Intervention de Jean-Claude Merceron

Réunion du 21 février 2013 à 10h00
Débat d'étape sur les travaux du conseil national du débat sur la transition énergétique

Photo de Jean-Claude MerceronJean-Claude Merceron :

Comme cela a déjà été rappelé, madame la ministre, vous avez installé, à la fin de l’année 2012, le Conseil national du débat sur la transition énergétique.

L’annonce de ce grand débat intervenait juste après le premier rejet de la proposition de loi Brottes, qui portait précisément sur la transition énergétique. Comme je le rappelais la semaine dernière à cette même tribune, lors de la dernière lecture de cette proposition de loi, nous avions pensé, à l’époque, que le lancement de ce débat était une façon de repousser la discussion d’un texte injuste et inapplicable. Or ce n’était pas le cas, puisque celui-ci sera voté sans que les conclusions du débat national soient connues. Reconnaissez que cette méthode pose question…

Nous sommes aujourd’hui réunis pour prendre part à ce qui devrait constituer un débat d’étape. Or nous n’en sommes qu’au tout début du processus : pour qu’il y ait étape, il faut qu’il y ait matière, en termes de réflexion et d’échanges. En tant que participant au débat national, je trouve que sa mise en place est plutôt longue, voire quelque peu laborieuse.

Il est beaucoup question de la méthode de travail, mais aucune vision de la transition énergétique ne se dessine encore clairement. Je suis néanmoins confiant sur l’organisation des conférences régionales, qui permettront de faire remonter du terrain les bonnes pratiques et les expériences existantes. Je suis persuadé que c’est sur le terrain que la transition énergétique prendra son vrai départ ; j’y reviendrai.

Avant d’en venir au fond des choses, je souhaiterais vous interroger sur la méthode et l’apport de ce débat national, à la lumière de ce qui s’est passé lors du Grenelle de l’environnement. Voilà cinq ans, Jean-Louis Borloo lançait et pilotait la plus grande concertation sur l’environnement que nous ayons jamais connue. Ouvert à toutes les opinions, à tous les points de vue, à toutes les solutions, le Grenelle de l’environnement a suscité l’enthousiasme et un véritable déclic dans l’opinion publique, qui a alors pris conscience des enjeux environnementaux. Pour autant, je me refuse à négliger notre débat sur la transition énergétique : qu’en attendez-vous pour qu’il ne devienne pas un « sous-Grenelle » ?

Je voudrais maintenant exposer ma vision de ce que devrait être la transition énergétique.

Il y a urgence à traiter cette problématique, car elle est primordiale pour l’avenir, mais elle doit être abordée avec sérénité : les choix que nous ferons collectivement ne pourront que difficilement être remis en cause.

Selon moi, la transition énergétique doit s’apparenter à un processus limitant au maximum les risques, qu’ils soient environnementaux, industriels, de consommation ou d’approvisionnement. Pour cela, il faut s’attacher à faire progresser avant toute chose l’efficacité énergétique. Telle est la position que nous avons défendue lors de l’examen de la proposition de loi Brottes.

Avant de pénaliser les ménages par l’instauration d’un malus inéquitable touchant les plus fragiles et les classes moyennes, il faut les accompagner dans l’amélioration de leur logement. En effet, le chauffage constitue bien entendu l’une des principales sources de consommation d’énergie. Des aides massives doivent donc permettre d’améliorer l’isolation des bâtiments. Cela passe notamment par un soutien au programme « Habiter mieux ».

De même, faire de la pédagogie en matière de consommation, grâce à des messages clairs et à l’utilisation de compteurs intelligents, peut, en amenant un changement des comportements, permettre de tendre vers la fameuse sobriété énergétique.

Sobriété et efficacité énergétiques doivent être les axes directeurs de la .transition.

