre à tous ceux qui le souhaitent de participer à l'initiative référendaire, mais la voie électronique devrait à mon sens être privilégiée.
Article 5
L'amendement n°15 propose de supprimer l'article 5, qui prévoyait la mise à disposition d'une borne Internet dans toutes les communes ayant la qualité de chef-lieu de canton. Dès lors que nous prévoyons la possibilité d'une alternative papier pour le recueil des soutiens, cet article n'est plus nécessaire. Les finances publiques ne s'en porteront que mieux...
D'autant que, si on avait conservé le seul recueil des signatures par voie électronique, il aurait également fallu prévoir la mise à disposition d'un accès dans tous les consulats pour permettre aux Français de l'étranger de participer au soutien.
Article 6
Article 7
L'amendement n°17 propose une clarification du dispositif, en accord avec la CNIL. Il vise à affirmer deux principes : la publicité de la liste des soutiens, d'une part, la destruction des données collectées deux mois après la décision finale du Conseil constitutionnel, d'autre part.
En pratique, est-il possible de concilier publicité de la liste et destruction ultérieure des données collectées ?
Oui, la loi interdit de détourner les finalités d'un fichier et elle prévoit des sanctions pénales, notamment dans le cas où des copies seraient réalisées dans un but lucratif.
L'amendement n°17 est adopté.
Article 8
L'amendement n°2 introduit une précision supplémentaire, car il me semble qu'il faut être particulièrement vigilant concernant les modalités de recueil des soutiens par voie électronique.
Nous avons déjà prévu que les décrets seraient pris après avis motivé et publié de la CNIL. Cette dernière - nous pouvons lui faire confiance - apportera une attention particulière aux modalités techniques mises en oeuvre pour le recueil des soutiens par voie électronique et veillera particulièrement à l'application des normes en matière de sécurité. A mon sens, l'obligation générale de consultation de la CNIL devrait répondre aux craintes exprimées par notre collègue.
Mes craintes ne sont pas totalement dissipées, mais je retire mon amendement.
L'amendement n°2 est retiré.
Article 9
A la suite de mon amendement visant à doubler le délai de recueil des signatures, cet amendement propose de réduire de trois mois le délai accordé au Parlement pour examiner une proposition de loi avant qu'elle ne soit soumise, le cas échéant, à référendum. En neuf mois, les deux assemblées disposeront du temps nécessaire pour examiner une telle proposition de loi.
L'amendement n° 19 est adopté.
Il s'agit d'un amendement qui supprime le délai de quatre mois, adopté par les députés et non prévu par la Constitution, entre l'examen de la proposition de loi par les deux assemblées et la décision du président de la République de mettre en oeuvre la procédure référendaire.
Une telle disposition serait en effet censurée par le Conseil constitutionnel.
Si on ne prévoit pas de délai, rien ne garantit que le projet de loi sera soumis à référendum. L'absence de délai est moins contraignante pour le président de la République.
Ma réflexion est identique. On aura dérangé des millions d'électeurs, les deux assemblées peuvent passer outre et, de surcroît, le président de la République pourra ne pas soumettre à référendum une proposition de loi référendaire. Ceci équivaut à un mépris des électeurs.
Si nous n'adoptons pas l'amendement proposé par notre rapporteur, nous serons en contradiction avec la Constitution. En matière de référendum, le président de la République n'est soumis à aucun délai.
L'article 89 de la Constitution relatif à la convocation du Congrès par le président de la République ne prévoit pas de délai non plus. Il en est de même pour les autres formes de référendums prévues à l'article 11.
La Constitution dispose que si la proposition de loi n'est pas examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, il revient au président de la République de la soumettre au référendum. S'il ne la soumet pas, il commet en quelque sorte une forfaiture. Il violerait la Constitution de façon notoire.
Pourquoi alors ne pas préciser, au sein de la loi organique, que le Président de la République « doit la soumettre » au référendum, au lieu de « la soumet » ? Je sais que l'indicatif vaut impératif. Pourtant, malgré l'indicatif, le président de la République peut ne pas signer les ordonnances.
