Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce texte issu de la commission mixte paritaire, nous concluons donc l’examen du projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi du 20 août 2008. Je précise d’emblée que mon intervention tiendra également lieu d’explication de vote.
Ce texte devait répondre à deux aspects essentiels de la démocratie dans les TPE : la représentativité des salariés et de l’audience syndicale. Or un seul de ces volets a été pris en compte : il s’agit de l’audience des syndicats, mais uniquement – cela a déjà été dit – au regard du sigle, ce qui n’est pas satisfaisant. Il aurait été, bien sûr, préférable que les salariés puissent élire nommément leurs représentants dans les futures négociations.
Quant à la représentativité des salariés, elle fait l’objet d’une prise en compte inadéquate puisque la mise en place des commissions paritaires régionales sur la base de ce scrutin, devenue facultative après le passage devant notre assemblée, n’existe même plus.
Les travaux de la commission mixte paritaire n’ont fait que peu bouger ces lignes. Des amendements ont été déposés à l’article 4. L’un vise à préciser les conditions dans lesquelles peut s’effectuer le vote électronique. Un autre introduit la possibilité que le scrutin se tienne en dehors des heures de travail, ce qui constitue, bien évidemment, une rupture d’égalité entre les salariés des TPE. Enfin, une autre disposition introduit des clauses restrictives à l’exercice des fonctions d’assesseur, de délégué ou de mandataire.
Une fois encore, la majorité s’est inscrite dans la logique du MEDEF. Celui-ci considère en effet que l’élection professionnelle au sein des TPE ne doit pas voir le jour. Le MEDEF estime que l’objet essentiel de la loi du 23 août 2008 est de modifier les critères de représentativité syndicale et non pas d’étendre la tenue obligatoire d’élections professionnelles dans les très petites entreprises. Il refuse aussi la création d’instances représentatives du personnel spécifiques aux TPE.
Ce travail de sape est parfaitement contraire aux intérêts de l’ensemble des acteurs économiques et sociaux. La Banque mondiale ne dit pas autre chose quand elle « estime que la France perd un point de PIB par an à cause du mauvais climat entre les salariés et leur patron, qui entretiennent une grande méfiance ». Faire progresser le dialogue social au sein des TPE, c’est faire aussi progresser la démocratie dans son intégralité. Aux yeux du groupe socialiste, cette question est essentielle et participe de la dignité du salarié.
Rappelons en outre que bien des TPE doivent régler de nombreux points qui nécessitent une structure de dialogue : hygiène et sécurité, évaluation des risques professionnels, conditions de travail, amplitude horaire, travail dominical, emplois saisonniers... Dépourvues de ces structures de dialogue, les victimes sont souvent les salariés, mais aussi les employeurs ; je pense notamment aux entreprises sous-traitantes.
La juste représentativité des salariés, le dialogue social et les structures qui le rendent possible constituent des instruments essentiels à la pérennisation de l’activité. Ne nous y trompons pas : ce dialogue est complémentaire du management. Il est progressivement devenu une condition nécessaire d’une administration performante des ressources de l’entreprise et il est désormais reconnu comme telle. Il permet, en effet, de mieux répondre aux besoins des partenaires de l’entreprise, de favoriser l’initiative et la prise de responsabilités et de mieux prendre en compte les aspirations des salariés. Le président du Cercle des jeunes dirigeants ne dit rien d’autre lorsqu’il déclare : « Les entreprises où le dialogue social est bon résistent mieux, la crise n’a pas d’effet, ou peu… À l’inverse, dans les entreprises où le climat est tendu depuis des années, la crise fait exploser la situation. »
J’en viens, enfin, aux deux dispositions qui font débat.
L’article 6 permettait d’instaurer des commissions paritaires régionales en direction des TPE. Après l’examen du texte par le Sénat, elles étaient devenues facultatives et pourvues de compétences réduites. Mais, non contente d’avoir procédé à cette réduction de la portée de la disposition en question, la majorité a décidé tout simplement de la supprimer. Nous ne pouvons que désapprouver le sabordage de cette timide avancée pour la représentativité de ces quelque 4 millions de salariés. Nous le déplorons d’autant que ce résultat n’est que le produit d’une lutte intestine à l’UMP. Une fois encore, l’intérêt des salariés a été négligé.
De même, nous avions espéré que notre amendement permettant l’ouverture de négociations interprofessionnelles d’ici au 31 décembre 2011 sur la représentation patronale aurait été accepté. Il s’agissait d’une avancée importante, d’une chance pour la démocratie et pour notre économie. Elle aurait permis l’instauration d’une représentativité patronale plus conforme à la réalité. Mais, une fois encore, la majorité s’y est opposée et nous le regrettons vivement
Pour le groupe socialiste, faire vivre la démocratie au sein de nos entreprises, et plus particulièrement au sein de nos TPE, est une nécessité si l’on prétend promouvoir le dialogue social, mais aussi une chance pour l’efficacité économique de notre pays. C’est tout le sens de la responsabilité sociale de l’entreprise. Manifestement, la majorité ne l’entend pas de cette oreille. Elle préfère rester arc-boutée sur une vision passéiste de l’entreprise, lourde de méfiances. Or, en ces temps de crise, c’est dans un climat fait de respect et de mutualisation de toutes les forces que nous parviendrons à relever les défis existants.