Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le marché des quotas d’émission de gaz à effet de serre est l’un des principaux outils dont s’est dotée l’Union européenne pour respecter les engagements pris par ses membres dans le cadre du protocole de Kyoto ; l’objectif était de donner un « prix » à la nuisance que représentent ces émissions. En effet, les quotas d’émission de carbone ne constituent pas un produit classique, comme un quintal de blé, par exemple. Leur création résulte de la volonté publique de chiffrer, en quelque sorte, la dégradation de l’environnement.
Vous le savez, mes chers collègues, la commission des finances du Sénat s’intéresse depuis de longues années à ce marché sous divers angles. J’ai eu moi-même l’occasion d’étudier cette question en 2009, lors de l’élaboration d’un rapport consacré au coût du carbone. Philippe Marini, alors rapporteur général – votre prédécesseur, cher François Marc –, avait introduit dans la loi de régulation bancaire et financière, au mois d’octobre 2010, les fondements de la régulation de ce marché. Nous avons également formulé diverses propositions de financement de la réserve des « nouveaux entrants » qui, plusieurs années d’affilée, a représenté un coût pour le budget de l’État.
Mais cette question n’est bien sûr pas l’apanage d’un camp politique. Notre ancienne collègue Nicole Bricq s’intéressait de près à ce sujet et j’ai constaté avec plaisir que François Marc, notre actuel rapporteur général, allait intervenir dans cette discussion générale.
Mes chers collègues, les enjeux sont lourds.
Malgré les problèmes qu’il a pu rencontrer, ce marché part d’une bonne idée, je crois utile de le rappeler ici. En effet, dans le monde de la grande industrie, qui représente environ 40 % des émissions de CO2 de l’Union européenne, fixer une quantité d’émissions à ne pas dépasser et permettre la répartition de l’effort au travers d’un système d’échange de quotas est un moyen efficace d’atteindre l’objectif communautaire en pénalisant le moins possible la compétitivité industrielle. Tel fut d’ailleurs l’objectif visé au moment de la conception du dispositif : il s’agissait de faire en sorte que les entreprises y trouvent un intérêt financier, celles qui étaient en mesure de procéder aux investissements nécessaires pour économiser des émissions de carbone étant amenées à mettre sur le marché des quotas que pouvaient alors acheter celles pour qui ces investissements étaient plus difficilement envisageables.
Ce dispositif était censé permettre une réduction du volume des émissions. Dans le système de la taxation, l’augmentation du prix est connue, certes, mais on ignore son effet sur le volume des émissions.
Le pendant logique d’un tel système de quotas est un outil permettant de maîtriser, par ailleurs, les émissions du secteur dit « diffus », produites par les petites industries, ainsi que, à travers le chauffage, notamment, par les particuliers et les administrations publiques. En effet, il est évident que, pour ces émetteurs-là, un système de quotas n’aurait guère de sens.
Or, permettez-moi de le rappeler, tel était l’objet de la contribution carbone voulue par le précédent Président de la République, Nicolas Sarkozy, et son gouvernement, à l’élaboration de laquelle Chantal Jouanno a participé, tout comme Nathalie Kosciusko-Morizet, qui fut votée dans le cadre de la loi de finances pour 2010, mais dont le dispositif fut hélas censuré, sur l’initiative du parti socialiste, par le Conseil constitutionnel.