Par ailleurs, se posent bien entendu les questions de la production d’énergie et du développement des énergies renouvelables. Le mix énergétique doit être revu, dans la perspective d’une part de l’amélioration de l’efficacité énergétique, d’autre part d’une probable augmentation de la consommation. La logique voudrait que le développement des énergies renouvelables vienne compenser cet accroissement de la demande. Cela permettrait de diminuer un peu la part de l’énergie nucléaire. Toutefois, il convient de ne pas se focaliser absolument sur cette question, tant la France a à gagner à ne pas jeter l’opprobre sur le nucléaire.

Ces choix impliquent des investissements forts en matière de recherche et développement. Malgré les difficultés économiques actuelles, ceux-ci permettraient d’atteindre des objectifs écologiques et économiques non négligeables, notamment en termes d’emploi.

J’en viens au débat national en cours. Je vous encourage, mes chers collègues, à participer et à faire participer aux différents débats régionaux. Comme je le disais au début de mon intervention, je suis intimement persuadé que c’est au niveau local que se jouera véritablement la transition énergétique : la mise en œuvre des changements qu’elle sous-tend nécessite une connaissance des problématiques locales et régionales, des acteurs, des bonnes pratiques existantes. À cet égard, toutes les collectivités, que ce soient les communes, les intercommunalités, plus particulièrement les syndicats d’énergie, les départements ou les régions, ont un rôle primordial à jouer.

Je souhaiterais que ressorte de ce débat national le fait que la transition énergétique doit être décentralisée. Cela me semble nécessaire pour les trois raisons suivantes.

Tout d’abord, la France est diverse et les questions énergétiques ne peuvent plus systématiquement relever de choix imposés d’en haut.

Ensuite, je crois à l’intelligence locale, qui démontre chaque jour sa capacité à innover.

Enfin, de nombreux domaines, tels que l’urbanisme, le logement ou les transports locaux, sont aussi concernés.

Afin que l’on puisse sortir du schéma centralisé actuel, l’État doit se concentrer sur les grands équilibres internationaux et nationaux, ainsi que sur la lutte contre la précarité énergétique, notamment par le biais de la maîtrise des prix de l’électricité et du gaz : on a vu, encore hier, que les estimations en la matière n’étaient pas favorables aux ménages.

L’État doit aussi assurer le contrôle par RTE de la qualité et de la fiabilité des réseaux de transport et participer aux discussions sur la construction d’une Europe de l’énergie.

En matière de décentralisation, les régions doivent être, selon moi, les lieux de déclinaison des scénarios retenus pour atteindre les objectifs nationaux. L’adoption des schémas régionaux climat air énergie, les SRCAE, va dans ce sens. Les régions devront disposer de plus d’autonomie dans le choix des filières les plus à même de permettre le respect des objectifs fixés par l’État.

Les départements, quant à eux, peuvent être, avec les plans climats énergie territoriaux, les PCET, les lieux d’action, en cohérence avec le niveau régional. C’est à cet échelon que peut être favorisée l’émergence de projets de territoire.

En termes de méthode, il y a urgence à inventer une administration régionale tournée vers la facilitation des projets vertueux, dès lors qu’ils entreront dans le cadre des SRCAE et des PCET. Il faut donc largement simplifier les procédures, parfois lourdes, qui créent des surcoûts et freinent la compétitivité et l’esprit d’initiative.

Tel était l’objet, par exemple, de l’amendement que j’avais déposé à l’article 12 ter de la proposition de loi Brottes et que le président Raoul avait bien voulu reprendre pour le faire adopter. Je l’en remercie encore.

Cette administration régionale devra avoir à l’esprit les objectifs environnementaux régionaux, et favoriser la maîtrise des délais d instruction, la concertation et la qualité des études d’impact.

J’ai souhaité mettre les collectivités territoriales au cœur du débat sur la transition énergétique. Leur représentation est une spécificité du Sénat. Je voudrais que le Gouvernement le comprenne et fasse confiance aux collectivités. Les élus territoriaux, avec leur connaissance des réalités du terrain, savent apprécier les besoins et proposer les réponses les mieux adaptées. Il est nécessaire de leur ouvrir des espaces d’initiative. §

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