Originaire de Sallaumines, près de Lens, dans un Pas-de-Calais affecté par la disparition de l'activité du bassin minier, par la désindustrialisation, je me suis engagé très tôt au sein de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Grâce aux responsabilités qui m'ont été confiées, j'ai participé aux différents combats pour la défense de l'emploi, ce qui m'a imprégné du sens de l'intérêt général. Dirigeant national puis président de la JOC de 1974 à 1978, j'ai ensuite effectué la quasi-totalité de mon parcours comme dirigeant de la CFDT au sein de l'entreprise EDF-GDF Distribution, où le social et l'intérêt public au sein des industries électriques et gazières n'ont cessé de guider mon action.
Secrétaire général de la CFDT de l'énergie, membre du bureau national confédéral, j'ai exercé des responsabilités jusqu'en 1999 dans cette organisation. Je rappelle que la CFDT a toujours assumé un positionnement atypique, se démarquant d'une logique purement productiviste, s'opposant au « tout nucléaire ». L'histoire et les faits nous ont donné raison.
En 2000, sur la proposition du Premier ministre de l'époque, j'ai été nommé commissaire à la CRE. Durant les huit années de mon mandat, et tandis que l'ouverture à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz bouleversait la donne pour nos concitoyens, j'ai toujours soutenu la thèse que les marchés devaient être au service du consommateur final, condition nécessaire à la confiance et au bon fonctionnement des marchés. L'énergie a cette particularité d'être un bien économique qui obéit à des règles de marché, mais aussi et surtout un bien essentiel qui, dans une société moderne et solidaire, doit être accessible à tous.
A partir de 2008, j'ai assumé la fonction de délégué général du Médiateur national de l'énergie, avec pour préoccupation première la lutte contre la précarité énergétique. L'institution venait à peine d'être créée : elle a quelque peu bousculé les habitudes des entreprises du secteur, mais elle est aujourd'hui installée dans le paysage énergétique français, et reconnue pour son expertise et ses prises de position en faveur de l'intérêt général.
Enfin, j'ai été membre fondateur, il y a plus de 25 ans, de Coopération développement (Codeve), devenue Electriciens sans frontières. Cette ONG de solidarité internationale identifie les besoins énergétiques à satisfaire, en électricité et en eau, les techniques les plus efficaces pour y répondre, puis inventorie les ressources énergétiques, renouvelables ou, à défaut, peu polluantes. Vous le voyez : mon parcours atypique, mes engagements successifs, s'inscrivent dans une continuité de service de l'intérêt général.
L'Ademe serait pour moi un nouveau challenge. Cette belle agence regroupe près de mille hommes et femmes, répartis pour moitié sur ses sites nationaux - Angers, Paris, Valbonne - et pour moitié au sein de ses directions régionales. Reconnue pour son expertise et son action territoriale, elle a joué un rôle majeur dans les évolutions environnementales de ces dernières années, notamment celles promues par le Grenelle de l'environnement. Elle dispose en 2013 d'un budget d'intervention de 607 millions d'euros, auquel s'ajoute le programme des investissements d'avenir, de l'ordre de 2,5 milliards d'euros sur trois ans.
En vertu de ses statuts, l'Ademe a pour mission de « susciter, animer, coordonner, faciliter et le cas échéant, réaliser toutes opérations » en matière de gestion des déchets, de préservation des sols, d'efficacité énergétique, énergies renouvelables, qualité de l'air et lutte contre le bruit. Elle intervient donc sur toutes les thématiques environnementales, hors la gestion de l'eau et celle de la biodiversité. L'action qu'elle mène sur le terrain auprès des acteurs locaux et de nos concitoyens est reconnue. Le réseau des Espaces Info Energie, cofinancé par les collectivités, dispense des conseils personnalisés : en un an ses 405 conseillers sont intervenus auprès de plus de 150 000 personnes, dont 45 % sont passées à l'acte, ce qui représente 327 millions d'euros de travaux en 2011. Ils ont également sensibilisé près d'un demi-million de personnes. Ce réseau aura à coup sûr un rôle de premier plan à jouer dans la création du guichet unique annoncé par le Premier ministre, ou du service public de la performance énergétique de l'habitat prévu dans la proposition de loi Brottes, afin d'accompagner les particuliers. Je veillerai à renforcer cette fonction de conseil objectif et gratuit, ainsi qu'à l'étendre en amont - en allant démarcher les habitants - comme en aval - pour le choix des entreprises et le suivi de la réalisation effective des travaux.
