Il est important de souligner qu’en l’état actuel de la réglementation, avec la directive de 2009, la question n’est pas tranchée. Le texte ne prévoit qu’un contrôle ex post du marché par la Commission européenne. Aujourd’hui, il n’existe toujours pas de « gendarme » du marché européen du carbone.
Autre illustration des difficultés de ce marché, l’intégration des compagnies aériennes dans le dispositif est en recul. Selon le calendrier initial, les compagnies aériennes opérant dans le ciel de l’Union européenne devaient, au mois d’avril 2013, compenser 15 % de leurs émissions de gaz à effet de serre de l’année 2012 en achetant des crédits carbone sur le marché, les 85 % restants leur étant alloués sous forme de quotas gratuits. Sous la pression internationale, la mise en œuvre de cette obligation a été gelée jusqu’à l’automne 2013 pour les vols intercontinentaux. La taxe sur les émissions polluantes des avions s’applique, toutefois, pour les vols intérieurs dans le ciel européen.
En outre, ces dernières années, le marché a dû faire face à l’effondrement des cours du carbone. Du fait de la crise et, surtout, d’une allocation initiale beaucoup trop généreuse de quotas, le cours a considérablement diminué, pour s’établir aujourd’hui aux alentours de 5 euros la tonne. Or on estime qu’il devrait atteindre entre 25 euros à 30 euros pour que le système soit vraiment incitatif d’un point de vue environnemental.
C’est tout l’enjeu des négociations en cours à l’échelon européen. La Commission européenne a proposé de procéder à un gel, ou back loading, des enchères à venir, vous l’avez évoqué, madame la ministre. Ainsi, 900 millions de quotas, qui devaient être mis aux enchères dans les trois prochaines années, ne le seraient qu’en 2019. Ce gel permettrait de faire remonter le cours du carbone et d’absorber une partie des excédents actuellement sur le marché, que les spécialistes estiment à 1, 4 milliard de tonnes.
Cette proposition doit toutefois être adoptée par le Parlement européen, puis par les États. La commission de l’industrie du Parlement européen s’est prononcée contre le dispositif au mois de janvier dernier, tandis que, la semaine dernière, la commission de l’environnement a voté en faveur de ce gel, à condition que des circonstances exceptionnelles le justifient et que la Commission européenne ne procède qu’une seule fois à cette adaptation. Un vote en séance plénière devrait intervenir au mois de mars ou d’avril prochain. Les États devront ensuite approuver cette proposition, ce qui s’annonce difficile. Si la France a rappelé son soutien à la proposition de la Commission européenne, ce que vous nous confirmerez, madame la ministre, plusieurs États, avec à leur tête la Pologne, ont d’ores et déjà annoncé leur opposition à ce gel des quotas.
En tout état de cause, il s’agit là d’une mesure cosmétique, d’un remède temporaire, qui illustre une fois encore la nécessité de remettre à plat le système. Lors de la conférence environnementale, le Président de la République a indiqué son souhait que soient fixés des objectifs plus ambitieux pour la réduction des gaz à effet de serre, notamment une baisse des émissions de 40 % en 2030 et de 60 % en 2040. L’enjeu est fondamental pour la lutte contre le changement climatique. Le système d’échange des quotas de carbone n’est plus aujourd’hui un outil incitatif pour la transition vers une économie plus sobre en carbone.
À partir de ce diagnostic certes un peu sévère, plusieurs choix sont possibles. Dans une déclaration intitulée « Il est temps de mettre fin au marché du carbone européen », plus de 120 organisations européennes exigent la fin du système des quotas.