Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte relatif au dialogue social dans les très petites entreprises était, à nos yeux, important.
Tout d’abord, ainsi que mes collègues l’ont souligné, il ne concerne pas moins de 4 millions de travailleurs. Ensuite, et surtout, il était l’occasion de faire avancer la démocratie dans le monde du travail en mettant fin à la discrimination dont sont souvent victimes, de droit et de fait, ces salariés.
Malheureusement, le projet de loi a été amputé de la disposition qui aurait pu permettre à des travailleurs qui sont des citoyens dans la cité de devenir également des citoyens dans leur entreprise. Vous l’avez compris, mes chers collègues, je centrerai mon propos sur cette occasion manquée que constitue la suppression de l’article 6 du projet de loi.
Cet article prévoyait en effet de créer des commissions chargées d’apporter une aide en matière de dialogue social dans les entreprises de moins de onze salariés. En juillet dernier, l’Assemblée nationale a supprimé cette avancée, une suppression confirmée, la semaine dernière, par la commission mixte paritaire.
Pourtant, le présent texte constituait à l’évidence une occasion de briser enfin cette logique manichéenne et absurde selon laquelle l’intérêt de l’entreprise et les droits des travailleurs seraient antagonistes.
En d’autres termes, par-delà les conservatismes, la sagesse du législateur ne consistait-elle pas, en l’espèce, à affirmer non seulement que le dialogue social ne s’oppose pas à l’intérêt de l’entreprise, mais qu’il en est, au contraire, l’une des composantes ?
Tel était l’esprit des lois Auroux de 1982, en vertu desquelles, rappelez-vous, « les travailleurs doivent devenir les acteurs du changement dans l’entreprise ».
Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, version minimale du projet de loi, est donc, à nos yeux, un déni de démocratie sociale. Ainsi, à partir de 2012, les salariés auront le droit de désigner tous les quatre ans leur syndicat préféré, mais pas celui d’élire des instances de représentation. Or l’état positif du droit est contraire à deux principes constitutionnels.
D’une part, l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». En l’espèce, le principe d’égalité entre les salariés des entreprises de tailles différentes n’est pas respecté du point de vue de leur représentation.
D’autre part, le préambule de la Constitution de 1946 affirme que « tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » et que « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». Vous en conviendrez avec moi, le système mis en place par la loi du 20 août 2008 demeure insatisfaisant au regard de cette exigence dans la mesure où aucune représentation du personnel n’est prévue dans les entreprises de moins de onze salariés.
En tant que législateur, nous avions la responsabilité de créer les conditions équilibrées susceptibles d’instaurer une vraie démocratie sociale, fondée sur le principe de l’égalité. Or il est évident que les salariés des très petites entreprises sont moins bien protégés que ceux des entreprises plus importantes : leurs salaires, leur droit à la formation et leurs droits sociaux sont souvent moindres.
L’adoption de l’article 6 du projet de loi était donc l’occasion de corriger ce déséquilibre et de faire droit à la volonté des salariés concernés ; je rappelle que 70 % d’entre eux souhaitent avoir un vrai représentant. À l’évidence, le rendez-vous est manqué.
Pourtant, comme l’avait indiqué le Premier ministre lui-même, l’institution de commissions paritaires n’avait rien de révolutionnaire, d’autant que, après le vote du projet de loi par le Sénat, celles-ci étaient devenues facultatives et avaient des compétences réduites au niveau régional, et non plus local. Il s’agissait simplement de donner une traduction concrète aux engagements pris dans la loi du 20 août 2008, approuvée par les partenaires sociaux. Or celle-ci devient de facto inapplicable. Ce minimum-là nous est refusé dans ce texte.