Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi sur le dialogue social dans les TPE marque une nouvelle avancée dans la rénovation de notre démocratie sociale parce qu’il permet de prendre en compte tous les salariés et non plus seulement ceux des grandes entreprises.
Je salue le compromis constructif trouvé par la commission mixte paritaire, notamment grâce à l’implication de votre rapporteur, Alain Gournac, qui avait très tôt proposé la solution retenue par la CMP : est ainsi réalisé un équilibre sur un point où la position de l’Assemblée nationale et celle du Sénat divergeaient. Nous pouvons désormais envisager une adoption définitive du texte, ce qui nous permettra de donner toute sa portée à la loi de 2008 sur le dialogue social.
Notre responsabilité, c’est d’abord de préserver la réforme de la représentativité, qui est une réforme majeure. La loi de 2008 a profondément rénové le dialogue social en substituant le critère de l’audience à la présomption irréfragable de représentativité qui subsistait depuis 1948.
Dorénavant, ce sont les salariés qui choisissent les représentants qui vont négocier en leur nom et signer des accords qui s’appliquent à eux. Ces mêmes accords ont désormais vocation à reposer sur une large assise. Ils ne peuvent être rejetés que de manière majoritaire par les syndicats de salariés non signataires.
Cette règle s’applique dans les entreprises depuis 2008, et elle s’appliquera dès 2013 dans les branches comme au niveau national interprofessionnel.
Dès l’élaboration de la loi du 20 août 2008, le Gouvernement a identifié avec les partenaires sociaux la nécessité d’envisager un mécanisme spécifique pour les TPE. La loi du 20 août 2008 a donc prévu, dans son article 2, l’intervention d’une seconde loi pour les salariés des TPE : c’est celle dont il est question en cet instant.
Les 4 millions de salariés qui travaillent dans les TPE représentent plus de 20 % des salariés du secteur privé. Bien entendu, les accords négociés, notamment au niveau des branches, s’appliquent aussi à eux. Les arrêtés qui dresseront en 2013 la liste des syndicats représentatifs dans les branches et au plan national interprofessionnel doivent donc reposer impérativement sur des critères de mesure d’audience qui prennent en compte tous les salariés.
Cette loi est indispensable pour organiser une consultation électorale avant le début de l’année 2013, dresser les listes électorales avant la fin de l’année qui précède celle de la consultation et passer les marchés publics nécessaires.
Quelles sont les principales avancées qu’autorise ce projet de loi à l’issue de la commission mixte paritaire ?
Tout d’abord, il organise la mesure de l’audience des syndicats de salariés auprès des salariés des TPE. Puisque la responsabilité de cette mesure incombe aux pouvoirs publics, l’État organisera tous les quatre ans, à partir de l’automne 2012, un scrutin intéressant les 4 millions de salariés des TPE.
Pour que ce scrutin soit le plus souple et le plus simple possible, le projet de loi retient le vote électronique et le vote par correspondance. Les députés ont renforcé cette souplesse en précisant que l’employeur n’aura en aucun cas l’obligation de mettre à disposition un matériel électronique pour le vote lorsqu’il n’en dispose pas lui-même. Il n’est pas question d’alourdir la tâche des entreprises.
Grâce à cette réforme, tous les syndicats qui peuvent présenter des candidats au premier tour des élections professionnelles pourront mesurer leur audience auprès des salariés des TPE.
Il s’agit d’une consultation sur des sigles syndicaux. Dès lors que nous pourrons mesurer le poids électoral de chaque syndicat ainsi que les résultats issus des élections professionnelles, nous pourrons fonder l’audience des syndicats dans les branches et au niveau interprofessionnel sur une expression complète de tous les salariés. C’est ainsi que nous donnerons à la loi de 2008 toute sa portée.
Les sénateurs ont souhaité que le Haut conseil du dialogue social, créé par la loi du 20 août 2008, puisse, comme cela est normal, être informé des modalités d’organisation de cette consultation.
Par ailleurs, le projet de loi reporte de deux ans au plus les élections prud’homales. Ce report permet d’éviter que la même année, nous disposions de résultats différents pour une même organisation syndicale en termes de représentativité, d’une part, et d’élection des juges, d’autre part. Il nous donne aussi le temps de la réflexion afin d’étudier des pistes de réforme du mode de désignation des conseillers prud’homaux.
Enfin, le projet de loi initial présenté par le Gouvernement renvoyait à la négociation collective la possibilité de mettre en place des commissions paritaires pour les salariés des TPE. Il y a eu un débat très vif à ce sujet, entre les partenaires sociaux mais aussi entre l’Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement.
Je salue encore une fois la solution de compromis trouvée par la commission mixte paritaire, avec l’appui très fort de votre rapporteur. Cette solution permet de prendre en compte au mieux les préoccupations de chacun.
Les accords qui mettent en place des commissions paritaires locales prévues par les dispositions actuelles du code du travail pourront tenir compte de l’audience électorale des syndicats de salariés et adopter des missions plus restreintes, dans l’esprit de ce que nous souhaitions.
J’ajoute qu’il ne s’agit pas d’instances paritaires nouvelles dans la loi, comme plusieurs acteurs le craignaient.
Tous les acteurs pourront faire en sorte que le dialogue social soit gagnant, et c’est bien là l’essentiel. Grâce à ce texte, le dialogue social pourra gagner à la fois en efficacité et en légitimité ; c’est évidemment ce que nous souhaitons tous.