Cela n'a pas empêché un président de la République de ne pas signer des ordonnances...
Le président de la République est juge de l'opportunité de la date des ordonnances.
Il ne s'agissait pas en l'espèce de l'opportunité de la date mais de celle de les signer ou pas.
La loi organique prévoit une injonction à travers l'indicatif. Dès lors que la Constitution utilise le présent de l'indicatif, c'est une injonction.
Je ne dis pas que le Président François Mitterrand a commis une forfaiture en ne signant pas des ordonnances. Mais la Constitution dispose que le président de la République signe les ordonnances, ce qui signifie bien qu'il doit les signer. Or, il ne l'a pas fait.
Le législateur organique ne peut pas innover par rapport à ce qu'a prévu le constituant. On ne peut donc pas ajouter de délais si la Constitution ne le prévoit pas.
Je m'étonne de cette discussion. Le Conseil constitutionnel sera obligatoirement saisi de ce projet de loi organique et censurera la disposition si elle n'est pas conforme à la Constitution. C'est pourquoi nous devons suivre l'avis du rapporteur, sinon le Conseil constitutionnel s'en chargera lui-même.
Cela pourrait l'obliger à prendre position...
L'amendement n° 20 est adopté.
Cet amendement supprime les dispositions introduites par l'Assemblée nationale relatives à l'examen de la proposition de loi car elles relèvent du règlement des Assemblées. Chacune d'entre elles devra tirer les conséquences de la loi organique en réformant son propre règlement.
L'amendement n° 21 est adopté.
Chapitre IV
Le présent amendement et les suivants visent à supprimer les dispositions relatives à la commission de contrôle proposée par le projet de loi organique.
L'amendement n° 22 est adopté.
Articles 10 à 19
En conséquence, les amendements de suppression n° 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33 et 34 sont adoptés.
A la demande de Jacqueline Gourault, je me fais exceptionnellement le porte-parole du groupe centriste qui soutient totalement la position de notre rapporteur sur ces deux projets.
Le projet de loi organique est adopté à l'unanimité dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Projet de loi ordinaire
Article additionnel avant l'article 1er
Cet amendement transfère dans le projet de loi ordinaire une disposition qui figurait dans le projet de loi organique, relative à l'encadrement du financement d'actions de recueil de soutiens. Il plafonne les dons consentis par des personnes physiques, il applique les dispositions communes pour le financement des partis politiques et interdit le financement par des Etats étrangers ou personnes morales de droit étranger. Je ne propose pas de modifier ce dispositif au regard de nos débats.
L'amendement n° 7 est adopté.
Cet amendement vise à insérer un livre spécifique au sein du code électoral pour les lois référendaires.
Cet amendement est satisfait par l'amendement n° 7.
L'amendement n° 6 est satisfait.
Article 1er
Cet amendement regroupe en un seul article les dispositions pénales prévues aux articles 1er et 2 du projet de loi afin de les codifier au sein du code électoral.
Il précise également, au nouvel article L. 558-39 du code électoral, que la manipulation des données collectées par voie électronique n'est punissable que si elle résulte d'une manoeuvre frauduleuse. Cette précision vise à exempter de sanction les personnes habilitées à procéder à de telles manipulations dans le cadre de la mise en oeuvre du dispositif de recueil des soutiens. Il paraît sage de prévoir l'intention frauduleuse.
L'amendement n° 8 est adopté.
Cet amendement étend aux personnes qui ne participent pas au recueil des signatures le délit d'usurper l'identité d'un électeur pour éviter toute manoeuvre destinée à fausser la sincérité du recueil des signatures. L'usurpation d'identité peut résulter d'une manoeuvre de personnes participant au recueil des signatures mais également de tout citoyen qui peut signer sous plusieurs identités.
La juste préoccupation de cet amendement est déjà prise en compte par le code électoral, notamment l'article L. 558-38 du code électoral, reprenant le paragraphe 1 de l'article 1er du présent projet de loi, ainsi que par à l'article L. 226-4-1 du code pénal qui punit l'usurpation d'identité. Cet amendement me paraît donc être satisfait.
