Je vais voter cet article ainsi que le projet de loi, mais je tiens à exprimer clairement ma position.
En effet, lorsque j’étais membre du Parlement européen, j’ai siégé à la commission de l’environnement et j’ai toujours été fondamentalement opposée au mécanisme des quotas, estimant qu’il devait, par nature, nous mener au type d’impasse que nous constatons aujourd’hui.
Sans parler de la question du nombre de quotas distribués par les États, j’estime qu’une stratégie de transition énergétique suppose que nous disposions d’une visibilité à long terme du coût du carbone et de la rentabilité des investissements. Par nature, le marché est erratique. Je ne suis pas libérale, ce n’est pas un secret, mais j’attends de voir ce que peut donner une organisation du marché par les États !
Je pense qu’une autre stratégie est possible et que la stratégie actuelle mérite d’être repensée. Cependant, vous avez raison sur ce point, madame la ministre, cette question n’est pas sur la table des discussions européennes et je ne vois pas quel intérêt nous aurions à bloquer l’application de cette directive sous prétexte de repenser son cadre actuel.
Il me semble malgré tout qu’un pays comme la France, qui mène une bataille pour la réorientation des politiques européennes, en particulier pour la réindustrialisation de l’Europe, doit être particulièrement attentif à la promotion d’une politique industrielle européenne ; de ce point de vue, l’idée d’une agence, lancée lors de la précédente rencontre avec l’Allemagne, est importante. Il est très utile de développer des politiques industrielles avec des objectifs de réduction des émissions de carbone, une implication des pouvoirs publics et des financements européens – d’où la nécessité d’un budget européen – en faveur de l’innovation, secteur par secteur.
Le mécanisme d’échange de quotas repose sur l’idée selon laquelle on va optimiser l’allocation des ressources grâce à la vente des quotas de ceux qui peuvent faire des économies à ceux qui ont plus de difficultés pour y parvenir. Or cette thèse n’encourage pas l’innovation maximale parce que celle-ci peut ne pas s’avérer rentable, à moyen terme, dans une branche pour laquelle il sera plus intéressant d’acheter un quota d’émission que d’investir à long terme. Au regard de l’innovation, le marché lui-même, à l’instant t, décourage l’investissement à très long terme, notamment dans certains secteurs industriels énergivores.
Nous avons perdu des branches industrielles entières, comme celle de l’aluminium, au profit du Canada. Nos émissions de gaz à effet de serre ont donc baissé, en France et en Europe, et elles ont augmenté de 40 % au Canada. Beau résultat pour la planète ! Ce qui est sûr, c’est que l’effet sur l’emploi a été terrible en France !
Je suis très heureuse de constater que le Gouvernement souhaite contribuer à une réflexion sur l’avenir de ce dispositif. J’espère qu’il le fera avec l’ambition de repenser les politiques européennes, afin que celles-ci ne soient pas simplement fondées sur le marché.
Enfin, je reste convaincue que la grande révolution que l’Europe doit accomplir est celle du bilan carbone obligatoire pour tous les services et toutes les productions. Cette obligation poussera à une certaine relocalisation des activités et donnera une visibilité à long terme sur ce que l’on veut économiser, mais il faut engager une véritable révolution culturelle. Un petit pas va pouvoir être fait, mais un grand pas reste à faire pour régler la transition énergétique !