Intervention de Annie David

Réunion du 5 octobre 2010 à 14h30
Démocratie sociale — Suite de la discussion et adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Annie DavidAnnie David :

Malgré le travail rapide et sérieux de la commission – le rapporteur a déposé plus de cent vingt amendements, et nous nous sommes réunis longuement mardi et mercredi dernier pour les examiner –, l’organisation de nos travaux, là encore, n’est pas à la hauteur de cet important débat de société.

La démocratie devient une parodie de démocratie, tout comme votre texte sur le dialogue social est une parodie de texte, qui ne contient aucune avancée en matière de dialogue social dans les TPE. La seule chose qui vous importe, c’est la communication gouvernementale et l’apparence formelle du respect de la loi et de vos engagements. Peu importe que la coquille soit entièrement vide !

J’en viens au caractère tout à fait singulier de la situation. En effet, les deux rapporteurs étaient d’accord, à l’issue de la discussion au Sénat, sur le texte retenu. L’ensemble de l’opposition jugeait possible de trouver un terrain d’entente, compte tenu de la rédaction du projet de loi votée au Sénat, et elle avait été substantiellement allégée au passage.

Toutes les organisations syndicales de salariés se trouvaient dans le même état d’esprit, tout comme l’Union professionnelle artisanale, qui ne représente pas moins de 800 000 entreprises artisanales, ou encore la FNSEA et l’Union nationale des professions libérales, l’UNAPL.

Finalement, les seuls à ne pas être d’accord étaient le MEDEF, CGPME et certains membres influents du groupe majoritaire UMP. Et pourtant, cela aura été suffisant pour faire capoter le texte, quoi qu’en disent certains aujourd’hui.

Au cours de l’examen de ce projet de loi, en particulier lors de son passage devant l’Assemblée nationale, on a vraiment vu à l’œuvre le lobbying du MEDEF et de la CGPME, lobbying qui ne se prive pas de se vanter de sa réussite !

En effet, sans la moindre gêne, la CGPME n’a rien trouvé de mieux que de nous envoyer sa prose, dès le 1er octobre, dès la fin de la CMP, et avant même que ses conclusions ne soient adoptées en séance publique ! Mais il est vrai que les artisans sont appelés à élire leurs représentants et que, à cette occasion, la CGPME aimerait bien prendre quelques parts à l’UPA…

Sans aucune pudeur, donc, la CGPME n’hésite pas à écrire : « Relayée à travers toute la France par le biais de ses unions territoriales, la forte mobilisation de la CGPME a payé. » Il s’agirait, selon elle, de « préserver la qualité des relations humaines au sein des petites entreprises » et de permettre aux TPE « d’échapper à une nouvelle forme de bureaucratie permettant aux syndicats de salariés de se voir attribuer un droit de regard là où ils ne sont pas présents ».

Ces arguments rappellent la vieille idée selon laquelle « chacun est maître dans son foyer ». Chaque employeur d’une TPE ferait ainsi ce qu’il veut dans sa petite structure, et l’État n’aurait pas à y mettre son nez.

Cette idée selon laquelle le droit n’a pas à se mêler de ce qui se passe dans les TPE est très dangereuse. Si le droit s’arrêtait au seuil des foyers et des entreprises sous prétexte qu’elles sont petites, ce serait très grave. Toute une partie de l’histoire du droit est précisément constituée de ces conquêtes où le droit s’applique même dans des lieux cachés, à l’abri des murs. Sans cette entrée du droit dans les propriétés privées, nombre d’infractions n’auraient jamais été connues. Aujourd’hui encore, des femmes seraient battues à mort par leur mari ou compagnon sans que cela soit sanctionné comme un crime.

Le droit est entré dans les fabriques au XIXe siècle, et ce qu’il y a vu était terrible… Ainsi est né le droit du travail. Le droit ne peut pas se contenter de faire confiance à l’aptitude des employeurs et des salariés à tout régler eux-mêmes dans les TPE. Non ! Partout où il existe des inégalités entre les parties, c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère.

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