Il faut distinguer trois niveaux : celui d'usurpation d'identité générale, celui d'usurpation en matière de vote qui, lui-même, se subdivise en deux autres niveaux : l'usurpation par ceux chargés d'organiser le recueil des signatures et celle des citoyens que prévoit mon amendement.
Il n'existe pas à proprement parler de catégorie de personnes qui seraient les organisateurs du recueil des signatures. Tout le monde peut assumer cette mission. Il en est de même pour la propagande.
Si on parle de recueil des signatures, il existe alors une distinction entre les deux catégories de personnes.
Dans ce cas, je préfère m'en remettre à la sagesse de la commission. Je ne verrai pas d'inconvénients à adopter cet amendement car il est peut-être plus protecteur.
Une personne signataire participe également à la procédure de recueil des signatures d'une certaine manière. A ce titre, il faut prévoir les mêmes conséquences en matière pénale.
Cette question pourrait être laissée à l'appréciation de la navette parlementaire ou cet amendement pourrait être redéposé en séance publique.
Selon moi, cette question est déjà traitée par d'autres dispositions. Le débat en séance publique permettra d'y voir un peu plus clair.
Dans ce cas, je maintiens mon avis défavorable. Je propose toutefois à Mme Lipietz de redéposer son amendement pour la séance publique. Nous continuerons d'ici là de travailler sur cette question pour savoir si elle est déjà ou non satisfaite par le droit en vigueur.
L'amendement n° 5 est rejeté.
Cet amendement complète les dispositions de l'article L. 107 du code électoral en insérant la notion de « soutien à une initiative référendaire ».
L'amendement que j'ai proposé sur l'article L. 558-40 du code électoral répond à votre préoccupation. C'est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.
L'amendement n° 3 est retiré.
Cet amendement et le suivant s'inscrivent dans la même philosophie que les précédents. Ils visent à mettre à jour le code électoral par rapport à la procédure particulière que représente l'initiative référendaire.
Ces amendements sont également satisfait par les nouveaux articles L. 558-40 et L. 558-41 du code électoral.
Les amendements n°s 1 et 4 sont retirés.
Cet amendement propose de déterminer une échelle des peines différenciée et proportionnelle à la gravité des faits relatif à l'incrimination pénale, car il est moins grave pour un citoyen de commettre une usurpation d'identité que pour toute personne en charge du recueil des signatures.
Je propose que ces faits délictueux soient sanctionnés de la même manière.
Ceci permettrait de simplifier la lecture et l'interprétation de la loi pénale !
L'amendement n° 2 est rejeté.
Article 2
L'amendement n° 9 est adopté.
Article 3
Cet amendement supprime une disposition interprétative qui visait à qualifier les données collectées comme faisant apparaître les opinions politiques des personnes concernées, ce qui avait pour effet, au regard de l'article 26 de la loi du 7 juillet 1978, de soumettre leur traitement à une procédure d'autorisation par décret en Conseil d'Etat après avis motivé et publié de la CNIL.
Par souci de clarté, il prévoit explicitement la procédure nécessaire aux traitements des données collectées en reprenant la procédure prévue par la disposition législative précitée pour les données sensibles collectées pour le compte de l'Etat.
En outre, par cohérence avec l'interdiction faite à un électeur de retirer un soutien, une fois donné, lors de leur collecte, cet amendement prévoit que le droit d'opposition pour motif légitime à un traitement de données est écarté dans ce cas.
Il est impossible de prévoir un droit de retrait car ce serait ingérable. Quand un citoyen a signé une proposition de loi référendaire, cette signature est définitive.
L'amendement n° 10 est adopté.
Article 3 bis
Il s'agit d'un amendement de conséquence visant à supprimer la disposition selon laquelle une proposition de loi ne peut être soumise à l'avis du Conseil d'Etat en application du dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution à compter de sa transmission au Conseil constitutionnel.