Je serai particulièrement attaché à ce que l'Ademe crée, avec les collectivités locales, des partenariats adaptés à ce domaine. Aujourd'hui l'offre de travaux et de financements reste à structurer, coordonner et fiabiliser. Au-delà, l'Ademe soutient l'innovation technologique et l'expérimentation des solutions de demain, grâce aux investissements d'avenir notamment. L'agence gère 12 % du grand emprunt pour le compte de l'État, dans les domaines de l'énergie solaire et des énergies marines, des véhicules routiers et de la mobilité urbaine, des réseaux électriques intelligents, etc. soit au total 820 millions d'euros à ce jour, pour un montant total des projets supérieur à 4 milliards d'euros. Les deux tiers de la contribution publique prennent la forme d'avances remboursables ou de prises de participation. Il s'agit sans conteste d'une innovation majeure dans les modalités d'intervention de l'Etat. Le programme des investissements d'avenir représente aussi un changement d'échelle dans le soutien aux nouvelles technologies et au développement durable.
L'Ademe gère en outre deux fonds importants. D'abord le fonds destiné aux déchets : entre 2009 et 2012, 230 millions d'euros ont contribué à la mise en place d'équipements de recyclage et de valorisation des déchets, dont 73 % en faveur des communes. Parallèlement, l'Ademe soutient les programmes locaux de prévention des déchets. L'agence gère également le fonds chaleur : 900 millions d'euros ont aidé, en trois ans, 2 400 installations à produire de la chaleur à partir de biomasse. Outre sa forte contribution à nos objectifs européens de réduction des émissions, il a permis de créer 5 000 emplois pérennes.
L'Ademe participe aussi à des innovations et à des expérimentations adaptées aux problématiques spécifiques d'un territoire. C'est le cas par exemple de la vallée de l'Arve, en Haute-Savoie, où l'utilisation par les particuliers d'équipements de chauffage peu performants est source de pollution. Pour accélérer leur modernisation, une opération d'aide au renouvellement sur quatre ans a été montée, associant les communes de la vallée, les conseils général et régional, ainsi que l'Ademe.
Bien d'autres activités mériteraient d'être citées. Le club Ademe International regroupe plus d'une centaine d'entreprises éco-innovantes pour promouvoir l'offre française à l'export ; le club EnR rassemble 24 agences nationales de maîtrise de l'énergie de pays européens.
Grâce aux investissements d'avenir, des réalisations concrètes ont été mises en oeuvre dans le domaine de la mobilité - PSA a présenté il y a quelques jours un nouveau prototype dit « hybrid-air » - ou de l'urbanisme. L'Ademe a en outre lancé un appel à projets en direction des collectivités territoriales désireuses de mener des actions de traitement des points noirs en matière de bruit sur les axes routiers.
Si l'Ademe a pu, depuis vingt ans, accompagner comme elle l'a fait notre société dans ces mutations, c'est grâce à un modèle original, fondé sur un certain nombre de spécificités. En premier lieu, une expertise reconnue et indépendante au service de tous les décideurs. Ensuite, un caractère intégré et, cependant, une grande capacité à agir sur les territoires, grâce à la complémentarité entre directions centrales et directions régionales, garante de la cohérence entre les politiques étatiques et les actions locales. A quoi s'ajoute une spécialisation sur des enjeux interdépendants complexes, une capacité à traiter de problématiques transversales. Puis, un mode d'action partenarial - facilité par la neutralité que lui confère son statut d'établissement public -, qu'il s'agisse des contractualisations avec les régions, qui permettent de démultiplier les soutiens tout en les concentrant sur les priorités locales, ou des investissements d'avenir. Enfin, un large périmètre d'actions, en recherche comme en accompagnement, jusqu'à la mise en oeuvre des bonnes pratiques. C'est un modèle envié par les homologues européens de l'agence, aux champs d'intervention souvent plus réduits.
