Intervention de Delphine Batho

Réunion du 12 mars 2013 à 21h30
Système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Delphine Batho, ministre :

S’agissant du mécanisme d’inclusion aux frontières, auquel nous sommes très favorables, et sur lequel je reviendrai un peu plus tard, une des questions en suspens pour les jours qui viennent est de savoir si le livre vert de la Commission européenne sur l’horizon 2030 va ouvrir le débat sur les fuites de carbone et la perspective, que nous appelons de nos vœux, d’un mécanisme d’inclusion carbone, qui doit être le corollaire de nos propres efforts.

En effet, à nos yeux, il peut y avoir un engagement unilatéral de l’Union européenne en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais cela suppose que nous ne soyons pas victimes de fuites de carbone et que nous disposions donc d’un instrument pour les combattre.

Je remercie également Marcel Deneux de son intervention. S’agissant des propositions sur lesquelles nous travaillons encore aujourd’hui, elles ne sont pas encore abouties et doivent être discutées dans le cadre du débat national sur la transition énergétique. J’espère que nous pourrons en promouvoir d’ores et déjà un certain nombre lors du Conseil européen sur l’énergie du 22 mai prochain.

À mon sens, quatre éléments déterminent ce que doivent être les évolutions du marché du carbone.

Tout d’abord se pose le problème du long terme, c’est-à-dire de l’après-2020 : quel doit être le niveau d’engagement global de l’Union européenne en matière de réduction des gaz à effet de serre en 2030 et en 2040 ? C’est la préoccupation que le Président de la République a mise en avant.

Ensuite, il y a le sujet de la gouvernance du système ; Laurence Rossignol et plusieurs d’entre vous, dont Fabienne Keller et François Marc, l’ont abordé.

Par ailleurs, il faut évoquer la régulation du prix. Nous avons assisté ce soir à un débat entre les partisans d’un mécanisme de prix plancher du carbone, préconisé par d’autres partenaires européens, et les tenants d’une logique consistant à dire que l’allocation de quotas était trop importante à l’origine et qu’il faut revoir les quantités.

Le dernier élément est le mécanisme d’inclusion carbone ; je viens de l’aborder.

Tels sont les quatre piliers sur lesquels il faut travailler, plus particulièrement les deuxième et troisième – la gouvernance et la régulation du prix –, en vue de formaliser dans un avenir proche des propositions précises de la France en direction de nos partenaires européens.

Déjà, sur le premier point, à savoir les objectifs énoncés par le Président de la République pour les horizons 2030 et 2040, je constate, dans les discussions avec nos partenaires de l’Union européenne, que les positions évoluent. La France peut donc jouer un rôle moteur dans le débat en mettant un certain nombre d’idées sur la table.

J’ai été sensible à ce qu’a dit Raymond Vall sur le lien très important entre engagement environnemental et croissance économique.

Pour ce qui est de l’OACI, des discussions difficiles sont engagées actuellement sur la directive ETS Aviation. Là aussi, il importe d’éviter un recul en préservant cet instrument très important par des solutions de compromis à l’échelon international, faute de quoi nous serions confrontés à des blocages très importants.

Ronan Dantec a raison de dire qu’il ne faut pas « saucissonner » les différentes réflexions, qui sont évidemment liées par la question du financement de la transition énergétique, abordée également par Alain Le Vern.

Monsieur Dantec, vous êtes un fin connaisseur des conférences sur le climat. Du reste, nous aurons besoin de la mobilisation des parlementaires dans la préparation des échéances à venir, notamment celle de Varsovie, à la fin de cette année.

En ce qui concerne l’annulation des quotas, j’ai évoqué la question des différentes techniques. S’agissant de l’annulation en fin de période, nous devons aujourd’hui passer d’un niveau de discussion technique – j’allais dire d’ajustement dans le système actuel –, même si cela reste nécessaire, à une réflexion plus globale sur l’évolution structurelle du marché européen du carbone.

Je remercie Jean-Jacques Filleul d’avoir souligné l’urgence à agir et d’avoir exprimé son soutien au projet de loi de ratification.

Fabienne Keller, vous avez évoqué les travaux réalisés dans le cadre du Comité pour la fiscalité écologique. Ils suivent leur cours sur la base de la feuille de route ambitieuse fixée lors de la conférence environnementale. Je salue le travail qui a été mené sur le mécanisme d’inclusion carbone pour établir sa compatibilité avec les règles de l’OMC.

En ce qui concerne l’action de la France au sein de l’Union européenne, le Conseil européen du mois de mai devrait permettre d’apporter un certain nombre d’éléments sur la nécessité des réformes de structures que nous avons évoquées.

Je remercie François Marc de sa suggestion portant sur la mise en place d’un mécanisme incluant une clé de répartition de l’effort intra-européen qui prendrait en compte la situation économique des différents pays, afin de respecter une logique d’effort égal en fonction du degré de transformation de chacune de ces économies et de son engagement dans la transition écologique. Cette piste de réflexion mérite d’être étudiée si l’on veut débloquer les discussions européennes et éviter de se heurter à la règle de l’unanimité.

Les conséquences budgétaires du faible prix du carbone sont évidentes et le ministère du budget donnera prochainement un certain nombre d’indications. Néanmoins, l’Agence nationale de l’habitat dispose aujourd’hui d’un budget qui lui permet de tenir ses engagements en matière de rénovation énergétique. À moyen terme, la faiblesse du prix du carbone, si elle devait se maintenir, aurait effectivement des conséquences négatives sur ces programmes. C’est pourquoi il convient de remédier à cette situation.

Alain Le Vern a rappelé que le produit des enchères ETS devait financer la transition énergétique. Il faut, dans les discussions actuelles au niveau européen, maintenir le lien entre l’engagement en matière d’énergies renouvelables et l’engagement climatique. Nous avons vu en effet apparaître des positions qui validaient l’engagement sur les énergies renouvelables à l’horizon 2030, mais qui le dissociaient de l’engagement sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La France n’est pas favorable à cette dissociation et souhaite préserver la logique du paquet énergie-climat qui lie étroitement les deux questions.

En ce qui concerne les énergies renouvelables, l’appel d’offres pour les grandes installations photovoltaïques a été publié aujourd’hui même : il intègre des critères de bilan carbone destinés à orienter les soutiens vers l’industrie française.

S’agissant de l’hydraulique et l’éolien offshore, je vous confirme, monsieur le sénateur, que nous sommes en train de travailler sur un tarif de rachat pour les démonstrateurs qui permettra de répondre à vos attentes.

Telles sont, monsieur le président, les réponses que je souhaitais apporter aux différents intervenants en cet instant du débat.

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