En vertu de l'article 39, les présidents des deux assemblées disposent de la faculté de consulter le Conseil d'Etat sur une proposition de loi déposée sur le bureau de leur assemblée. Mais dès lors qu'une proposition de loi référendaire signée par un cinquième des députés et des sénateurs est transmise au Conseil constitutionnel, sitôt qu'elle est déposée, cette faculté ne trouve plus à s'appliquer. La proposition de loi présentée en application de l'article 11 de la Constitution étant soumise à un autre régime que celui de l'article 39, elle ne peut de fait faire l'objet d'une consultation du Conseil d'Etat.
L'amendement de suppression n° 11 est adopté.
Article 3 ter
Cet amendement vise à supprimer un cavalier législatif introduit par nos collègues députés bretons pour créer un dispositif permettant de modifier des limites régionales pour y inclure un département à la demande du seul département sur proposition d'un cinquième des membres de son assemblée délibérante soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales dans le département. Je n'ai rien contre cette disposition mais elle n'a rien à voir avec l'objet du texte.
L'amendement n° 12 est adopté.
Article additionnel après l'article 3 ter
Cet amendement va donner satisfaction au Conseil constitutionnel. Il vise à introduire dans le code électoral des dispositions relatives à l'organisation des opérations référendaires.
L'organisation des référendums résulte actuellement de décrets pris par le Président de la République après consultation du Conseil constitutionnel à l'occasion de chaque référendum. Dans ses observations à la suite du référendum de 2000 sur le quinquennat, le Conseil constitutionnel appelait de ses voeux une pérennisation des règles de portée générale et invitait le législateur à recouvrer sa compétence en la matière.
C'est pourquoi je vous propose un article additionnel qui regroupe l'ensemble des dispositions relatives aux référendums.
Nous avons discuté récemment du vote blanc. Il me semble qu'il faudrait rajouter, au nouvel article L. 558-45 du code électoral, un troisième bulletin à côté du « oui » et du « non », le bulletin blanc.
Le bulletin blanc doit certes être pris en compte séparément du vote nul. Cependant, la commission s'est récemment opposée à sa reconnaissance comme un suffrage exprimé. Je ne suis donc pas partisan de rajouter un troisième bulletin comme le préconise Mme Lipietz.
Je suis tout à fait d'accord avec le rapporteur. Pour prolonger le débat, une proposition de loi a été récemment déposée par notre collègue député M. Thierry Lazaro sur le vote obligatoire et sur la prise en compte du vote blanc.
Nos discussions sur le vote blanc portaient surtout sur le financement de ces bulletins. Aujourd'hui, la question porte sur les référendums. La question du vote blanc se pose différemment pour un référendum et pour une élection nominale.
La vraie réforme est qu'on devrait fixer un seuil à partir duquel un référendum n'est pas valide. Par exemple, si 50 % d'électeurs ne prenaient pas part aux votes, le référendum ne serait pas valide.
S'agissant d'un référendum, il n'y a, en réalité, une alternative qu'entre deux positions ; voter blanc ou contre, c'est identique.
Dès lors que nous n'avons pas statué pour imposer le dépôt ou l'envoi des bulletins blancs, il convient de ne pas outrepasser la position de notre commission. C'est pourquoi je propose de ne pas sous-amender mon amendement.
L'amendement n° 13 est adopté.
Article 4
Cet amendement assure l'applicabilité des dispositions du projet de loi dans les collectivités régies par le principe de spécialité législative.