J'en viens à mes priorités d'action pour l'institution. Face au risque universel du changement climatique, la France doit montrer la voie de l'efficacité énergétique. Fort de l'engagement et des compétences des collaborateurs de l'agence, j'aurai à coeur de faire de cette institution un outil innovant, efficace et exemplaire dans la définition d'un nouveau mix énergétique. Le débat national de la transition énergétique représente une opportunité particulière de valoriser le remarquable travail d'expertise effectué par l'agence sur les scénarios 2030#172;2050, exercice de prospective qui a mobilisé l'ensemble de ses experts. Ce sera l'occasion pour elle de porter des messages forts sur la rénovation énergétique des bâtiments, première priorité en matière d'économies d'énergie, et de soutenir des propositions concrètes pour rendre effective la transition écologique, en associant l'expertise technique et l'accompagnement financier de l'agence. S'il revient à l'Etat de donner les lignes directrices, la réussite de cette politique passera par une implication forte des territoires de proximité.
L'Ademe doit accompagner la société dans cette transition. Elle sera pleinement mobilisée pour préparer la prochaine conférence environnementale annuelle, qui portera notamment sur les déchets. Ce sera l'occasion d'approfondir sa réflexion sur les ressources, sur l'économie circulaire et sur l'efficacité du recyclage, afin de faire émerger des industries secondaires compétitives. Il nous faut en outre préparer cette perspective dans une conjoncture budgétaire que vous savez contrainte. Face à la réduction des dépenses publiques, l'Ademe devra poursuivre ses efforts d'efficience.
Au cours de ces vingt dernières années, la politique environnementale française s'est renforcée dans le domaine des déchets, de la maîtrise des consommations d'énergie, ou encore en matière d'aménagement ou de production agricole. Des textes ont affirmé la nécessité de réduire les flux : flux d'énergie consommée, de matière consommée, d'espace consommé, flux de C02 rejeté, de déchets à traiter. De nombreux territoires et de multiples acteurs se sont emparés du sujet, mettant en oeuvre les plans climat énergie territoriaux, les programmes de prévention, l'appui aux nouvelles filières d'énergie et de recyclage.
Depuis plus de vingt ans, l'Ademe a initié, stimulé, accompagné ce mouvement, en développant de nouvelles activités et de nouveaux modes d'action dans un rôle précurseur. Les investissements d'avenir en témoignent à nouveau. Je souhaite que nous soyons force de proposition pour pérenniser notre soutien à l'innovation au-delà du grand emprunt, dans un cadre budgétaire contraint. Nous pourrions être tentés de répondre à la crise économique par des schémas classiques. Cela ne fonctionnera pas. L'urgence écologique et sociale, les obligations communautaires, le souci des générations futures nous incitent à l'audace, à l'enthousiasme : prenons à bras le corps les problématiques en jeu, car la maîtrise de l'énergie est un des leviers essentiels de sortie de crise.
En 2012, la facture énergétique de la France a été de 69 milliards d'euros, pour un déficit total du commerce extérieur de 67 milliards d'euros. La réduction de notre dépendance est un impératif, la transition énergétique également. Notre défi essentiel, quelle que soit l'évolution du mix, c'est d'économiser l'énergie : c'est pour nos entreprises un facteur de compétitivité, un moyen pour les ménages de faire face à la hausse des coûts, voire de sortir de la précarité énergétique.
Rendre notre société sobre et économe en ressources, mais aussi créatrice d'activités et d'emplois, tel est le défi qui se présente à nous. L'Ademe doit prendre toute sa part dans la massification des changements de comportements, qui est indispensable pour atteindre un tel but. Ce challenge est passionnant et je serai fier que me soit confiée la présidence de ce bel établissement.