Je pense également que le dialogue entre le Parlement européen et les parlements nationaux doit, lui aussi, être encore approfondi, car, dans une union monétaire, il faut que la solidarité financière, mise en œuvre progressivement, se fasse dans la clarté vis-à-vis des citoyens.
Nous allons donc continuer tout prochainement, entre parlementaires français, de discuter de la bonne application de la résolution dite « ancrage démocratique », afin de déterminer la façon de progresser ensemble et, surtout, d’expliquer à nos mandants, à notre opinion démocratique, les choix budgétaires que nous opérons en concertation entre Européens, ce qui me semble constituer un progrès, tout simplement.
Les avancées réalisées sur ce point permettent de constater que la consolidation collective des finances publiques des Vingt-Sept est en bonne voie. Comme l’a déclaré M. Sutour, et il a tout à fait raison, nous avançons vers la mutualisation de la dette.
Si les conditions de la confiance sont réunies, si les comptes sont clairs et transparents pour nos partenaires, les objections, qui étaient quelque peu fondées, seront levées et nous pourrons aller vers une véritable solidarité budgétaire. Je rappelle que, étymologiquement, le mot « crédit » vient de « croire » : il vaut mieux que chacun puisse être cru de ses partenaires.
L’autre aspect de la sortie de crise financière, c’est la mise en place de la régulation bancaire partagée. À cet égard, l’année 2013 sera véritablement décisive. Le manque de régulation était, force est de le reconnaître, une lacune considérable de l’euro tel qu’il avait été mis en place voilà une douzaine d’années. Or une régulation partagée est indispensable pour prévenir de nouveaux dérapages bancaires ou financiers, tels que nous en avons connu au cours des trois ou quatre dernières années.
Les engagements en matière de supervision sont en principe tenus. Toutefois, pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, si vous êtes optimiste sur la mise en place du dispositif d’ici à la fin de l’année ? Il s'agit là d’un objectif politique auquel, je pense, nous souscrivons tous, car il répond à un besoin de sécurité des marchés et des acteurs financiers.
La sécurisation du système financier conjoint des Vingt-Sept constituera une grande étape de notre stabilisation financière. Cette sécurisation faisait défaut à l’Union européenne, il faut le dire avec lucidité. Les gouvernements et les majorités successives ont négligé cette question pendant toute la période calme. Nous avons donc été obligés de la traiter en pleine crise, et nous sommes en train d’y parvenir. Il faut saluer ce résultat.
Il faut d’ailleurs noter, et en tirer quelques réflexions, que, au cours de la négociation, un accord préliminaire s’est dégagé, largement majoritaire, en faveur de l’instauration d’un plafonnement des rémunérations dans le système bancaire européen.
À cet égard, il me semble que nos amis du Royaume-Uni devraient s’interroger – je le dis amicalement, car j’aime beaucoup ce pays – sur les conséquences de l’hypertrophie de leur système financier, totalement dérégulé, sur leur propre économie – celle-ci connaît une récession prolongée depuis deux ans et demi –, ainsi que sur leur capacité d’entraînement, de conviction, de partage d’opinions au sein du Conseil de l’Union européenne depuis que le Premier ministre David Cameron a déclaré douter de la poursuite de la participation du Royaume-Uni à l’Union européenne.
Si nous avons su organiser dans la douleur une sortie de crise financière, nous n’avons pas encore su sortir collectivement de la crise économique, laquelle se traduit par un déficit de croissance. Certes, il y a des contrastes entre pays. Si l’on examinait plus finement la situation, on constaterait même des différences entre régions, à l’intérieur de l’Union européenne. Certains secteurs et certaines régions géographiques s’en sortent mieux que d’autres, mais la tendance globale est tout de même à une stagnation prononcée. Simon Sutour a rappelé les chiffres pertinents tout à l’heure : le taux de croissance anticipé pour 2013 est de 0, 1 %. Quant au taux de chômage, il s’établira à plus de 11 % en fin d’année.
De ce fait, le débat doit être poursuivi et approfondi sur les modalités et le rythme du rééquilibrage des finances publiques et sur le maintien d’une demande suffisante. Vous nous en avez déjà beaucoup dit, monsieur le ministre, mais nous pouvons poursuivre l’échange.
En tant que grand ensemble économique, comme les États-Unis, l’Union européenne est une économie collectivement assez peu ouverte. Les échanges extérieurs de l’Union comptent pour moins de 15 % de son PIB conjoint. La demande interne est donc le premier moteur de la croissance dans un tel ensemble. Aussi, le retour vers les équilibres financiers n’est-il pas trop brutal et trop indifférencié ? C’est une question sur laquelle, à mon avis, il faut poursuivre le débat.
Nous partirons de trois points solides pour continuer cette discussion. Premièrement, plusieurs orateurs l’ont dit, nous avons effectué une grande partie de notre travail d’assainissement budgétaire. Deuxièmement, la commission, dans son rôle d’expertise, l’a reconnu de façon inconditionnelle. Troisièmement, de nombreuses voix en Europe, et de toutes tendances politiques, s’élèvent pour souligner le risque de stagnation. Le débat va donc se poursuivre. L’argumentaire du Gouvernement est selon nous convaincant, et nous y souscrivons. Il faut aller plus vite dans le sens de la croissance.
Je ne reviendrai pas sur l’application du paquet croissance, que vous avez mentionné, monsieur le ministre, sinon pour vous poser une question. Vous souhaitez que ces ressources, ces capacités d’investissement soient mobilisées pour des projets en France et vous œuvrez en ce sens, je le sais. Pourriez-vous donc nous dire si vous progressez sur ce sujet ?
En conclusion, l’enjeu est ici profondément politique. L’orateur de l’UMP l’a d’ailleurs relevé à sa façon, certes avec des approximations. S’il était encore parmi nous, je lui dirais que ce qui est d’abord politique, c’est la Commission européenne et le Conseil européen, qui ont tous deux une majorité conservatrice.
Ceux qui, aujourd'hui, expriment des reproches sur l’état de la construction européenne et la « perception de l’Union européenne par les peuples », pour reprendre l’expression qui a été employée, devraient se demander si leur propre famille politique, laquelle est largement dominante dans les institutions européennes, n’y est pas pour quelque chose ! Pour ma part, je pense qu’il y a un lien.
Nous allons donc faire vivre le pluralisme et la diversité de pensée politique à l’intérieur de l’Union européenne. Je pense que le Gouvernement et le Président de la République ont bien fait de chercher à nouer des alliances, mais que le débat politique européen entre les conservateurs et les progressistes est légitime. Nous aurons l’occasion de le poursuivre, y compris devant le peuple français, dans les mois qui viennent.