L'amendement n° 14 est adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans les tableaux suivants :
Projet de loi organique
Examen par le conseil constitutionnel d'une proposition de loi référendaire M. SUEUR, rapporteur 5 Transmission de la proposition de loi référendaire au Conseil constitutionnel et calcul des délais Adopté M. SUEUR, rapporteur 35 Rédactionnel Adopté M. SUEUR, rapporteur 6 Règle de calcul du seuil du cinquième des membres du Parlement Adopté M. SUEUR, rapporteur 7 Motivation de la décision du Conseil constitutionnel Adopté M. SUEUR, rapporteur 8 Compétence et pouvoirs du Conseil constitutionnel en matière d'opérations de recueil des soutiens Adopté M. SUEUR, rapporteur 9 Précision Adopté M. SUEUR, rapporteur 10 Transfert d'une disposition au sein du texte Adopté M. SUEUR, rapporteur 11 Conséquence Adopté Article 2
Compétence du ministère de l'intérieur en matière de recueil des soutiens M. SUEUR, rapporteur 12 Suppression d'une mention relative à la commission de contrôle Adopté Article 3
Délais applicables au recueil des soutiens M. SUEUR, rapporteur 13 Allongement du délai de recueil des soutiens de 3 à 6 mois Adopté Article 4
Modalités du recueil des soutiens M. SUEUR, rapporteur 14 Alternative papier à la voie électronique pour le recueil des soutiens des électeurs Adopté avec modification Mme LIPIETZ 1 Suppression de la voie électronique pour le recueil des soutiens des électeurs Rejeté Article 5
Mise à disposition par les communes de points d'accès à un service de communication en ligne M. SUEUR, rapporteur 15 Suppression de l'obligation pour les communes chefs-lieux de canton de mettre à disposition un accès à l'internet Adopté Mme LIPIETZ 3 Suppression de l'obligation pour les communes chefs-lieux de canton de mettre à disposition un accès à l'internet Adopté Article 6
Interdiction du financement par les personnes morales d'actions relatives au recueil des soutiens M. SUEUR, rapporteur 16 Suppression de l'article Adopté Article 7
Publicité de la liste des soutiens et destruction des données personnelles collectées M. SUEUR, rapporteur 17 Modalités de consultation de la liste des soutiens et de destruction des données personnelles collectées Adopté Article 8
Modalités d'application de la procédure de recueil des soutiens M. SUEUR, rapporteur 18 Mesures d'application Adopté Mme LIPIETZ 2 Encadrement des modalités techniques de recueil des soutiens des électeurs par voie électronique Retiré Article 9
Examen par le Parlement et consultation du peuple par référendum par le Président de la République M. SUEUR, rapporteur 19 Réduction du délai ouvert au Parlement pour examiner la proposition de loi référendaire de 12 à 9 mois Adopté M. SUEUR, rapporteur 20 Suppression du délai assigné au Président de la République pour organiser le référendum Adopté M. SUEUR, rapporteur 21 Suppression des règles applicables en cas de rejet de la proposition de loi référendaire par la première assemblée saisie Adopté CHAPITRE IV
Dispositions relatives à la commission de contrôle M. SUEUR, rapporteur 22 Suppression de la commission de contrôle Adopté Article 10
Composition de la commission de contrôle M. SUEUR, rapporteur 23 Suppression de la commission de contrôle Adopté Article 11
Durée des fonctions, renouvellement et remplacement des membres de la commission de contrôle M. SUEUR, rapporteur 24 Suppression de la commission de contrôle Adopté Article 12
Statut des membres de la commission de contrôle M. SUEUR, rapporteur 25 Suppression de la commission de contrôle Adopté Article 13
Suspension et déchéance des fonctions des membres de la commission de contrôle M. SUEUR, rapporteur 26 Suppression de la commission de contrôle Adopté Article 13 bis (nouveau)
Devoirs de discrétion et de réserve des membres de la commission de contrôle M. SUEUR, rapporteur 27 Suppression de la commission de contrôle Adopté Article 13 ter (nouveau)
Modalités de délibération de la commission de contrôle M. SUEUR, rapporteur 28 Suppression de la commission de contrôle Adopté Article 14
Assistance de la commission de contrôle M. SUEUR, rapporteur 29 Suppression de la commission de contrôle Adopté Article 15
Pouvoirs d'instruction de la commission de contrôle M. SUEUR, rapporteur 30 Suppression de la commission de contrôle Adopté Article 16
Déclenchement de la procédure devant la commission de contrôle M. SUEUR, rapporteur 31 Suppression de la commission de contrôle Adopté Article 17
Examen des réclamations devant la commission de contrôle M. SUEUR, rapporteur 32 Suppression de la commission de contrôle Adopté Article 18
Clôture de la procédure devant la commission de contrôle M. SUEUR, rapporteur 33 Suppression de la commission de contrôle Adopté Article 19
Projet de loi
Présidence de M. Jean-Pierre Michel, vice-président -