Intervention de Jean Bizet

Réunion du 12 mars 2013 à 21h30
Système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet d’assurer, par voie d’ordonnance, la transposition de la directive 2009/29/CE et, ainsi, de permettre la mise en œuvre de la troisième phase, de 2013 à 2020, du système de quotas d’émission de gaz à effet de serre engagé par l’Union européenne parallèlement au protocole de Kyoto.

Je me félicite de cette démarche de transposition à un double titre.

D’une part, sur la forme, cette ordonnance se conforme à l’article 2 de la loi du 5 janvier 2011 dont j’étais à l’origine avec mes collègues Emorine et Longuet. Il nous avait semblé indispensable à l’époque que le Parlement soit à l’initiative d’un texte qui permettait de rattraper notre retard en matière de transposition et ainsi d’éviter à la France de s’exposer à des condamnations pécuniaires majeures. Nous avions considéré, à ce titre, qu’il était nécessaire de balayer un large domaine d’intervention et de permettre ainsi de transposer plusieurs directives par un seul texte législatif, ce qui constituait d’ailleurs une véritable innovation pour une proposition de loi.

D’autre part, sur le fond, cette ordonnance nous permet de nous mettre en conformité avec la législation européenne. Elle réalise une transposition précise des textes européens en vigueur. De ce point de vue, cela n’appelle pas de commentaires particuliers de ma part.

Ma préoccupation porte plus sur l’efficience et la portée de la législation communautaire en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre en vigueur depuis 2005. On constate, après plusieurs années, que le bilan est assez mitigé, ce qui met bien en lumière la difficulté de l’exercice.

En effet, si le principe même d’une législation à l’échelle de l’Union européenne permettant de compléter les engagements du protocole de Kyoto est particulièrement louable, ce dont nous sommes convaincus, la situation actuelle du marché européen du carbone pointe les limites du dispositif. Une allocation de quotas trop généreuse au démarrage, complétée par un ralentissement de l’activité en raison de la crise économique, entraîne une baisse importante du prix de la tonne de CO2. Nous savons que le prix minimum, pour que le dispositif soit incitatif et pousse les industriels à accomplir des efforts, se situe en réalité entre 20 euros et 30 euros. Or, depuis le début de l’année, nous sommes sous le seuil de 5 euros.

Pour tenter de rééquilibrer le marché, la commissaire en charge du climat, Connie Hedegaard, a formulé des propositions sur lesquelles les avis de la commission de l’industrie et de celle de l’environnement du Parlement européen divergent. Bien évidemment, on comprend les approches et les priorités différentes défendues par ces deux commissions, ce qui illustre clairement l’ambiguïté du dispositif. Comment être vertueux en matière d’environnement sans amputer la compétitivité de nos entreprises ? Comment être innovants en matière d’environnement lorsque certains de nos partenaires internationaux ne se fixent pas les mêmes objectifs ?

Preuve en est l’impérieuse nécessité pour la Commission européenne de prévoir un mécanisme dérogatoire d’attribution de quotas gratuits pour les secteurs exposés aux risques de fuite de carbone. C’est bien là le tendon d’Achille du système de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Nous ne pouvons évidemment pas fragiliser nos entreprises et risquer des pertes d’emplois par de possibles délocalisations dans des pays où la législation environnementale est beaucoup moins contraignante.

Nous devons demeurer excessivement vigilants à ce propos et bien mesurer les effets indirects sur notre économie. Certains secteurs sont par principe exclus de ce dispositif ; c’est notamment le cas de l’agriculture. Toutefois, la directive 2009/29/CE prend en compte de nouveaux gaz, tel le protoxyde d’azote. Les fabricants d’engrais sont donc concernés et cela a des conséquences sur l’agriculture ; nous avons eu des débats en commission sur ce sujet. Il est essentiel de considérer une filière au sens large afin de bien mesurer toutes les interactions.

Je me félicite que l’activité de fabrication de produits azotés et d’engrais ait été jugée par Bruxelles comme étant justement exposée au risque de fuite de carbone et qu’elle bénéficie désormais, à ce titre, de quotas gratuits. Il aurait été en effet fort néfaste de pénaliser encore un peu plus notre agriculture par un surenchérissement du coût des intrants, alors que nos éleveurs sont déjà confrontés à la hausse du coût des matières premières pour nourrir leurs animaux.

Je me permets également de rappeler le rôle des prairies comme puits de carbone – on l’oublie trop souvent ! – et de souligner qu’il n’y a point de prairies sans animaux. Ce ne sont pas des surfaces en jachères qui permettraient de remplir ce rôle. Au-delà, c’est tout l’entretien des zones rurales qui serait remis en question. À cet égard, chacun doit y regarder à deux fois.

Permettez-moi à ce propos une digression concernant la situation de l’élevage à la lumière de la récente fraude liée à la nature de la viande utilisée dans la préparation de plats cuisinés. Au-delà du caractère particulier de cette affaire, on se doit de mettre en perspective l’importation de viande de cheval avec les difficultés de la filière bovine française, qui connaît un déficit de production se traduisant non seulement par une augmentation du prix payé par le consommateur, mais aussi par une baisse de la rentabilité pour les éleveurs, compte tenu de la hausse des coûts de production. Je vous indique ce chiffre qui m’a été récemment communiqué : notre déficit de production est de 50 millions à 60 millions de tonnes. Ce n’est pas Marcel Deneux, fin connaisseur de ce sujet, qui me démentira. À l’évidence, nous ne devons pas fragiliser davantage la filière bovine.

Aussi, prenons bien garde à ne pas mettre en péril antage une des composantes de notre secteur agroalimentaire qui contribue pour 11, 5 milliards d’euros à l’excédent de notre balance commerciale. En ces temps de crise économique et de difficultés budgétaires, cela est essentiel.

C’est bien là le cœur du problème : comment concilier protection de l’environnement et compétitivité économique ? Je le dis à mes collègues écologistes : nous devons avoir le sens de la mesure et cesser de toujours vouloir en faire plus que les autres. Je suis bien entendu favorable à la préservation de l’environnement, notamment pour les générations futures. Toutefois, soyons pragmatiques et sachons voter des dispositifs qui permettent de maintenir les conditions d’une activité économique dynamique. Soyons précurseurs à l’égard de nos partenaires internationaux, mais ne soyons pas naïfs dans les négociations commerciales internationales et ne pénalisons pas unilatéralement nos entreprises et nos forces vives. Sur ce sujet, les débats ont bien avancé et le principe de réciprocité est désormais pratiquement admis par tous.

Oui à l’écologie innovante et prospective, non à l’écologie punitive !

Je voterai, ainsi que la grande majorité de mon groupe, ce projet de loi visant à transposer une directive européenne, et ce sans excès. Nous attendons avec impatience le lancement d’un plan de rénovation thermique, précisément dans nos zones rurales, puisque telle doit être la finalité du produit de ces échanges de quotas d’émission de gaz à effet de serre. §

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