Hervé Maurey a ouvert le feu en posant des questions essentielles. Comme lui, je m'interroge sur le fait que la représentation nationale traite de questions qui devraient être résolues à l'échelon régional. Cependant, l'article 72 de la Constitution dispose que la loi doit fixer le plafond des taxes locales. L'Ile-de-France est la dernière région où la gestion des transports a été réellement décentralisée : auparavant, le préfet de région intervenait directement sur les choix, ce qui n'a pas été très efficace. Aussi recherchons-nous tous des solutions, mais s'attaquer aux infrastructures en milieu dense prend du temps. En Ile-de-France ou ailleurs, il faudra bien aborder cette contradiction. Et nous éviterions d'avoir à conduire un débat d'ordre régional si les collectivités territoriales disposaient vraiment de leur autonomie financière.
Le mur tarifaire est la conséquence de la régionalisation de la gestion des transports, et c'est encore un débat complexe : faut-il créer des autorités organisatrices des transports interrégionales ? Mettre en place un véritable aménagement du territoire pour éviter l'éviction des populations aux franges de l'agglomération ? La proposition de loi ne prétend pas répondre à toutes ces questions, qui nécessiteraient un cadre beaucoup plus large.
J'entends aussi ceux qui s'alarment : toute charge serait une atteinte à la compétitivité ? C'est un peu plus complexe que cela. Pour être compétitives, les entreprises doivent avoir accès à un certain nombre de services. Quand elles font le choix de s'installer en zone centrale, l'amélioration du réseau de transport constitue un facteur de leur compétitivité. Qu'elles le veuillent ou non, elles devront y contribuer : nous aurons besoin de 27 milliards en coût d'objectif. Où les trouverons-nous ? Les contribuables ? Sur l'ensemble du Grand Paris, les Franciliens sont déjà contributeurs, y compris les plus éloignés de l'offre de transport. Les collectivités territoriales ? Ce sont elles qui ont le plus augmenté leur participation aux transports franciliens, et on leur demande de réduire leur dépenses - c'est la quadrature du cercle ! Les usagers ? Leur part a également augmenté. Quant aux entreprises, leur part a crû en valeur absolue, mais diminué en pourcentage. Quel levier utiliser pour trouver ces recettes indispensables ? Charles Revet a raison de rappeler qu'en Ile-de-France ne circulent pas que des Franciliens : quand les réseaux franciliens sont saturés, les compétences sont à l'échelle du pays tout entier. Ensuite, la compétitivité ne se résume pas à la question des charges : ne cédons pas à ce dogme ! La compétitivité passe aussi par des services de qualité pour les entreprises, leurs salariés et leurs clients, ainsi que par leur image de marque. Qui plus est, vu les besoins d'investissement et de fonctionnement, nous devrons toucher au versement transport.
L'aménagement du territoire est une vaste question. Le taux élevé du versement transport à Paris et dans les Hauts-de-Seine n'est pas un frein à l'installation des entreprises. M. Cornu, mon amendement renforce la compétitivité du territoire de la grande couronne. Je propose non pas de diminuer le versement transport de la zone 1, mais que le niveau de la zone 2 atteigne celui de la zone 1. En effet, rien ne justifie un taux plus faible à l'intérieur de la zone urbaine, avec des services à peu près équivalents. C'est beaucoup moins vrai dans la partie rurbaine de l'Ile-de-France, où la désindustrialisation a fait rage - je vous invite à visiter les friches industrielles du sud de la Seine-et-Marne... Est-on capable d'y réinstaller de l'activité économique ? Je conteste l'idée que la proposition de loi et mon amendement seraient un affront à la ruralité : c'est tout le contraire.
Certains paraissent me reprocher de la générosité : mais ce n'est pas un défaut d'être généreux ! La question est plutôt celle de la justice et de l'appartenance à un bloc régional. Nous touchons là aux débats sur les métropoles. Avec le Grand Paris, les efforts sont concentrés sur la petite couronne, laissant à l'écart des pans entiers du territoire régional. Dans ces conditions, améliorer la tarification pour ceux qui habitent en grande couronne, c'est une mesure de justice sociale.
Certains paraissent penser qu'on s'installe en Seine-et-Marne pour sa qualité de vie. Mais ce n'est malheureusement plus vrai dans bien des cas ! Très souvent, on accepte de partir à 70 kilomètres de Paris parce que c'est seulement là qu'on peut acheter un bien. La qualité de vie, ce n'est pas toujours garanti dans un lotissement resserré, loin des services.
Je crains fort de ne pas obtenir de majorité sur cette proposition de loi. Mais en la rejetant, vous ne ferez que différer la décision. Les débats sur le financement du Grand Paris Express arrivent : nous aurons à trouver des moyens supplémentaires pour les transports collectifs en Ile-de-France.